En 1944, paraît un recueil de poèmes, dont l'importance pour l'affirmation et le développement de la poésie québécoise sera considérable : Les îles de la nuit, d'un poète tout à fait accordé à la sensibilité contemporaine d'une expérience personnelle où il a couru tous les risques, et qui possède une étonnante connaissance des possibilités du langage et des formes. Cette œuvre majeure, belle et forte, est toujours aussi actuelle qu'à sa naissance, toujours aussi mod... >Voir plus
Grandbois est puissant, le truchement de son cri exhorte les dieux a quitter la terre, son chant est tourné vers le ciel, vers les îles de la nuit.
Il habite le monde en poète tel que Holdelrin le pensait.
Fermons l'armoire aux sortilèges
Il est trop tard pour tous les jeux
Mes mains ne sont plus libres
Et ne peuvent plus viser droit au coeur
Le monde que j'avais créé
Possédait sa propre clarté
Mais de ce soleil
Mes yeux sont aveuglés
Mon univers sera englouti avec moi
Je m'enfoncerai dans les cavernes profondes
La nuit m'habitera et ses pièges tragiques
Les voix d'à côté ne me parviendront plus
Je posséderai la surdité du minéral
Tout sera glacé
Et même mon doute.
Ah Je sais qu'autrefois je prenais la nuit par la main
Je la reconduisais fratellement jusqu'aux portes de l'aube
Et parmi les dernières constellations du silence
À genoux sur la pierre sensible des âges
Nous regardions s'évanouir le monde.
......
J'avais pris la nuit par la main et dans ma main la nuit fuyait lentement
sans secousse
comme le dernier sang coule de la
blessure mortelle.
Pris et protégé et condamné par la mer
Je flotte au creux des houles
Les colonnes du ciel pressent mes épaules
Mes yeux fermés refusent l'archange bleu
Les poids des profondeurs frissonnent
sous moi
Je suis seul et nu
Je suis seul et sel
Je flotte à la dérive sur la mer
J'entends l'aspiration géante des dieux noyés
J'écoute les derniers silences
Au delà des horizons morts
Ah je poursuivais l'interminable route
Les villes derrière moi et les hommes sous la pluie
Les cercles des réverbères continuaient leur
fastidieuse géométrie
Ah je ne cherchais plus ni le jour ni les
hommes véritables ni les clartés
premières
Je parcourais les routes indéfinissables sous
la pluie et dans la nuit formelle
Ah toutes ces rues parcourues dans l'angoisse de la pluie
Mes pas poursuivant la chimère d'un asphaltes luisant et sans fin
Le halo des réverbères cernait mes pas dans une nuit prodigieusement fermée
J'étais l'animal haletant dans mille corps et les villes se succédaient
Les rues de milles viles se succédaient toutes pareilles avec le même signe anonyme de la pluie
L'âge des réverbères se marquait a la faiblesse des halos
Mes pas dans la pluie poursuivaient l'usure d'une lueur mystérieusement chimérique
Et soudain l'angoisse bondissait en moi et mon cœur cessait de battre