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EAN : 9782266331890
480 pages
Pocket (12/01/2023)
3.85/5   513 notes
Résumé :
Qui est le véritable meurtrier d'un être qui se suicide ?
Lui, sans doute. Et puis tous les autres, aussi. Quand Roxane ouvre les yeux, elle sait que les choses ne se sont pas passées comme prévu.

Martin et elle formaient un couple fusionnel. Et puis, un matin, on les a retrouvés dans leur lit, suicidés. Si Roxane s'est réveillée, Martin, lui, n'a pas eu sa chance... ou sa malchance. Comment expliquer la folie de leur geste ? Comment justifier ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (143) Voir plus Ajouter une critique
3,85

sur 513 notes
Quand on me pose la question "Qu'as-tu lu de bon cette année", Barbara Abel fait quasiment toujours partie de la réponse. Autant j'adore découvrir de nouveaux auteurs et des petites pépites dissimulées sous les avalanches de sorties littéraires, autant je prends également plaisir à retrouver ces valeurs sûres que j'achète les yeux fermés, certain de passer un excellent moment de lecture. Les romans de Barbara Abel en font indéniablement partie !

« Les fêlures » débute dans le lit de Roxane et de Martin, un couple fusionnel qui vient de se suicider… sauf que… Roxane n'est pas morte. Son réveil à l'hôpital sera d'ailleurs particulièrement douloureux car, outre la perte de son compagnon, elle devra également s'expliquer auprès de ses proches et ceux de Martin, ainsi que devant la police car ce suicide partiellement réussi…ou partiellement raté (tout dépend du point de vue)… semble pour le moins suspect !

Pour son quatorzième roman, Barbara Abel livre à nouveau un thriller psychologique qui plonge le lecteur dans la tête de ses personnages. À coups de flashbacks, l'autrice remonte dans le temps, à l'origine des fêlures qui permettent d'expliquer les gestes du présent. Tout en distillant ces blessures d'enfance qui déterminent les adultes que nous devenons, l'autrice partage avec brio les émotions et les doutes de ses personnages, entraînant le lecteur derrière les apparences trompeuses de ce couple que tout le monde croyait pourtant très heureux…

Outre cet aspect psychologique d'une grande justesse, Barbara Abel propose également une intrigue qui parvient à tenir le lecteur en haleine dès la première page. Roxanne est-elle une Juliette des temps modernes, rejetée par sa belle-famille, simulant sa mort et pleurant le décès malheureux de son Roméo… ou juste une tueuse impitoyable ? Tout en donnant progressivement de l'épaisseur à ses personnages, l'autrice nous balade de révélation en révélation, faisant pencher la balance d'un côté, puis de l'autre, nourrissant l'envie de connaître la vérité.

Lisez Barbara Abel !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Barbara Abel semble dévier de ses précédents thrillers. Fini le trash, le noir, le suspens haletant. Les fêlureset Les vivants autour sont deux livres dramatico-psychologiques loin de ses premiers polars.

Martin et Roxane se connaissent et s'aiment depuis quelques mois. Voilà pourtant qu'on retrouve le couple suicidé. Si Roxane finit par se réveiller, Martin lui n'en réchappe pas. Qu'a poussé ce couple tel des Roméo et Juliette à vouloir se donner la mort ?

Barbara Abel dissèque ici les abysses de deux êtres cabossés, meurtris par leur enfance. Entre passé et présent, on cherche la victime, le bourreau. Tout accuse Roxane. Sa soeur Garance pourtant si complice se met à douter. Les révélations sont accablantes.
Et Roxane ne cesse de clamer son innocence.

Un livre diaboliquement efficace avec une psychologie travaillée avec minutie. Une plongée immersive au coeur d'un couple qui tente de survivre aux affres de l'enfance, en proie à la différence de classe, aux jugements, aux non-dits.

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Cinquième roman que je lis de Barbara Abel, et toujours pas convaincue par l'auteure... En lisant le pich, je me dis toujours que c'est pour moi, et puis, non, dés le milieu , ça retombe comme un soufflé ...

Pour Les Fêlures, ça partait bien, c'était original comme idée, mais la façon de traiter l'histoire, de ne rendre aucun personnage sympathique, une absence de finesse dans la psychologie des personnages , de gros sabots pour parler de sujets graves, des clichés à la pelle, le tout ajouté à de grosses erreurs sur les métiers cités dans l'histoire, ont crée de grosses fêlures dans ma vie de lectrice !

