L'enfer ne pouvait durer éternellement. Ca finirait un jour. Bon, peut-être pas tout de suite, parce qu'elle allait mettre un certain temps à dépasser sa honte et surmonter son amour-propre, mais ce jour arriverait, forcément. Et ce jour-là, il l'accueillerait, les bras ouverts, lui ferait mille promesses, lui pardonnerait tout, lui proposerait de remettre les compteurs à zéro. Il en avait marre de vivre comme un ermite, marre de la solitude alors qu'elle était là, à quelques kilomètres à peine de lui. Si proche et pourtant tellement distante. Elle et les enfants. Son moteur, sa motivation, ce qui lui permettait de se lever chaque matin pour accomplir sa tâche, jouer son rôle de père, d'amant, de citoyen...
Ils dinèrent en silence, parce que chaque mot dissimulait entre ses sons, entre ses lettres la possibilité d'une blessure et que les leurs suintaient déjà d'un trop-plein de pourriture. L'infection d'un passé qui se refusait à le devenir. Ce soir, les morts s'étaient invités au repas, ceux dont l'absence envahissait les cœurs et les consciences.
Rongé par la culpabilité, il se débattait chaque jour depuis huit longues années avec ses propres démons, le supplice de ses souvenirs, la récurrence de ses cauchemars.
[...] ferma les yeux sur le tsunami qui déferla en elle, dévastant son coeur et la noyant sous les flots amers de la trahison. Des vagues d'écume la rongèrent de l'intérieur, entraînant son âme dans l'abîme sans fin du naufrage de sa vie. Et tandis que les éléments se déchaînaient en elle, lorsqu'elle rouvrit les yeux, ce ne fut qu'une seule larme qui roula sur sa joue. [...]