Au-delà des réflexions personnelles qui magnifient le travail de l'écriture, ce livre précieux est un formidable plaidoyer pour tous ceux qui en Turquie et partout dans le monde sont emprisonnés, torturés, supprimés alors qu'ils luttent pour la liberté d'opinion et de la presse.
Dans ce récit, nous accompagnons
Ahmet Altan lors de son arrestation qu'il a anticipée de longue date sans en connaître le moment. Il conjure l'angoisse qui l'étreint alors par la réponse spontanée qu'il fait au policier dans la voiture où ce dernier lui propose une cigarette : "Merci, je ne fume que lorsque je suis tendu".
Puis nous partageons sa cellule, ses sentiments, ses réflexions, avec une pudeur, une profondeur, une intensité qui nous bouleversent jusqu'au vertige.
"Vous pouvez me jeter en prison, vous ne m'enfermerez jamais. Car, comme tous les écrivains, j'ai un pouvoir magique : je passe sans encombre les murailles".
Dans ce petit livre, on retrouve avec toute la force de conviction d'un écrivain lucide et respecté l'argumentaire mi-philosophique, mi-humouristique que seuls ceux dotés d'une force d'âme savent utiliser pour faire face à l'adversité.
Ahmet Altan n'est certes pas le premier --ni hélas le dernier-- à retourner son emprisonnement contre ses geôliers et à se déclarer plus libre dans sa cellule qu'en dehors. Mais l'actualité de son propos, la justesse des termes employés et l'envergure de sa vision renforcent l'impact de son propos.
L'information suivante, parue en novembre 2019, souligne encore plus l'intérêt du cri poussé par
Ahmet Altan : libéré en novembre 2019, il a déclaré : « Même si je suis heureux d'être parmi les gens que j'aime, ce n'est pas le moment de jubiler. Il est difficile de recevoir la nouvelle de sa propre libération quand des milliers d'innocents restent injustement détenus ». Il a été de nouveau arrêté quelques jours après sa sortie de prison...
Si ses juges risquent de l'oublier (ou de faire comme s'ils pouvaient l'oublier), ses lecteurs, eux, ne l'oublieront pas. Paradoxalement, la "sombritude" de sa cellule donne encore plus d'éclat à son message.
Voltaire, Camus,
Garcia Marquez et tant d'autres auraient apprécié, c'est assez dire la force de ce court mais grand livre !