Quel est l'éditeur, à qui un homme soumet un manuscrit en disant que c'est celui d'un collégue de boulot, qui dézingue grossièrement le dit-manuscrit sans se douter une seconde, que la personne assise en face de lui ,est l'auteur de ce manuscrit ? (et pas le collégue fictif ) .
Quelle psychologue (digne de ce nom ), va rapporter à une patiente ce que pense la soeur de cette dernière ? (Des confidences obtenues dans son cabinet ?? ). On parle d'une personne qui a fait une tentative de suicide !!!?
Un psychologue ça ne blablate pas, ça écoute, ça soigne, ça soulage et ça guérit. Ça implique de la neutralité.

A part ça, c'est sensé être une réécriture de Romeo et Juliette..
Un couple fait une tentative de suicide, la jeune femme prenant tout de même la peine de téléphoner à sa soeur en lui demandant de venir en urgence , histoire d'être secourue . L'homme trépasse, la femme survit et aménage chez sa soeur . (Pas de séjour en clinique pour débriefer tout ça, non, juste un petit suivi chez une psychologue, on y croit... ).
La police enquête pour savoir si la survivante a "suicidé" le petit-ami ou si c'est un crime . La belle-mère ( une méchante femme )soupçonne sa belle-fille, c'est que le couple un peu trop fusionnel avait des problèmes. Ils s'étaient isolés de tous.
La soeur ( qui héberge ) commence à craquer et douter de sa " petite souris, c'est que voyez-vous, il y a des antécédants dans la famille.
Enfance compliquée des deux côtés. Car tout remonte à l'enfance, et enfants ébréchés = grosse casse adultes . D'où le titre les fêlures...

Pour écrire ce roman deux personnes ont été remerciées à la fin, une co scénariste ( a conseillé ) et une autre personne a proposé des ( je cite ) solutions judicieuses, l'écrivain et ami Paul Colize a eu l'idée des titres de chapitres.
Et bien cela confirme ce que je sentais, un roman écrit sans véritable inspiration, sans mettre ses tripes sur la table, un peu comme s'il fallait pondre un roman de temps en temps parce qu'on est une professionnelle de la profession et qu'il faut bien vivre ( ce que je peux comprendre, mais ça manque d'âme , du coup...)

Ça se lit, mais il y a mieux...
(De mon point de vue, car d'autres ont aimé...)
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Alors que sa consoeur et amie Karine Giebel a récemment publié avec Glen Affric une magnifique réécriture moderne de Les souris et des hommes de John Steinbeck, Barbara Abel s'est emparée dans Les fêlures d'un autre grand classique de la littérature : Roméo et Juliette de William Shakespeare.
La pièce de théâtre, qui remonte à la fin du seizième siècle, ne narrait pas seulement l'histoire de deux tourtereaux vivant d'amour et d'eau fraîche. Si leurs prénoms sont aujourd'hui synonymes de passion, ils évoquent tout autant l'amour impossible, destructeur et dramatique. Parce que les deux jeunes gens, descendants de deux familles qui ne peuvent pas s'encadrer - les Montaigu et les Capulet - devront se cacher et user de stratagèmes subtils pour pouvoir enfin vivre leur histoire librement.
Juliette sera amenée à simuler sa mort à l'aide d'une potion pour pouvoir retrouver son compagnon. Roméo, la croyant véritablement décédée, avalera alors une fiole de poison. Et quand, à son réveil, Juliette découvrira le corps sans vie de son amant, elle se poignardera pour le rejoindre dans l'au-delà.
Tous deux se suicideront, incapables d'imaginer continuer d'exister l'un sans l'autre.
A cause d'un gros quiproquo.
Shakespeare aimait bien aussi les histoires qui se finissaient mal.

Transposés au vingt-et-unième siècle, ils deviennent Martin Jouanneaux et Roxane Leprince. Lui, promis à un brillant avenir dans la société financière familiale, elle étudiante en médecine. Et comme si Barbara Abel reprenait la pièce de théâtre juste avant que Juliette / Roxane ne se donne la mort, le roman s'ouvre gaiement sur ce double suicide dont le taux de réussite n'est que de 50 %. Garance, la grande soeur de Roxane, est arrivée à temps pour sauver sa petite souris, surnom affectueux donné à sa cadette. Mais avaler la potion a en revanche été fatal pour Martin. Enfin, en guise d'élixir, l'auteure de Je sais pas a choisi l'injection létale de morphine, davantage dans l'ère de notre temps.
"La réaction de Roxane à son réveil l'a bouleversée, son désespoir était palpable, celui de n'être pas partie avec son compagnon."

