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Rentrée littéraire 2021 #23

A chaque fois que je lis un roman de Natacha Appanah, je suis éblouie par sa capacité à dire tant en si peu de pages. Elle a un sens de l'épure absolument remarquable, immergeant totalement le lecteur dans l'intimité de ses personnages juste par la magie des mots. Car la plume ciselée de Natacha Appanah a bien quelque chose de magique, tellement sensorielle et musicale qu'on se retrouve entrainé à l'unisson d'une vie, avec ses ténèbres et sa douceur, ses respirations lentes et ses accélérations dangereuses. Tour est sensation, de la plus physique à la plus éthérée.

« Je me souviens de tout, ça vient comme une envie de vomir, ça me prend aux tripes et ça va rejaillir ici, en grumeaux noirs et gluants, dans cet endroit où j'ai connu la paix. Je me souviens que le prénom que mon père m'avait donné voulait dire «  victoire ». Vijaya. Je me redresse, je regarde le treillis métallique serré et je sais que je n'aurai ni le temps ni la force d'y grimper. Les chiens sont là, la jeune fille hurle, Arrête ! J'ai cette pensée étrange et douce qu'elle me tutoie comme si elle me connaissait mais à quoi bon, je veux que tout meure avec moi, le garçon, Tara et Vijaya. Je me traîne jusqu'à la berge qui n'existe plus tant l'eau est haute, tant le courant a mangé la terre, aplati les herbes. J'essaie de me mettre debout mais il n'y a rien sous mes pieds. Mon corps cède. Je m'étonne de crier comme si c'était une surprise, comme s'il restait encore une infime partie de moi qui refusait ce geste et j'aimerais arracher cette partie, la poser dans ma main, la regarder en face, l'écouter raconter son histoire mais alors l'eau, toute cette eau ... »

Toute la première partie est troublante et insaisissable. Tara vient de perdre son mari. Elle est flou, semble avoir perdu la tête, perturbée par l'apparition spectrale d'un garçon. En fait le choc du deuil agit comme un catalyseur de souvenirs et ce garçon n'est qu'une réminiscence du passé, une vapeur de son enfance déchirée. Tara est comme engloutit par ce passé traumatique dont elle était parvenue à s'extraire. L'infusion est lente pour mener à la deuxième partie dans un pays, jamais nommé tant il pourrait être pluriel ( même s'il ressemble fort au Sri Lanka ) lorsque Tara était une autre et qu'elle a vécu l'enfer. Elle qui a été élevée dans la conscience que tout était possible, et qui va réaliser que ce n'était pas le cas lorsqu'on nait fille, qu'on vous dit que vous êtes une «  fille gâchée » juste par la liberté prise et la sensualité que vous avez à fleur de peau. Que nous reste-t-il lorsque le corps ne nous appartient plus ?

Natacha Appanah s'empare une nouvelle fois des thématiques fortes qui courent dans tous ses romans : l'enfermement, la mémoire, la résistance. Son phrasé est doux, poétique, tout en suggestion, même ou plutôt surtout lorsque la violence surgit. Elle tisse les silences, faisant confiance au lecteur pour les comprendre. Jusqu'aux trois dernières pages qui compose l'épilogue, absolument bouleversantes pour dire, à travers ce superbe portrait de femme, l'éphémère d'une vie traversée de drames et de lumière, et la fragilité de l'identité malgré une résilience qui semblait acquise.


