Ce monsieur au triple nom est sûrement l'artiste qui vend le plus de livres dans son pays. La preuve - comme si l'on en avait encore besoin - c'est qu'après seulement 3 ans comme auteur de thrillers, il a reçu, en 2010, le prix le plus convoité au Royaume du Danemark : "De Gyldne Laurbær" ou les lauriers d'or des libraires !
Jussi Adler-Olsen a, en effet, publié son premier thriller, "Miséricorde" en 2007. Avec "Victime 2117", il en est donc à son 8e polar dans la collection des enquêtes du fameux Département V. En vérifiant mes notes, j'ai constaté que je les aie tous lus, à l'exception de "Selfies" de 2016.
Ce qui ne m'a pas empêché d'avoir été surpris de trouver tout à fait au début du livre l'émouvant poème ď'un réfugié irakien "Les doigts des noyés" que j'ai passé à la rubrique "Citations" de notre site, pour nos ami-e-s qui ne lisent pas de thrillers.
Non pas que je considère l'auteur un homme sans émotions, au contraire, mais de là à insérer un tel poème tragique dans une aventure policière demeure pas évident du tout !
À Ayi Napa, au sud-est de l'Île de Chypre, le corps de la 2117ème victime de réfugié ayant péri en Méditerranée depuis le début de l'année est retrouvé sur la plage. Il s'agit de Lely Kabaki, une femme d'environ 70 ans et Syrienne d'origine.
Cette mort va directement concerner 3 personnes :
- L'inspecteur Assad, du Département V de Copenhague, né Zaid al-Asadi en Irak, que Lely a caché avec sa famille chez elle des poursuites de la Moukhabarat, la police secrète de Saddam Hussein.
- le journaliste amateur de Catalogne, Joan Aiguader, qui se rend à Ayi Napa pour faire un reportage, y découvre des choses bizarres et dont l'article lui fait passer de parfait inconnu au statut de célébrité.
- le jeune Alexander de 22 ans, une espèce de "hikikomori" danois, qui s'autoséquestre dans sa chambre où il passe son temps devant l'écran de son ordi à un jeu débile sur internet et informe l'inspecteur Gordon du Département V par téléphone que dès qu'il aura 2117 points à son jeu, il tuera ses parents et quelques passants pour venger la mort de la vieille dame !
Il se trouve que Lely n'est pas morte noyée, mais a été tuée au couteau. Sur les photos de Joan, Assad reconnaît Marwa, son épouse, et présume que la jeune femme à ses côtés soit une de ses filles, Nella, 6 ans, ou Romia, 5 ans, au moment de leur capture il y a 16 ans. Sur la photo il reconnaît également son ennemi juré, Abdul Azim, devenu un chef djihadiste irakien de la Daesh, qui s'est autonommé "Ghaalib", vainqueur en Français, et qui est responsable du terrible sort de sa bien-aimée Marwa et de leurs filles.
La situation est donc délicate et grave, lorsque Ghaalib se pointe avec ses combattants fanatiques en Allemagne pour y préparer un attentat terroriste de grande envergure.
C'est au moment que la fine équipe de djihadistes se trouve dans un minibus entre Francfort et Berlin, après avoir pris Joan Aiguader en otage, que je passe la main au patron du Département V, Carl Mørck et son équipe de super limiers, qui, en étroite coopération avec leurs homologues allemands, sous la direction d'Herbert Weber, le chef antiterroriste bavarois, essaient par tous les moyens d'éviter une catastrophe terroriste.
Pour l'inspecteur Assad c'est naturellement aussi une lutte de vie ou de mort avec l'horrible Ghaalib.
Conclure que Jussi Adler-Olsen nous offre 574 pages de suspense de première qualité me paraît l'évidence même pour celles et ceux qui ont fait connaissance avec le sérieux de sa documentation, historique, psychologique et autres, son art de construire une intrigue compliquée à de multiples facettes et ses talents de raconteur.
Dans cet ouvrage, l'auteur danois se montre un véritable humaniste, qui, à sa façon, plaide pour un monde meilleur.