Dans cette nouvelle version, Roxane survit donc à son Roméo. D'abord mutique, le lecteur n'aura que des éléments extérieurs à ce drame à se mettre sous la dent pour comprendre comment ces deux âmes soeurs en sont arrivées à vouloir mourir ensemble. Laquelle a entraîné son partenaire dans sa chute ? Est-ce que Juliette a réellement souhaité mourir ou est-elle coupable de meurtre, volontaire ou non ?
"En vivant, Roxane devient coupable de la mort de Martin."
Pour répondre à ces questions, alternant entre passé et présent, Barbara Abel va gratter sous la surface de chaque individu, chaque protagoniste, nous dévoilant petit à petit que les apparences sont parfois trompeuses, que chacun dispose de failles, de fêlures. Et elle se fera un plaisir de les mettre à nu en dissolvant les couches de vernis, révélant ce qui réside en réalité sous la bienséance et la gentillesse, sous l'innocence et le devoir filial.
"Elle est aussi belle à l'extérieur qu'elle est tordue à l'intérieur."
"Roxane avait quelque chose de vulnérable, une fragilité qui n'appartient qu'à ceux qui ont beaucoup souffert."

Martin et Roxane ne sont pas les seuls concernés par la grande finesse de cette analyse. Tout comme les Montaigu et les Capulet, leur histoire d'amour ne leur appartient pas tout à fait : Leur famille respective a un rôle déterminant à jouer.
Familles qui se ressemblent et que tout oppose, comme en un curieux jeu de miroirs.
Du côté de Martin, richesse et prestige. Incarnée par sa mère, Odile Jouanneaux, femme effroyable d'insensibilité, sournoise, incapable d'écoute et de remise en cause. Pour elle ce sera toujours comme ça et pas autrement. Quiconque se mettra en travers du chemin de ses ambitions sera écrabouillé comme un insecte. L'avenir de ses fils et de sa société sont déjà tout tracés. Peu importe leur équilibre personnel.
"Rien ne transpire de ce qu'elle pense, de ce qu'elle éprouve, de ce qu'elle suppose."
"Odile est de ces gens qui écrasent sous prétexte d'élever, portant aux nues des principes d'un autre temps."
Et pourtant, le visage de cet odieux personnage parfois se craquelle et quand elle ne parvient plus à sauver les apparences, elle en redevient presque humaine.
Du côté de Roxane, on n'est pas du tout dans le même milieu social. Ses parents sont des artistes ratés du septième art. Son père a fini par partir, abandonnant ses enfants aux mains de Judith Leprince, une mère tout aussi toxique que celle de Martin.
"Ses flèches empoisonnées n'atteignent plus leur cible, l'adolescente lui oppose désormais une indifférence blessante."
Une femme alcoolique, méchante, humiliante, violente qui n'a pas beaucoup laissé de chance à ses filles dans la vie. Heureusement, à sa mort, sa soeur Garance a pu prendre soin de Roxane comme elle s'était toujours évertué à le faire.
Chez les Jouanneaux aussi ils sont deux frères : Martin et Adrien. Martin, au physique quelconque, voire fade alors que chez les Leprince c'est l'aînée qui n'a pas les mêmes gènes de beauté de sa soeur.
Chez les Jouanneaux, c'est le père qui est mort, il y a deux ans, des suites de son cancer.

Si j'ai un petit reproche à formuler, ce serait au sujet de l'écriture.
"Le style est ampoulé, le vocabulaire pauvre et répétitif, les métaphores, quand il y en a, sont stéréotypées."
Alors non, cet extrait ne dénonce pas les défauts de plume de "Les fêlures" même si j'ai trouvé certaines formulations un peu trop bien écrites, peut-être un peu prétentieuses.
Après, lire de très jolies phrases peut-il être considéré comme un défaut ? Probablement pas. Disons simplement que Barbara Abel est plus exigeante avec son lecteur que par le passé et que certains passages requièrent davantage d'attention si on souhaite s'imprégner de la magie des mots.