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Rien ne t'appartient est un roman assez court, d'une force incroyable.
Nathacha Appanah qui m'avait estomaqué avec Tropique de la violence, confirmant, à un degré moindre avec le ciel par-dessus le toit, m'a ramené en Asie, dans un pays bouleversé par la guerre et les luttes fratricides dont les femmes sont les premières victimes.
Tara s'exprime dans une première partie très énigmatique qui ne m'emballe pas. Emmanuel, son mari qui avait quinze ans de plus qu'elle, est mort. Il a un fils, Eli, d'un premier mariage. Prof de maths dans un collège, il tente d'aider Tara victime d'hallucinations et très perturbée. Il a beau lui poser des questions, voulant savoir qui est cette Vijaya, prénom qu'il a vu écrit sur des feuilles trainant dans la chambre de Tara mais celle-ci ne répond pas.
Où sommes-nous ? Dans quel pays nous trouvons-nous ? Nathacha Appanah ne le dit pas, s'attachant exclusivement au côté psychologique de sa narratrice mais, lors des Correspondances de Manosque 2021, elle nous avait confié que cela se passe au Sri Lanka. Tara est au plus mal, veut en finir et refuse de raconter ce qu'elle a vécu à Eli qui voudrait tant l'aider. Pourquoi ? Je n'ai pas d'explication sauf cette seconde partie à la fois terrible et passionnante, intitulée Vijaya.
Tout commence par une vie idyllique pour cette fillette vivant dans un décor paradisiaque. Son père est opposant politique, parle à la radio, à la télévision et sa mère a des pouvoirs magiques. Ils sont riches assurément. Ce père souriant devient un tuteur sévère lorsqu'il enseigne à sa fille, Vijaya. Depuis la capitale, vient Rada, professeure de danse qui lui enseigne la bharatanatyam, danse traditionnelle de l'Inde du sud, deux jours par semaine. D'ailleurs, Vijaya danse à ravir lorsqu'une fête lui en donne l'occasion.
Hélas, sa vie va basculer dans l'horreur avec ce qui fait penser à un coup d'État militaire, l'installation d'une dictature qui élimine sans pitié les opposants.
Si Vijaya échappe à la mort, son calvaire est égayé par un garçon qui vient la voir régulièrement et qui partage l'amour avec elle. Cela explique peut-être ce garçon qu'elle voit chez elle dans la première partie puis qui disparaît subitement sans qu'on en sache davantage à son sujet.
La conséquence de ces relations sexuelles si belles transforme Vijaya en « fille gâchée ». C'est là qu'elle se retrouve dans une sorte de pensionnat, de maison de correction pour « filles gâchées » où la tenancière lui assène sans arrêt : Rien ne t'appartient ici.
La vie de Vijaya est celle que d'autres jeunes filles comme elles ont dû subir : privations, punitions, travail très dur, jusqu'au jour où ce tsunami dont nous nous souvenons tous, remet tout en question, juste après Noël, le 26 décembre 2004. Il dévasta une bonne partie des côtes de l'Océan Indien causant énormément de victimes.
Les quelques pages faisant vivre, survivre Vijaya dans ces vagues qui emportent tout, sont terribles. C'est dense, prenant, rythmé, d'un réalisme d'autant plus choquant que l'autrice n'exagère pas.
Rien ne t'appartient me semble un formidable témoignage sur les dégâts psychologiques causés, pendant des siècles d'exploitation et d'oppression de beaucoup de femmes. C'est écrit délicatement, avec un minimum de précisions géographiques et aucune date. Tout est dans les mots, les phrases mettant en place une vie sacrifiée où tant de malheurs, tant de souffrances accumulées sont impossibles à évacuer. Tara et Vijaya, ces deux jeunes femmes cohabitent dans la même personne qui, privée du seul homme venu à son secours, se trouve dans l'impossibilité de communiquer pour se relever et continuer à vivre.

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Onzième roman de l'autrice d'origine mauricienne Nathacha Appanah, « Rien ne t'appartient » dévoile le passé tragique d'une femme qui croyait pourtant l'avoir bien enfoui !

Depuis la mort de son mari Emmanuel, il y a de cela trois mois, Tara ne va pas bien du tout. Outre cet appartement qui ressemble de plus en plus à une décharge et une hygiène de vie qui commence à sérieusement inquiéter son beau-fils Eli, ce sont surtout ses visions qui la troublent le plus. Un jeune garçon qui la fixe en silence, les pas de danse d'une gamine insouciante, de très lointains souvenirs qui viennent subitement fracasser les parois d'une amnésie volontaire, un tsunami d'émotions qui risque bien de tout ravager…même sa nouvelle vie !

___« Elle ne se contente plus d'habiter mes rêves, cette fille. Elle pousse en moi, contre mes flancs, elle veut sortir et je sens que bientôt, je n'aurais plus la force de la retenir tant elle me hante, tant elle est puissante. C'est elle qui envoie le garçon, c'est elle qui me fait oublier les mots, les événements, c'est elle qui me fait danser nue. »

Construit en deux parties, « Rien ne t'appartient » partage deux destins. Tout d'abord celui d'une femme endeuillée, qui vient de perdre son sauveur, celui qui l'avait extirpée des décombres d'une vie antérieure… qui vient brusquement la rattraper. Ensuite, celui d'une fillette pleine de vie, élevée dans la lumière, puis subitement privée de tout… venant éclairer la folie qui s'est emparée de Tara à la mort de son mari.

