Dossier 64, Journal 64 dans la version originale parue en 2010, a été publiée par les éditions Albin Michel en 2014, puis en
Livre de Poche en 2016. Comme les tomes précédents,
Dossier 64 existe également dans une version audio publiée par Audiolib en 2016. le style de
Jussi Adler-Olsen est d'une grande simplicité: l'auteur raconte son histoire sans s'encombrer d'effets de style, un peu comme dans un compte-rendu journalistique.
Le ton est désabusé, empreint de désillusion, d'un certain fatalisme face à la nature humaine mais se distingue des autres auteurs scandinaves par les pointes d'humour désopilant dont il parsème son roman: "Carl fronça les sourcils. Borge Bak? S'il connaissait Borge Bak? le vice-commissaire du Département A, qui avait demandé une année sabbatique pour ensuite prendre sa retraite anticipée. Ce connard hypocrite? -Nous nous entendions presque aussi bien que toi et moi, pour te donner une idée, lâcha Carl, ironique...Carl tourna la tête vers les arcades d'où Rose arrivait à petits pas, avec à l'épaule un sac à main de la taille d'une valise. C'était quoi son projet? Passer des vacances au bureau?" (Page 20)...
Thèmes: racisme, ségrégation et purification ethnique par l'avortement et la stérilisation abusifs.
Fil rouge: l'épidémie de rhume que Carl cherche à fuir par tous les moyens: "Quelle journée de merde. Lui qui avait espéré passer quelques heures lénifiantes à somnoler en ne pensant à rien, voilà qu'il se retrouvait avec un mètre linéaire de nouvelles affaires à traiter dont deux occupaient déjà passionnément son assistante...Le simple fait que Rose s'y intéresse était déjà de mauvais augure. Ajouté à cela, toutes les sept secondes, de l'autre côté du couloir, Assad évacuant ses miasmes en une série d'éternuements sonores, propulsant des hordes de microbes hors de son placard à balai, contaminant ainsi tout le sous-sol." (Pages 72-73).
Vingt-cinq ans après les événements racontés dans le prologue. La violente agression à l'encontre d'une tenancière d'une agence d'escorts-girls incite Rose, la secrétaire de Carl, à ressortir du tas de dossiers d'affaires non résolues celui d'une curieuse disparition: celle de Rita Nielsen, une prostituée, survenue le 4 septembre 1987, à Copenhague. du jour au lendemain, sans laisser de traces. A l'époque, l'enquête avait conclu à un suicide. Et l'affaire avait été classée.
Pourtant, à la relecture des détails du dossier, l'hypothèse du suicide est peu probable. Parallèlement à ce nouveau dossier, l'enquête qui a coûté la vie au collègue de Carl, Anker, et où lui-même a bien failli y passer, est toujours en cours. La maison délabrée dans laquelle il s'étaient fait tirer dessus a été démolie, dégageant une caisse en bois contenant des restes humains d'un homme tué au pistolet à clous. de la même façon que les deux types de Soro. Et que les cadavres retrouvés en Hollande.
Tandis que remonte à la surface une histoire surgie du passé: la mort de l'oncle de Carl par noyade en 1978 . Pourquoi son cousin Ronny clame-t-il à qui veut l'entendre que la mort de son père n'était pas accidentelle? Pourquoi prétendait-il en être responsable? Et accusait son cousin Carl d'avoir été son complice? Comme si cela ne suffisait pas, les circonstances floues de l'attaque subie par Anker, Hardy et Carl n'ont jamais été élucidées, mais de graves soupçons pèsent sur la complicité d'Anker...Question qui restera à jamais sans réponse, Anker ayant été tué lors de l'attaque.
Les ennuis semblent s'accumuler au-dessus de la tête de Carl: pourquoi les policiers ont trouvé une photo de l'homme, dont les restes ont été découverts sur les lieux même de l'attaque subie par Carl et ses collègues deux ans plus tôt, aux côtés de Carl et Anker? Une intrigue aux dont les fils embrouillés plongent les enquêteurs au coeur d'un sombre épisode de l'histoire du Danemark, où l'influence des extrêmes est plus que jamais d'actualité.
Ce quatrième opus de la série consacrée au département V confirme les qualités des précédents: un humour grinçant, des personnages récurrents qui évoluent de manière intéressante, entre leur mission d'enquêteurs et leur vie privée; le trio formé par Carl, Rose et Assad est particulièrement drôle: Assad, le réfugié politique aussi intelligent que naïf, aux ressources insoupçonnées; Rose, la secrétaire complètement excentrique qui n'hésite pas à tenir tête à son patron, mais très efficace quand elle veut s'en donner la peine; et Carl, le flic désabusé qui a échappé de peu à la mort, qui voudrait juste qu'on lui foute la paix, coincé entre un beau-fils complètement allumé et une ex-femme qui l'est encore plus. Contre toute attente, le trio fonctionne à merveille, apportant la touche de fantaisie nécessaire pour alléger des intrigues souvent très sombres, voire glauques...
...Mais aussi un style comparable à nul autre; des intrigues bien construites bien que parfois un peu complexes; le fait que la spécialité du département V soit les cold case permet à l'auteur d'aborder des épisodes de l'histoire du Danemark à l'encontre de l'image sans aspérité qu'on lui prête bien souvent à tort. Un roman captivant où l'on ne s'ennuie pas une minute malgré les 665 pages de la version poche.
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