Le roman est lent, il ne faut pas s'attendre à une révélation à chaque chapitre, il prend vraiment le temps de disséquer chaque personnage ( au sens figuré à part pour Martin qui subira une autopsie ) central, mort ou vivant.
En s'attardant plus encore sur Roxane et sur sa belle-mère Odile, les deux personnages qui souffrent le plus de la disparition de leur fils / de leur grand amour et qui, plutôt que se rapprocher, vont se livrer à distance une guerre sans merci.
Rancunières, accusatrices, manipulatrices... Laquelle, si tant est qu'il y en ait une, est réellement responsable de ce qui est arrivée à Martin ?
Il n'y a pas que la tasse sur la couverture qui va voler en éclats. Vos certitudes également.
Ici les personnages sont indissociables de l'intrigue. Ils s'étoffent en parallèle de même qu'ils vont parfois prendre le lecteur à contre-pied, par leur comportement ou leurs révélations.

Le roman n'a rien de malsain mais il s'agit bien d'un roman noir laissant derrière son sillage une intense sensation de vide et de gâchis.
Bien sûr, il est aussi question d'amour, après tout on parle d'une version remaniée de Roméo et Juliette. Mais comme dans Je t'aime il n'y a pas beaucoup de fleurs bleues. Sincère, intense, destructeur, illusoire, l'amour ici évoqué n'est pas seulement celui du couple mais aussi celui qui devrait lier une mère et ses enfants, ou encore celui qui relie deux soeurs.
"Vingt ans plus tard, cet amour ne s'est jamais démenti."
Et puis est aussi évoquée l'impossibilité d'aimer, quand on a grandi asphyxié et sans repère.
"Le mieux, c'est de n'aimer rien ni personne."

Initialement, le roman devait s'intituler A peine les ombres. Les fêlures est un titre beaucoup plus évocateur puisque ce sont bien les failles de chaque personnage qui sont aux premières loges de ces tragédies familiales.
Doutes, malentendus, mensonges, incompréhension, souffrance et bonnes intentions engendreront en cascade des dommages directs et collatéraux.
Parce que la mort de Martin n'est qu'une porte qui s'ouvre vers une réaction en chaîne, implacable, reliée au passé des Jouanneaux et des Leprince.
Ce que vous devriez vous faire une joie coupable de découvrir par vous même.

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"Les histoires d'amour finissent mal, en général", chantait Catherine Ringer, au temps des regrettés Rita Mitsouko. Et ce n'est pas "Les Fêlures" qui fera mentir cet adage, parce que non seulement ça finit mal, mais l'histoire commence carrément par le double suicide d'un couple d'amoureux, Roxane et Martin, alors que tout le monde s'imaginait qu'ils filaient le parfait amour ! Petit détail qui a son importance pour la suite : Roxane s'en sort in extremis, ayant appelé sa soeur Garance au moment fatidique. Voilà qui d'un point de vue juridique va sérieusement compliquer les choses, Roxane se retrouvant accusée de meurtre par sa charmante belle-mère et néanmoins ennemie, qui s'empresse de porter l'affaire devant les tribunaux.
Alors, que s'est-il réellement passé le soir du drame ? Pour comprendre, il faudra remonter aux racines, c'est-à-dire à l'enfance des protagonistes, Roxane et Garance dans la famille Leprince, Martin et son frère Adrien dans la famille Jouanneaux. Pas le même univers, à priori, mais déjà des fêlures des deux côtés. Garance veut savoir, elle enquête, et va découvrir des faits surprenants (et glaçants) dans le passé de sa soeur et du compagnon de celle-ci. Rebondissements garantis jusqu'à la toute fin !

Bien sûr, on pense immédiatement à une version moderne de Roméo et Juliette, non seulement à cause du double suicide des amants, mais aussi de part le contraste entre les deux univers familiaux : ces deux-là n'étaient pas destinés à former un couple, à priori. Mais pour moi la comparaison s'arrête là, la part dévolue à l'enquête prend rapidement le dessus, ainsi que les flash-back dans le passé (proche et lointain) des uns et des autres.
Le rythme est soutenu, pas le temps d'émettre une hypothèse qu'on passe déjà à une autre, c'est même un peu trop haletant pour moi, parce qu'on perd en crédibilité. Et en parlant de crédibilité, d'autres que moi l'ont déjà souligné, certains détails m'on fait bondir, notamment la facilité avec laquelle Garance obtient des renseignements auprès de la psychologue qui suit Roxane après sa tentative de suicide. Aucune confidentialité ! Et après une TS avérée, on fait généralement un séjour en service psychiatrique, on ne va pas directement habiter chez la frangine diététicienne qui reçoit ses clients à domicile en plus... Bref, quelques invraisemblances dans le scénario.