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J'avoue que j'ai laissé décanter cette lecture avant de m'exprimer et de partager mon ressenti. Et malgré tout, je reste perplexe. D'emblée je vous dis que ce n'est pas mon titre préféré. Il se lit bien comme tous les autres mais...
L'auteur a fait fort et gros, très gros. Tout comme les derniers titres de Nesbo avec son Harry Hole, trop de tout en gros. Est-ce le propre des séries qui s'éternisent? Je ne sais pas...Ici, Jussi Adler Olsen avec Victime 2117 a décidé de prendre le chemin du sensationnel, du feu d'artifice, du tout en gros , de la grande surface.
Je ne doute nullement que:
- le sort des migrants est terrible, des plus affligeants et désespérants;
- le feu de la vengeance peut mener à la folie;
- le phénomène japonais des hikikomoris s'occidentalise;
mais tout ça dans le même titre ?
Pour moi, Victime 2117 devait retrouver cette bande de collègues atypiques avec sa dose de problèmes, maladies, soucis quotidiens et passé trouble. Les retrouver dans de plausibles enquêtes. Retrouver Carl plus consistant certes mais je me suis habitué à son égoïsme; Rose qui retourne en selle bien décidée; Gordon qui s'affirme tout en s'effondrant et Assad, ce cher Assad, secret, ténébreux mais tout aussi pimpant que piquant. Il est vrai que l'auteur avait plusieurs routes pour nous dévoiler le véritable Assad. Il a choisi celle avec le plus d'échafaudages et pour moi la moins crédible.
Comment retrouverons-nous cette bande d'humains ? Défaits, vidés, liquéfiés? En reconstruction? Ischhhh ce ne sera pas la joie ! Comment redonner du "pep" à ces enquêteurs du Département V ? C'est là que l'auteur devra me convaincre...
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Au fur et à mesure des sept précédents tomes des enquêtes du département V de la police de Copenhague, le lecteur s'est habitué aux personnages plus qu'originaux de Jussi Adler Olsen. Carl Morck, l'inspecteur désabusé, auto-centré, pour qui la rencontre avec un fonctionnaire basané et plein de ressources va servir de révélateur. Assad, ce flic dont on connaît bien peu le passé. Rose, la secrétaire futée, mais limite à interner en psychiatrie. Et Gordon, le grand échalas naïf, dernier apport à une équipe improbable, qui parvient malgré tout à résoudre les enquêtes les plus tordues, même des années après les faits.
Pour ce huitième tome, arrive le grand moment que chacun attendait : des révélations sur le passé d'Assad. On le savait très cortiqué, très affûté en sports de combat, et bien plus à l'aise dans la langue danoise que son langage très imagé à base de proverbes parlant de chameaux ne le laisserait penser.
L'arrivée à Chypre d'un groupe de réfugiés filmés par un journaliste fouineur catalan va faire ressurgir des pans du passé d'Assad. Une femme ayant tenté la traversée s'avère avoir été tuée sur le navire qui l'emmenait de l'autre côté de la Méditerranée. 2117 éme victime annuelle de cette traversée risquée. Assad la connaissait de longue date. Et il semble qu'elle était accompagnée par ce qu'il y a de plus cher à son coeur. Un secret qu'il a entretenu plus de quinze ans...
Les prémices du récit laissent espérer un point d'orgue à la série. Il n'en est rien... Pourtant le livre se lit très bien – comme les autres de ce cycle. Pourtant tous les personnages sont là. Pourtant il a une enquête secondaire intéressante, consacrée à un mal du temps : l'obsession des jeux vidéos chez certains jeunes désocialisés.
Le problème vient des explications d'Adler Olsen sur le passé d'Assad et des frères Bjorn, dont un est chef de la section criminelle de la police de Copenhague au début du récit. L'auteur fait dans le très mauvais roman d'espionnage, pas crédible pour un sou (ou même une couronne danoise). Manifestement Adler Olsen ne s'encombre pas de géopolitique. La situation de départ au Moyen-Orient, mêlant forces spéciales, ONU, et régime dictatorial pratiquant la torture, est difficile à accepter.
