RÉAGIR
ENVOYER
PARTAGER
TWITTER
Le Grand Meaulnes
i
Pourquoi lire La Croix ?
La Croix met en avant des auteurs, des artistes, dont les oeuvres conjuguent le plaisir esthétique et la recherche de sens.
+
d'
Alain-Fournier
Édition établie par
Philippe Berthier, La Pléiade, 640 p., 42 € jusqu'au 31 août, 48 € ensuite
« Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189… » Cet incipit, première phrase d'un roman, est entré dans la grande histoire de la littérature. Ses lecteurs le découvrent en novembre 1913 sous la couverture des Éditions Émile-Paul Frères. Son jeune auteur, qui se fait appeler
Alain-Fournier, n'a que 27 ans. le 3 décembre,
le Grand Meaulnes rate de peu le prix Goncourt.
À lire aussi
Goncourt : quand les lauréats passent du prix à la déprime
Goncourt : quand les lauréats passent du prix à la déprime
Neuf mois plus tard, le 22 septembre 1914, le lieutenant Henri
Alban Fournier est tué dans la région des éparges, non loin de Verdun. Deux semaines après son ami
Charles Péguy. Est-ce à cause de ce destin tragique, propre à cette « génération perdue », que
le Grand Meaulnes, unique roman d'un auteur mort à la guerre, devint le livre fétiche du romantisme de l'absolu ? le genre d'ouvrage que l'on découvre dans les greniers ou les armoires de famille, entre les pages duquel jaunissent lettres d'amour oubliées, serments défaits, reliques de passions éteintes.
Il fut longtemps le vade-mecum des adolescences rêveuses et tourmentées nimbées du parfum évanescent d'un idéal féminin insaisissable, donc obsédant. Et quand, enfin, Augustin Meaulnes, cette âme perdue, touche son bonheur introuvable, il s'acharne à le détruire en poursuivant de nouvelles chimères, au nom d'une promesse lâchée une nuit de feu.
Le Grand Meaulnes, histoire d'un malentendu
Portrait de l'écrivain français
Alain-Fournier dans les années 1900-1914. / KEYSTONE-FRANCE
Que sa destinée soit scellée pendant une fête onirique et hivernale, enchantée par l'apparition de l'inaccessible Yvonne de Galais, rendue désastreuse par la démence de Franz de Galais, fiancé privé de sa promise, le jour de ses noces où errent des figurants costumés, renforce l'aura de ce roman tragique, puissant mélodrame qui fit chavirer les coeurs et tirer les mouchoirs. Mais, en dépit ou à cause de son succès (quatre millions d'exemplaires, l'un des livres les plus lus dans le monde), il finit rangé parmi les vieilleries d'une France disparue, lointaine et enjolivée, des préaux et des hussards noirs de la République. Son entrée dans La Pléiade, bardé d'un appareil critique, ouvre la voie à une relecture que conduit avec énergie
Philippe Berthier, soucieux de lui restituer sa modernité et sa complexité.