J'ai également eu l'impression que Barbara Abel avait changé de style d'écriture, beaucoup de formules un peu cliché, d'emphase, d'exagération. Alors on peut trouver que c'est plus efficace, moi ça m'a légèrement agacée ces redondances. Je trouvais la Barbara Abel de "Je t'aime" par exemple plus directe, moins à la recherche de la formule qui claque. Question de goût, sans doute.

Malgré ces réserves, je ne renie pas mon attirance pour les romans de cette auteure, j'en ai d'ailleurs encore quelques-uns dans ma Pal et même si celui-ci ne m'a pas totalement comblée je l'ai lu très vite et avec plaisir. Mais si vous ne connaissez pas Barbara Abel et souhaitez la découvrir, je déconseille de commencer par ce récit. Elle a commis bien mieux, à mon humble avis en tout cas.
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Citations et extraits (80) Voir plus Ajouter une citation
__Jusqu'à présent, Garance pensait que la vie ferait son œuvre, avec ses béquilles et ses sparadraps, qu'elle permettrait du moins à sa sœur d'explorer ses sillons Ceux-ci sont devenus brèches, puis fossés, puis crevasses, ils l'ont précipitée dans les profondeurs d'un destin à la dérive. - 339
__Garance dresse autour de sa sœur un mur de temps, la seule chose qu'elle puisse lui accorder sans compter. Le passé est révolu, reste le présent avec ses crevasses et ses sparadraps, ses bouts de chewing-gum qui collent aux doigts et que l'on étire comme on veut. Le temps, c'est ce qui guérit les blessures, tout le monde le sait, tout le monde le dit. C'est une petite souris qui vient troquer une dent de lait contre un sou, c'est celui que l'on prend pour l'autre, celui que l'on passe à le regarder dormir. - 273
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Chapitre 1
Certains réveils sont plus pénibles que d’autres.
Au moment où Roxane ouvre les yeux, malgré le chaos qui règne dans sa tête, elle comprend que les choses ne se sont pas passées comme prévu.
Les souvenirs peinent à refaire surface, ils se désordonnent à mesure qu’ils apparaissent, comme on joue à cache-cache dans l’obscurité. Ce sont des formes confuses, des ébauches d’impressions, ils se dérobent à peine décelés, ils s’échappent sitôt saisis. Sa conscience en profite pour occuper le terrain : sans perdre de temps, elle découvre des crocs redoutables qu’elle plante sans pitié dans sa raison. C’est fulgurant, la jeune femme essuie un premier assaut, dont la violence la laisse pantelante. Elle tente de rassembler ses idées, d’organiser la bouillie qui lui sert de mémoire, de dompter la souffrance qui, déjà, lui ronge l’âme. Peine perdue. Elle n’a pas encore retrouvé son calme qu’elle doit affronter une meute de spectres grimaçants, dont elle devine qu’ils ne lui accorderont aucun répit.
À la douleur de l’esprit succède celle du corps. Comme pour se mettre au diapason, c’est la tête qui endure le premier supplice. Elle explose sous la charge d’une pression féroce, brutale, qui arrache à Roxane une plainte rauque. Elle tousse, et chaque quinte lui écorche les voies respiratoires. Elle tente de se redresser pour atténuer le mal, le mouvement réveille son estomac qui se tord instantanément et propulse dans tout l’abdomen de virulentes pointes aiguës, lesquelles la forcent à se recoucher.
— Ne bouge pas, ma petite souris. Je suis là. Tout va bien.
Cette voix, Roxane l’identifie à la seconde : c’est celle de Garance, sa sœur. Celle-ci se penche sur elle, sa respiration lui effleure le front. Cela apaise Roxane durant quelques secondes, juste avant que ses démons repartent à l’assaut. Elle veut parler, savoir ce qui se passe, où elle se trouve, pourquoi, comment ?
— N’essaie pas de parler, on a dû t’intuber.