« Rien ne t'appartient » est l'histoire d'une enfance brisée dans un pays que l'autrice ne nommera pas. le récit d'une gamine a qui l'on avait d'abord donné des ailes, mais que la bêtise des hommes a privé de tout envol. Peu importe le nom, ils sont encore beaucoup trop nombreux ces pays qui vous privent de tout lorsque vous naissez fille, créant des blessures indélébiles…

« Rien ne t'appartient » c'est surtout une plume délicate, poétique et sensorielle qui fait non seulement danser son personnage principal, mais également les mots, tournant les phrases dans une beauté qui vient envelopper un récit pourtant douloureux et empli de désespoir. Une narration lumineuse venu éclairer la destinée tragique d'une femme endeuillée…

Me voilà fan de la plume de Nathacha Appanah !
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Étrange impression que de voir combien nos goûts littéraires peuvent évoluer, s'étioler ou rétrécir, allez savoir.

J'ai pris beaucoup de plaisir dernièrement à lire des romans hautement visuels avec un sens du détail impressionnant. Je pense à San Perdido, Les contreforts ou encore Filles de la mer.

De Natacha Appanah j'avais à l'époque beaucoup aimé La noce d'Ana mais c'était il y a fort longtemps. Ce nouveau roman était l'occasion de la retrouver.
Malheureusement c'est un rendez vous manqué. Faute à la brièveté obscure de cette histoire qui m'a perdue.

Tara vient de perdre son mari Emmanuel. Elle se sent perdue et désorientée dans l'appartement désormais vide. Elle se sent surtout happée par son enfance et la petite fille qu'elle a été.
Son histoire nous ait alors raconté. Une histoire bien triste où la petite essuiera drame sur drame.

« Je suis le dieu et son élue, je suis à la fois toutes les adoratrices et les rejetées, je suis la forêt et le désert, la fleur qui éclôt et la nuit qui dure. »

Rien ne m'a accroché à ce livre beaucoup trop flou et mystérieux. Tout est suggestif et tellement rapide que j'ai manqué d'ancrage et de temps pour m'imprégner de cette histoire.

L'écriture est certes soignée et bien propre mais à l'heure d'aujourd'hui ma soif des livres s'épanchera dans d'autres horizons. J'ai besoin d'être happée ou marquée au fer rouge ou encore d'être déconnectée ou de voyager à travers mes lectures. Si l'émotion n'est pas au rendez-vous, je le déplore et m'en vais voir ailleurs ou se cache la prochaine pépite littéraire.
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Depuis la mort d'Emmanuel, son mari, avec qui elle était mariée depuis quinze ans, Tara est oppressée par le chagrin et la solitude, et de plus elle est hantée par des visions et des fantômes. Une fille s'immisce dans ses rêves et Tara pense que c'est elle qui lui fait oublier les mots, les événements, elle, qui lui envoie ce garçon qu'elle voit sur le fauteuil, elle qui lui fait danser nue la bharatanatyam. Des souvenirs clignotent. Elle sent qu'elle n'aura bientôt plus la force de retenir en elle ce qui gronde et menace de ressurgir, c'est-à-dire la réapparition de celle qu'elle a été avant, une fille avec un autre prénom qui aimait rire et danser, qui croyait en l'éternelle enfance avec un appétit de vie immense comme si elle se doutait que cela n'allait pas durer.
Elle s'accroche tout en pensant à Emmanuel et se disant que « lui seul pouvait me maintenir debout, me garder intacte et préservée de ma vie d'avant, mais il n'existe plus ».
Quand elle apprend que Eli, le fils d'Emmanuel, inquiet pour sa santé, a pris pour elle un rendez-vous chez le neurologue, qu'étant allé dans sa chambre lui chercher une couverture, il revient en lui demandant « C'est qui, Vijaya ? », Tara pense qu'il faut que ça s'arrête et qu'il est temps d'en finir.
Rien ne t'appartient est construit en deux parties. le roman commence par la voix de Tara puis vient ensuite celle de Vijaya, une voix qui vient du passé, celle de cette petite fille à la vie délicieuse et sans entraves, éveillée à la beauté, à la sensualité, à la danse et à la connaissance par ses parents mais à qui « jamais personne n'a expliqué ce que c'est qu'être une fille dans ce pays ».
Aussi tout bascule lorsque des militaires forcent l'entrée de la propriété. Vijaya sera enfermée et comme d'autres fillettes heureuses, transformée en esclave silencieuse. Ce qui signera la fin de son insouciance sera cette phrase que lui jette à la figure la directrice du lieu où elle va être enfermée « Rien ne t'appartient » et fera dire à Vijaya « En vérité, plus rien ne m'appartient, ni ici, ni ailleurs, ni jamais. Mon nom, mon histoire, ma mémoire s'effacent. Je m'endors comme on tombe dans un puits noir ». Ce sera son premier tsunami !
Rien ne t'appartient s'attache à montrer que cette dépossession ne peut être totale pour Vijaya et qu'avec beaucoup de courage, en apprenant à mentir, elle gardera son coeur pour aider ses consoeurs dans la détresse et parviendra à une sorte de renaissance. En allant au bout d'elle-même, elle parvient à garder son intégrité. La perte et la reconquête, la condition féminine de même que le deuil, la mémoire, le corps, le désir et la mort sont les thèmes abordés dans ce magnifique roman.
J'ai été une nouvelle fois émerveillée par l'écriture à la fois tellement sensible, poétique, délicate, élégante, sensuelle et rythmée de Nathacha Appanah, une écriture charnelle, véritable immersion sensorielle dans un monde fait pourtant de tant de douleur, de brutalité et de ténèbres mais aussi de tant de douceur, de beauté et de sensualité et d'où finalement surgit la lumière…
Quel moment sublime lorsque Tara se remémore une séance de danse et se met à l'exécuter ! La description est telle que son souffle m'a enveloppée et que j'ai cru la voir et la sentir danser.
Rien ne t'appartient, ce roman bouleversant tout en sobriété, en suggestions et d'une extrême sensibilité m'a vraiment touchée et enthousiasmée.

