Premier roman d'une future talentueuse écrivain, figure emblématique de la littérature sud-américaine du XXème siècle. Ce roman avait commencé comme une lettre qu'Isabelle Allende allait adresser à son grand père alors âgé de 99 ans . Une lettre qui s'achèvera en un incroyable roman. Même si l'auteur ne précise jamais le pays où se déroule son histoire, nul ne doute qu'il s'agit en fait du Chili. de même que certains événements tels que la prise du pouvoir de Pinochet ou encore l'assassinat de Salvador Allende en 1973 rappellent le contexte politique de
la maison aux esprits.Mais ce livre est bien plus qu'un condensé de faits réels, il est surtout l'histoire d'une saga familiale.
La maison aux esprits débute avec l'histoire de la jeune Clara del Valle, alors âgée à peine de 10 ans et se poursuit jusqu'aux deux générations suivantes : enfants et petits-enfants. L'auteur nous dresse une véritable saga familiale qui fonctionne parfaitement bien puisque tous les ingrédients sont présents : personnages atypiques et attachants, histoires de plusieurs générations qui se succèdent et enfin événements qui mêlent à la fois drames et bonheurs familiales.
Outre Clara del Valle, nous suivons également Esteban Trueba qui est aussi par moment narrateur de ce roman. Ce personnage doté d'un orgueil hors pair, d'un caractère impétueux, colérique et fin business man parvient tout de même à nous toucher par l'amour exclusif porté à sa femme et par son ambition démesurée de réussir là où son père a fait faillite.
Quant à Clara del Valle, d'abord une petite fille très en avance sur son âge, dotée de pouvoirs mystiques avant de devenir une jeune fille muette et une femme communiquant avec les esprits, adulée, respectée et à la fois crains par tous.
Mais Clara et Esteban sont loin d'être les deux protagonistes de ce roman fleuve, d'autres personnages font leur apparition tels que les parents de Clara : Nivea del Valle, féministe avant l'heure et rêvant que les femmes acquièrent un meilleur statut social, Blanca ou encore Alba qui est la principale narratrice de ce récit. Dès les premiers chapitres, le lecteur est informé que Alba n'est autre que la petite fille de Clara. Sa mission est celle de raconter l'histoire de sa grand-mère, de son grand-père, de sa mère mais aussi sa propre histoire. Elle n'épargne rien à son lecteur jouant avec les ellipses temporaires et bonds dans le futur ou elle n'hésite pas à révéler certains événements de l'intrigue.
Alba est sans aucun doute le personnage que j'ai préféré. Son personnage m'a séduite et je l'ai trouvé particulièrement touchante dans la façon d'aborder sa relation presque fusionnelle avec ce grand-père grincheux qu'elle a réussit à » dompter », avec cette grand-mère dont elle admire les talents et la clairvoyance, avec cette mère discrète et complètement dévouée aux autres.
N'y voyez guère une quelconque propagande de sa part même si nul n'ignore que Salvador Allende, le président socialiste chilien déchu dans les années 70, n'est autre que le cousin de son père. Aucun pays n'est jamais cité dans
La maison aux esprits pourtant on peut aisément situer l'intrigue en Amérique du Sud et plus particulièrement au chili.
Ainsi, Eteban Trueba , homme d'affaire féru devient bientôt un homme politique de droite, croyant, considérant tous les partis de gauche comme appartenant à la » peste » communiste. Il me semble que
Isabel Allende n'exagère en rien son propos lorsqu'elle évoque cet endoctrinement et cette idéologie libérale qui consiste à considérer tout mouvement de gauche comme étant révolutionnaire et communiste. Certes, le contexte géo-politique aidant, l'Amérique du Sud n'est en rien épargnée de l'affrontement des deux blocs. Ce roman nous offre donc l'opportunité d'en apprendre davantage sur cette période historique en Amérique du Sud.
t
Chaque personnage de ce roman est impliqué d'une façon ou d'une autre dans cette Histoire et joue un rôle majeur dans le déroulement politique, économique et social de son pays. L'extrême pauvreté, l'injustice sociale sont relatés, certes de façon romanesque mais également de manière extrêmement réaliste. le lecteur appréhende alors plus facilement de quelle façon ont été menées les révolutions » gauchistes » et les différents courants qui les composent : entre ceux qui sont partisans de la révolution armée, et d'autres de moyens plus pacifiques. Pourtant même si la gauche parvient au pouvoir de façon pacifique, son éviction est violente et sanguinaire.
Âmes sensibles, certaines scènes à la fin du roman pourraient vous choquer ou vous émouvoir.
Isabel Allende ne nous épargne rien de la violence traversée par son pays et vécue par ses personnages.
Ce roman est une saga familiale marquée par les femmes et leurs pouvoir . L'Histoire d'un pays et celles de plusieurs générations qui la traversent. L'histoire surtout de l'amour d'une patrie, d'un peuple, d'une langue et d'une culture. Un style percutant, incisif qui laisse peu de place aux dialogues et fait la part belle aux descriptions. Quant aux personnages, comment ne pas succomber à leur charme, une fois le livre refermé, il vous sera difficile de vous en séparer.
Si vous aimez la littérature sud-américaine, jetez-vous dessus , si vous aimez les sagas familiales, alors jetez-vous dessus et si vous êtes tout simplement amoureux des esprits, des mots et des histoires, alors ce livre est fait pour vous.
Lien :
http://salon-litteraire.fr/l..