En croisant le regard de Garance, Roxane lit l’angoisse tapie au fond des yeux de sa sœur, la peur rétrospective dont elle est l’otage, une charge émotionnelle difficile à dompter. Elle devine enfin la pointe de reproche que Garance ne parvient pas à dissimuler tout à fait. Des images commencent alors à émerger, se révélant à son esprit par petites touches, une silhouette d’abord, dont elle discerne les contours, et, avec elle, le souvenir éprouvant des derniers instants, juste avant que la morphine se rue dans son organisme et prenne d’assaut une à une ses fonctions vitales.
Martin.
Roxane sonde aussitôt la pièce dans laquelle elle se trouve, à sa recherche.
— Tu veux quelque chose ? lui demande Garance avec douceur.
La peur de savoir lui tord le cœur, mais, très vite, l’ignorance l’effraie plus encore.
Posant sur sa sœur un regard inquisiteur, entre terreur et détermination, Roxane attend.
Il faut quelques instants à Garance pour déceler ce que cherche sa cadette. Alors, elle s’assombrit et la considère avec gravité. Le temps s’arrête. Les secondes s’étirent dans l’immobilité du silence, les deux femmes se contemplent, l’une en demande, à l’affût du moindre indice, l’autre en retrait, épouvantée par la réponse qu’elle doit formuler. Alors, prenant le parti de contourner l’impossible épreuve, Garance se contente de secouer lentement la tête.
Non.
Ce qui se passe ensuite restera gravé dans la mémoire de Garance. Les traits de Roxane se figent un court instant, voilés d’une obscurité minérale, presque tombale, avant de se décomposer en une grimace déchirante. Terrassée, la jeune femme se recroqueville, on dirait qu’elle se dessèche, se vide, se décolore, soudain diaphane, transparente, presque un fantôme. Elle s’abîme dans un interminable sanglot qui met une éternité à émerger, à expulser le hoquet de peine, celui qui donnera le coup de feu du départ, la permission d’exprimer sans retenue son chagrin et sa douleur.
Garance se tient pétrifiée à côté d’elle. Elle assiste, impuissante, à la déliquescence de Roxane, à sa déchéance, à sa mise à mort. Et lorsque sa sœur plonge dans les flots de sa détresse, lorsqu’elle donne libre cours à ses larmes, lorsque les plaintes emplissent l’espace, déchirées et déchirantes, Garance la prend enfin dans ses bras et la serre contre elle.
Les deux jeunes femmes pleurent longuement, agrippées l’une à l’autre.
— Pourquoi ? demande Garance.
Roxane frémit. Elle s’extirpe de l’étreinte et reste figée. D’une immobilité parfaite, elle tente pourtant de contenir le tumulte qui malmène ses pensées, son cœur, ses muscles, ses tripes.
Pourquoi ?
Comment répondre à cette question ?
Comment raconter, comment expliquer ?
Comment traduire en mots la folie de ce geste ? Roxane tressaille en songeant que son premier juge est là, devant elle, Garance, son âme sœur, et que rien, à ses yeux, ne justifiera la dérive de leurs illusions.
Elle tente d’endiguer les souvenirs qui l’assaillent et ne peut réprimer un frisson d’angoisse. À mesure que la situation se dévoile, à mesure que se révèlent à sa conscience celles et ceux qui lui demanderont des comptes, elle voit se creuser sous ses pas un abîme sans fond dans lequel la tentation est grande de se laisser sombrer. Disparaître, s’évanouir, se désagréger. S’ajoute un sentiment de solitude terrifiant, un étau qui lui enserre la poitrine au point d’entraver sa respiration. Enfin, il y a cette voix qui ricane sous son crâne, la persécute et l’accuse, vomissant une déferlante de reproches, tu croyais quoi, pauvre idiote ? Les mots ricochent dans sa conscience, elle voudrait les chasser, mais comment ? La voix poursuit sa diatribe, implacable. Tu pensais vraiment que ce serait aussi facile, que tu allais t’en sortir comme ça ? Roxane secoue la tête, non, promis, elle ne pensait rien, elle mesure son arrogance, elle comprend son erreur. Elle demande pardon, pitié, elle sait maintenant que tout cela était vain, qu’ils avaient tort, bercés d’illusions.
Elle sait surtout qu’elle ne maîtrise rien et qu’elle doit affronter son destin. Seule.