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Un roman d'une force et d'une beauté remarquables !

Tara va mal. L'état de son logement en témoigne et elle en prend conscience lorsque le fils de mari défunt lui annonce sa visite. Mais elle n'a pas la force de donner un semblant de décence à son décor. Les confidences viendront, mais les plus lourds secrets ne seront confiés qu'au lecteur.
C'est dans l'enfance qu'il faut rechercher le traumatisme, ce qui a créé une blessure irréparable, la fin d'une parenthèse idéale, malgré le danger perdu comme une menace permanente.
Lorsque le destin s'accomplit, la fillette quitte l'enfance et aux yeux de ses proches, incarne le mal, une fille gâchée, méprisable, tout juste bonne à être enfermée avec ses semblables.

Il faudra un autre drame pour sortir de ce cercle infernal. Mais en sort-on vraiment ?

La plume est époustouflante ! Il y a une justesse dans le phrasé qui dit les choses sans les dire, avec poésie et retenue, sans jamais cependant créer le doute. L'art de dire l'indicible, sans mièvrerie, sans faux-semblants.

C'est court pour un récit aussi dense, mais l'indispensable est là, aucun mot n'est inutile.

L'amour, la mort, Eros et Thanatos s'affrontent en une danse diabolique, qui scellent les destins et détruisent les rêves d'enfance.

Très belle lecture .

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Depuis la mort de son mari, Tara n'est pas seulement envahie par le chagrin et la solitude. C'est tout le passé, qui, longtemps refoulé, s'invite au crépuscule de sa vie. Un passé dans un autre pays, où elle portait un autre nom, et au cours duquel, après avoir tout perdu, il lui a fallu trouver la force de survivre et de rebondir.


Quoi de plus bouleversant que d'entamer le récit d'une vie par son terme. Tara est une vieille femme dont le récent veuvage semble faire vaciller la raison. L'on ne tarde pas à réaliser qu'il ne fait que rompre les digues du passé. Avec son mari disparaît ce qui l'amarrait au présent et à son existence en France, nul n'ayant jamais su ce qu'elle avait vraiment vécu avant, tant elle s'est toujours instinctivement attachée à l'enfouir au plus secret d'elle-même. Longtemps contenus, les souvenirs n'en ressurgissent qu'avec plus de force, et la femme âgée s'efface peu à peu pour laisser revivre l'enfant et la jeune femme, intactes dans une mémoire où se mélangent désormais les époques.


En remontant le temps, la narration nous transporte quelque part en Asie, en Thaïlande peut-être, mais peu importe finalement. Elle raconte la violence et la dictature, l'humiliation et la privation de liberté, la condition des filles, qui plus est, des orphelines et des « filles gâchées », la lutte pour la survie dans un maelström de circonstances où les hasards et la chance comptent autant que la force de résilience. Tout en retenue et suggestivité, le récit laisse peu à peu crever la gangue de silence dont s'était entourée Tara, comme souvent les survivants de l'indicible. Et le lecteur découvre avec émotion la fragilité d'une reconstruction, permise par l'amour d'un homme qui n'en aura d'ailleurs jamais pleinement pris conscience, sans que jamais elle ne parvienne à cicatriser vraiment les blessures d'une jeunesse saccagée.


Ses personnages justes et attachants, sa narration sobre et sa tonalité douce-amère, entre ombre et lumière, confèrent émotion et profondeur à cette histoire irrémédiablement douloureuse, malgré la résilience. Jamais ne se comble l'abîme d'une enfance massacrée… Coup de coeur.

