Les «
Contes » d'Andersen (1835-1873), comme ceux de Grimm ou ceux de Perrault font partie du patrimoine universel de l'imaginaire, et de celui plus restreint, de la littérature enfantine. C'est bien entendu justice dans la mesure où leur notoriété ne souffre pas de
contestation, ni dans le fond ni dans la forme. Mais il faut peut-être nuancer un peu le propos. Andersen (1805-1875) se différencie assez nettement de ses confrères conteurs : son inspiration est moins folklorique que personnelle : si quelques
contes viennent du patrimoine traditionnel scandinave, quantité d'autres viennent de son expérience personnelle (observation de la nature, choses vues et souvenirs de
voyages, éléments autobiographiques, personnes rencontrées, et également grande puissance d'imagination).
Andersen n'est donc pas seulement un « collecteur » de récits traditionnels. Il se rapproche en cela de Perrault, et écrit une véritable oeuvre littéraire qui prend la forme du conte, mais un conte réinventé : plus que « conte », le terme adéquat devrait être « histoire » : le fantastique, quand il y en a, car il n'y en a pas toujours, n'est jamais fantasmagorique ou horrifiant, il est quotidien et s'insère on ne peut plus naturellement dans l'histoire. Il n'y a pas de morale, ou plutôt la morale découle elle-même du récit. Enfin Andersen utilise une large de palettes de tons pour nous faire partager son univers : fantaisiste, dramatique, humoristique, merveilleux ou mélancolique, le poète (car il est véritablement un poète) insuffle dans ses récits un tel élan vital, une telle cure de jouvence que son oeuvre en est illuminée.
Une tradition tenace (qui s'en tient à certains
contes les plus tristes) fait d'Andersen un auteur pessimiste ou du moins enclin à la morosité. Rien n'est plus faux. La richesse de son inspiration s'étend dans des domaines plus à même de susciter le sourire. La critique sous-jacente des institutions, et les innombrables clins d'oeil qu'il adresse au lecteur montrent bien que Andersen sait être spirituel autant que perspicace. Relisez «
Les habits neufs de l'empereur », vous en aurez la preuve absolue.
Cette édition (préfacée, traduite et annotée par
Marc Auchet) est particulièrement intéressante, parce qu'elle donne une idée plus élargie de l'oeuvre et plus éclairante de son auteur. Si les
contes principaux sont présents (dans une nouvelle et remarquable traduction) (« La Princesse sur le pois », «
La Petite sirène », « Les nouveaux habits de l'empereur », « le vaillant soldat de plomb », «
le Rossignol et l'empereur de Chine », «
le Vilain petit canard », «
La Reine des neiges », «
La Bergère et le ramoneur », «
La Petite fille aux allumettes », etc.) beaucoup d'autres sont moins connus et relèvent plus du souvenir familial, de la relation de voyage et de l'expérience personnelle, ce qui nous donne une autre vision de l'oeuvre, plus personnelle et d'autant plus attachante.
Les «
Contes Choisis » d'Andersen et « le Mystère de la Mary Céleste » de Georges Blond, tous deux dans une édition jeunesse (Bias Edition), furent quasiment mes premiers livres, reçus en prix en classe de 11ème (CP) il y a… ne cherchez pas, il y a prescription ! le début d'une très longue aventure passionnelle avec la littérature et avec les livres… et qui n'est pas près de s'arrêter !