Jamais démenti
La première fois que Garance et Roxane se sont vues, les choses ont mal commencé. En même temps, tout allait mal à cette époque, pourquoi aurait-ce été différent ?
Pour commencer, il était prévu qu’elles se rencontrent dans la matinée, c’est en tout cas ce qu’on avait dit à Garance. Au lieu de ça, Roxane était arrivée en fin d’après-midi. Garance avait passé la journée le nez à la fenêtre, les nerfs à fleur de peau. Elle avait tenté de négocier avec son impatience, consciente malgré ses quatre ans que cette journée serait déterminante et que, rien, jamais, ne serait plus comme avant.
Elle ne s’était pas trompée.
Lorsque Roxane est arrivée – enfin ! –, Garance était dans un tel état de tension qu’elle a mis plusieurs minutes avant de venir l’accueillir. Elle avait tourné en rond dans sa chambre, ravalant sa rancœur et cherchant au fond d’elle-même un reste de cette fébrilité qui l’animait ce matin encore. Les bruits du salon lui parvenaient par bribes étouffées, la voix de Judith, sa mère, impatiente et agacée, celle de Jean, son père, déjà à cran. Elle se demandait pourquoi ces deux-là prenaient encore la peine de se parler, le moindre mot entre eux dégénérait invariablement, quelle que soit l’heure de la journée, quel que soit le sujet abordé, tournant à l’aigre dans le meilleur des cas, virant au pugilat dans le pire.
Seule dans sa chambre, Garance percevait la tension, une nervosité ambiante qu’elle connaissait par cœur, elle pouvait en prévoir chaque étape. En entendant ses parents se chamailler dès le retour de sa mère, avant même qu’elle n’ait pris le temps de se poser, sans même s’inquiéter d’elle, Garance avait éprouvé une amertume chargée de dépit.
Qu’allait penser Roxane ?
Elle s’était donc résolue à rejoindre le salon, sans grand espoir d’apaiser la dispute qui se cristallisait sous les mots accablants et les paroles blessantes.
Quand elle était apparue, sa mère l’avait gratifiée d’un simple « Ah, tu es là, toi ? » avant de reporter son attention sur son mari à qui elle reprochait l’état de l’appartement, tu as vu le bordel, franchement, tu ne pouvais pas faire un effort, au moins pour mon retour ? Jean s’était retranché derrière son emploi du temps surchargé, tu crois que j’ai eu le temps, sans oublier qu’il a fallu s’occuper de Garance, lui préparer ses repas, la conduire à l’école et aller la rechercher, putain, tu n’es pas là depuis dix minutes que tu fais déjà chier !
Roxane s’était mise à pleurer.
Blotti dans son couffin, le nouveau-né s’agitait dans l’indifférence générale.
La querelle des parents prenait de l’ampleur, mais leurs mots se noyaient dans les pleurs du bébé. Garance s’était avancée, en apnée, navrée pour cet enfant, ça n’a pas l’air terrible comme ça, mais tu verras, il y a parfois de bons moments.
À mesure qu’elle se rapprochait de Roxane, la cacophonie familiale s’était estompée dans les battements de son cœur. Elle avait dû grimper sur la chaise, car le couffin était posé sur la table et elle ne distinguait rien de ce qu’il y avait à l’intérieur. Le temps avait alors endigué sa course, comme s’il lui donnait la possibilité de faire marche arrière, de retourner dans sa chambre comme si de rien n’était, après tout elle n’avait rien demandé à personne…
Bien sûr, Garance n’avait pas hésité.
Elle s’était penchée au-dessus du couffin et avait découvert sa petite sœur.
Le coup de foudre avait été immédiat.
Et réciproque.
Était-ce cette présence au-dessus d’elle, cette odeur d’enfance, cette douceur sucrée, ce regard à la fois étonné et déjà fasciné, cette menotte qui s’était approchée et avait effleuré sa joue ?
Au contact de la fillette, Roxane s’était tue, aux aguets.
Les yeux froncés, encore fermés au monde qui l’entourait, le teint laiteux, la peau plissée et duveteuse, elle s’était aussitôt apaisée tandis que Garance lui murmurait de jolis sons, une berceuse improvisée dans les replis de ses espoirs.
C’est ainsi que les de
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Le regard d'une mère, ses espoirs, ses attentes, ça vous met à genoux une bonne partie de votre vie, pire qu'une fracture ouverte. 389

