On n'est pas complet quand on n'est pas mort, écrivait
Boris Vian dans
l'herbe rouge.
Alain Fournier s'est trouvé tout complet d'un coup en 1914 près de Verdun. A 28 ans, il avait eu juste le temps de produire
le Grand Meaulnes qui, lit-on, rata d'un cheveu le Goncourt.
Il y raconte, sous la plume de François Seurel, l'histoire d'Augustin Meaulnes qui arrive à l'école de Sainte-Agathe comme interne, et leur amitié. Meaulnes n'a de cesse de retrouver la belle Yvonne de Galais croisée dans un domaine mystérieux un jour qu'il s'était perdu. Il y rencontre également le frère d'Yvonne, Frantz, lui-même éperdu d'amour pour Maud, et un étrange bohémien.
Le grand Meaulnes traîne un charme un peu daté auquel on se laisse prendre comme à la beauté tranquille de vignes sur une treille. Je parle de vignes sur une treille, mais vous concernant vous pouvez, en commentaire, la remplacer pour symboliser le charme un peu daté par ce qui vous convient, cette critique étant aussi un peu la votre : orgue de barbarie, balançoire, péniche aux écluses d'un canal, gramophone, pantalon pattes d'eph, On se reverra chanté par Jaïro...
A la suite des grands romantiques, il (je parle là de Fournier, non plus de Jaïro !), nous présente, avec des phrases joliment tournées comme
Chateaubriand, des héros malheureux comme le jeune Werther. Tiens, par exemple : """Ce qui me plaît en vous, je ne puis savoir pourquoi, ce sont mes souvenirs...""", ou """Il me vient cette pensée affreuse que j'ai renoncé au paradis et que je suis en train de piétiner aux portes de l'enfer.""". Hein oui que c'est joli ? Hein oui ?
Pour conclure, il faut que je vous dise que le personnage d'Yvonne de Galais lui fut inspiré par une belle jeune femme qu'il croisa, Yvonne de Quiévrecourt, mais qui lui échappa et qu'il retrouva mariée. Ça je trouve que c'est très beau et digne des grands romantiques. Qu'est ce qu'il foutait donc à la guerre, celui là ? Quelle vacherie !