On ne se lasse pas de découvrir la richesse de l'écriture africaine. Chimamanza Ngozi Adichie en est encore un bel exemple. Cette très belle, très élégante et très féministe jeune femme a grandi dans le campus de l'Université du Nigeria, où enseignaient ses parents. Elle est de l'ethnie Igbo, christianisée. Elle partage maintenant sa vie entre les Etats Unis, où elle a étudié les sciences politiques, après avoir commencé des études de médecine au Nigeria, et Lagos. Et elle a aussi un master en création littéraire et une maîtrise en études africaines obtenue à Yale. Elle est née après la fin de cette terrible rébellion du Biafra, mais c'est bien dans cette province qu'elle a vu le jour.
Ce recueil de nouvelles,
Autour de ton cou, nous présente, comme autant de facettes, tous les aspects de ce grand pays, riche par rapport aux standards africains (le pétrole! extrait sans aucun respect de l'environnement) mais déchiré par les rapports difficiles entre ethnies chrétiennes et musulmanes (et depuis, il y a le terrorisme apporté par Boko Haram) et une corruption endémique. Sur le campus, des petits bourgeois américanisés se livrent à des cambriolages sous l'oeil volontairement aveugle de leurs parents. Au cours d'une émeute, une étudiante chrétienne croise pour la première fois de sa vie, derrière les murs où elles se sont réfugiées, une musulmane misérable. Les forces de police bastonnent les miséreux, alors que les très riches ont une résidence secondaire.... aux Etats Unis, pour être sûrs que les enfants puissent intégrer les meilleures universités. Ce rêve américain, il est partout, et quand le visa est obtenu, avant la carte verte, s'ouvre une longue route de déceptions pour la plupart... Quelquefois, c'est la déception d'un mariage arrangé. Pour celle qui figure dans la nouvelle ayant donné son titre au recueil, ce sera le retour désabusé au pays....
L'ambassade américaine est une nouvelle terrible: celle qui fait la queue devant l'ambassade est l'épouse d'un journaliste d'opposition qui a pris la fuite, mais les forces gouvernementales débarquant dans l'appartement ont tué accidentellement le petit garçon de quatre ans. Pour avoir son visa, la jeune femme doit donc raconter sa terrible histoire: mais elle ne peut pas. Les mots pour parler de la petite victime, ne sortent pas. Elle repartira...
Fantômes montre bien comment les croyances ancestrales percent sous la modernité. La femme de James, professeur à la retraite (mais sans retraite; elles ne sont plus payées; pourquoi?) est morte, parce qu'à l'hôpital elle a été soignée avec de faux médicaments, des médicaments frelatés de contrebande. Mais le soir, elle revient rendre visite à son vieux mari, et masser ses jambes fatiguées....
Passionnant petit recueil!