Dans un suicide, où est la victime, où est le bourreau ? En vérité, le criminel est ailleurs. 449
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En dépit du malheur qui les frappe, les proches du suicidé deviennent complices, presque responsables d’une si tragique issue : ils n’ont pas été capables d’empêcher le pire,ils n’étaient pas là, ils n’ont rien vu. Ils sont coupables de négligence dans le meilleur des cas, d’incompétence dans le pire. À la fois victimes et bourreaux, ils portent en eux la marque de l’infamie.
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Faire semblant. De vivre, de bouger, de respirer. Feindre l'impact, simuler l'agonie. En vérité, elle ne ressent rien. Elle est au-delà de ça. À l'annonce de la mort de Martin, son esprit a mis en place un système de défense dont la perfection n'a d'égal que l'efficience. Il a plongé ses émotions dans le coma, il a paralysé toute velléité de riposte nerveuse, il a assommé sa conscience. Elle sait que le monde vient de s'écrouler autour d'elle, mais ce n'est pour l'instant qu'une simple constatation.
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Vidéo de Barbara Abel
Découvrez l'émission intégrale ici : https://www.web-tv-culture.com/emission/niko-tackian-la-lisiere-53718.html Les études de droit et d'histoire de l'art peuvent mener à l'écriture de roman noir. La preuve ! C'est en tout cas le chemin pris par Niko Tackian pour arriver en librairie au rayon des romans qui font peur…
On l'a aussi connu journaliste, auteur de BD, metteur en scène et scénariste. On lui doit d'ailleurs la série télé « Alex Hugo » écrite en collaboration avec Franck Thilliez.
Mais aujourd'hui, c'est avant tout de l'auteur de thrillers que je veux vous parler, lui qui, en quelques titres, est devenu un incontournable. Il fait d'ailleurs partie du collectif « La ligue de l'imaginaire » aux côtés de Bernard Minier, Olivier Norek, Bernard Werber ou Barbara Abel.
Dans l'univers du thriller, Niko Tackian fait ses armes avec « Quelque part avant l'enfer », un premier titre primé au festival de Cognac. Rapidement les succès vont s'enchainer au rythme d'un livre par an.
Et si vous n'avez pas encore lu « Avalanche hôtel », « Celle qui pleurait sous l'eau » ou « Repère », allez-y ! Vous allez adorer avoir peur ! Dans ses romans, Niko Takian aime décortiquer la psychologie de ses personnages, les mettre face à des situations toutes plus angoissantes les unes que les autres et, à chaque fois, son histoire prend place dans un paysage différent, sorte de huis-clos naturel qui joue un rôle dans le déroulé de l'intrigue.
Avec « La lisière », le nouveau thriller de Niko Tackian, nous voici en Bretagne. Mais pas la Bretagne de bord de mer, riante et touristique. Non, nous sommes ici au coeur de la Bretagne, celle des monts d'Arrée, rugueuse et austère, pétrie de légendes autour des elfes, du chien noir et de l'Ankou, le serviteur de la mort.
Ce soir-là, Vivian est en voiture avec son mari Hadrien, au volant et leur fils Tom à l'arrière. Il fait nuit, le crachin masque la visibilité, le vent s'engouffre dans ses paysages tortueux des monts d'Arrée. Tout à coup, une forme surgit devant la voiture obligeant le conducteur à s'arrêter précipitamment. Hadrien descend du véhicule pour vérifier que tout est en ordre. le petit Tom descend aussi pour soulager un besoin pressant. Une minute passe, puis deux… Vivian sort à son tour de voiture. Personne. Son fils et son mari ont disparu, elle est seule dans cette lande bretonne battue par le vent et la pluie.
Voilà le point de départ de cette histoire à vous empêcher de dormir. Une petite famille bien ordinaire embarquée dans une intrigue sinistre à souhait.
L'écriture est vive, rythmée, addictive. Les situations angoissantes s'enchainent, les chausses trappes abondent et le lecteur de suivre frénétiquement les soubresauts de l'enquête et d'accompagner Vivian dans sa quête de la vérité. Que sont devenus sont fils et son mari ?
Un thriller impeccablement réussi que vous allez dévorer jusqu'à la dernière page avec une conclusion terrifiante que vous n'aurez pas vue venir. Et cerise sur le gâteau, Niko Takian vous offre aussi un chapitre supplémentaire grâce à un QR code en fin de roman qui vient compléter le plaisir de lecture.
Vous qui aimez avoir peur, vous allez vous régaler.
« La lisière » de Niko Takian est publié chez Calmann Lévy.
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