Un livre primé au Goncourt sera toujours un livre soumis à la (vive) critique. D'une part, parce qu'une oeuvre ne peut plaire à tout le monde et d'autre part, quels sont les critères qui définissent un livre lauréat? La question semble également se poser pour “
Veiller Sur Elle”.
En effet, c'est une histoire picaresque, qui nous raconte le destin de deux personnages principaux, Mimo et Viola, ainsi que celle de la famille d'Orsini. La fresque commence à la Première guerre mondiale et sa termine dans les années quatre vingt, sur le lit de mort de Mimo.
Mimo Vitaliani, à la taille de nain, vient faire son apprentissage du métier de sculpteur dans le petit village de Pietra d'Alba, aux confins de la Ligurie et du Piémont, auprès d'un oncle ivrogne, Zio. Mimo devient l'ami de Viola, fille cadette des Orsini, la famille aristocratique locale. Leur amitié devient vite fusionnelle. Viola est une révoltée permanente. Mimo est très rapidement reconnu pour ses dispositions hors du commun pour la sculpture. Tout les sépare, mais leur rencontre est une collision permanente qui oscille entre chocs et réparations, sans toutefois devenir une vraie histoire d'amour. Ce qui la rend d'autant plus belle.
Nous suivons leur parcours dans cette Italie très secouée par les deux guerres mondiales et les débâcles qu'elle y a vécues. L'auteur nous propose une fresque toute en légèreté et constamment prise dans diverses dualités: les riches et les pauvres, les salauds et les justes, les puissants et les faibles, les grands et les petits, les doués et les tâcherons... Un peu manichéen? Oui, sans doute.
Mais l'auteur nous offre aussi ce qui est peut-être le plus beau personnage de ce livre: l'oeuvre majeure de Mimo, la Pièta, une sculpture qui est une réponse à la Pièta du grand Michelange Buenarroti. Andréa lui donne vie en racontant tout le mystère entourant cette oeuvre de toute une vie et qui déclenchera les passions, jusqu'au Vatican. Les chapitres du livre alternent entre le récit de Mimo sur son lit de mort dans un couvent austère et ses souvenirs avec Viola, les Orsini et tous les personnages.
JB Andréa a une plume légère, il nous prend gentiment par la main et nos invite à regarder tous ces destins qui s'entremêlent, s'aiment et se détestent. Il nous offre le spectacle de la beauté à travers la sculpture et cela fonctionne à merveille. Dans ce bouquin, on n'est pas emporté par la virtuosité littéraire, mais par la fascination personnelle de l'auteur qu'il nous transmet et qui devient là nôtre.
On est loin de la violence sociale ou de l'analyse morale des grands auteurs. Andréa n'est pas
Nicolas Mathieu ou
Houellebecq et encore moins Vuillard (auteurs que j'adore). Il est plus proche de Gaudé ou de
Lemaître, pour ne citer que des auteurs primés au Goncourt et que j'ai pu lire. C'est probablement pour cela que le très romanesque “
Veiller Sur Elle” irrite les puristes de Télérama et autres, car selon ces derniers, ce livre n'apporte rien à la littérature.
Moi, il m'a apporté un grand plaisir de lecture et c'est le genre de livre qui peut ramener ou amener beaucoup de gens à la lecture. Ce n'est pas du “feel good” mais du “good written”.