Elle permet juste d'introduire le grand méchant dont le lecteur va suivre la quête de vengeance contre Assad : un dénommé Ghaalib.
La suite est un thriller terroriste prenant. Du Adler Olsen maîtrisé, une fois le départ chaotique passé.
La déception vient donc, non de l'ouvrage en lui-même, mais de la construction très tordue autour du passé d'Assad et d'un manque de réalisme étonnant. Le personnage d'Assad permettait beaucoup de scénarios. Adler Olsen a choisi le moins crédible. Dommage car pour le reste, il sait très bien entretenir le suspense.
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Cette huitième enquête du Département V est menée à un rythme stupéfiant. Une écriture frétillante de vie, pleine de ressources, une traduction tout aussi haletante en résonance avec le malaise profond qui agite le monde : que demander de plus…
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Un roman d’action au rythme effréné, certes, mais nourri d’une réflexion sur la violence politique et la force indéfectible des liens familiaux.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Poème de Falah Alsufi, migrant irakien, et traduit par Caroline Berg.
Les doigts des noyés
La vie des doigts des noyés est plus longue
Que notre histoire
Lointains et si proches
Nous voyons les noyés
Nous voyons leur espoir
De vivre
En paix.
Chaque jour, nous voyons le bout de leurs doigts
Disparaître sous la mer
Mais nos yeux ont appris
À ne pas voir.
Leurs doigts émergent
À la surface de la mer
Ils se tendent
Vers le ciel
Ils ne sont plus mouillés
Les doigts des noyés
Sont secs pour l'éternité.
(page 9).
Le meilleur moyen de se débarrasser des gens était le silence. Ils se sentaient ignorés et détestaient ça, et ils étaient aussi déstabilisés. Un jour, il avait entendu quelqu'un prétendre que le silence était l'arme absolue. Il tuait les couples, séparait les amis. La meilleure arme des politiques était le silence, le mensonge venant juste après.
Le meilleur moyen de se débarrasser des gens était le silence. Ils se sentaient ignorés et détestaient ça, et ils étaient aussi déstabilisés. Un jour, il avait entendu quelqu'un prétendre que le silence était l'arme absolue. Il tuait les couples, séparait les amis. La meilleure arme des politiques était le silence, le mensonge venant juste après.
Avant la disparition des frères Bjorn et le regain d'inquiétude pour sa famille, Assad avait toujours eu le sourire aux lèvres et la capacité à maintenir une distance ironique avec les ennuis de l'existence. Il démarrait chaque journée avec une humeur égale et envisageait toujours le lendemain avec optimisme.
Prologue
Une semaine avant que la famille d’Assad ne quitte Sab Abar, son père l’avait emmené se promener dans le capharnaüm du souk. Les échoppes regorgeaient de pois chiches, de grenades, de boulgour, d’épices aux couleurs criardes et de volailles caquetantes attendant le fil de la hache. Il s’était arrêté, avait posé les mains sur les épaules maigres de son fils et l’avait scruté longuement de son regard noir et profond.
« Écoute-moi bien, mon fils, lui avait-il dit. Longtemps, tu rêveras de ce moment et il se passera de nombreuses nuits avant que le désir de retrouver tout cela ne s’estompe de ta mémoire. Mais je t’en conjure, regarde bien autour de toi pendant que tu le peux encore, et emporte tout ceci pour le conserver éternellement dans ton cœur. Est-ce que tu comprends ? »
Assad avait serré plus fort la main de son père et avait hoché la tête pour lui faire croire qu’il comprenait.
Mais ce jour-là, Assad n’avait pas compris ce que son père avait voulu lui dire.
Extrait du livre audio "Sel" de Jussi Adler-Olsen lu par Julien Chatelet. Parution CD et numérique le 6 juillet 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/sel-les-enquetes-du-departement-v-vol-9-9791035409524/