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Une histoire tragique mais tellement belle par l'écriture poétique de Nathacha Appanah.
Je suis subjuguée par cette poésie que nous offre l'auteur.
Et pourtant rien n'est vraiment gai dans cette histoire. On y découvre une femme qui ne se relève pas de la mort de son mari, et apparait peu à peu sa vie passée, qu'on devine, qu'on découvre par petites touches. Rien n'est vraiment révélé, rien n'est posé cartes sur table, il s'agit de miettes déposées qui forment son histoire.
Nathacha Appanah a vraiment un talent rare, celui de nous emporter...
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J'avais déjà lu quelques-uns des romans de Nathacha Appanah comme « le ciel par-dessus le toit » ou encore « En attendant demain » et apprécié l'écriture singulière et intimiste de cette autrice mauricienne. Je remercie les éditions Gallimard et Babelio pour la découverte de son dernier roman.
Depuis la mort d'Emmanuel son mari, Tara se laisse engloutir par la tristesse et la solitude au milieu d'un appartement qu'elle n'a plus le courage de tenir en ordre. Et puis il y a cet étrange garçon qui s'invite chez elle, réminiscence d'un passé qu'elle croyait à jamais enfoui dans les tréfonds de sa mémoire.
« Est-ce possible que ce ne soit pas de lui que j'ai peur mais de ce qui va surgir, tout à l'heure, ce soir, cette nuit ? »
Elle pensait pourtant l'avoir oubliée cette fille qui se nommait alors Vijaya et apprenait à danser le bharatanatyam, c'était un autre temps, celui de l'enfance et de l'insouciance. Et puis il y a tous ces drames qui la rendent muette et sauvage, elle est celle que les enfants appellent » chien méchant ».
« Elle pointe un doigt vers moi et dit, Rien ne t'appartient ici » C'est ainsi qu'Amma accueille la fille gâchée au refuge des filles abandonnées. La vie y est rude et sans tendresse. Sauf peut-être l'amour confiant que lui porte cette nouvelle pensionnaire si frêle.
Il faudra un tsunami pour que la vie de l'héroïne bascule et qu'elle devienne Tara après sa rencontre avec Emmanuel, le médecin qui la soigne.
Avec ses ellipses narratives, ce récit est d'une grande sensibilité. le deuil sera ce catalyseur pour que Tara retrouve soudain son histoire et son ancien nom : Vijaya. On recueille ses confidences et, peu à peu, on voit apparaitre la fille d'autrefois. Tara affronte avec obstination les ombres de son passé et revit les drames qui ont saccagé son enfance heureuse et jalonné son existence.
J'ai été littéralement agrippée par cette histoire touchante et violente, histoire intime d'une femme courageuse, histoire magnifiée par l'écriture sobre et poétique de Nathacha Appanah.


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Tara est en état de sidération. Son mari Emmanuel est mort et depuis elle n'arrive plus à faire face. La pluie tombe sans discontinuer et elle passe ses journées dans une sorte de léthargie avec des visions qui l'empêchent de faire face au quotidien. Son appartement devient un cloaque, sent mauvais et Tara oublie les notions d'hygiène y compris pour elle-même. Elle ne vit qu'avec ce garçon qui apparaît, ombre d'un autre temps, qu'elle ne reconnaît pas. Elle sent la fureur dans son corps mais les souvenirs ne viennent pas. Eli, le fils d'Emmanuel, va essayer de l'aider, en vain. Fin de la première partie.

Vijaya est une petite fille docile, vivant confortablement avec ses parents. Heureuse, éduquée par son père qui ne veut pas qu'elle aille à l'école du village, elle grandit dans une famille atypique et dangereuse sans le savoir. Sa mère possède des pouvoirs de sorcière et Vijaya est éloignée quand cela arrive. Son père est un opposant politique. Elle est également maternée par deux domestiques, Aya et Roy. La vie est douce jusqu'au drame. Ensuite rien ne sera pareil. de la douceur de la vie aux drames successifs, Vijaya va tenter de survivre sans trop se poser de questions.

Pourquoi n'apprend-on pas aux filles qu'on peut devenir une fille gâchée par trop de sensualité ?

Cette lecture est déroutante, sensuelle, bouleversante. La première partie est écrite dans une violence retenue qui explose dans la deuxième partie, l'autrice maîtrise très bien l'art de cette violence avec les mots choisis, les ambiances troublantes. Un être humain est capable d'enfouir n'importe quel choc émotionnel violent, pendant des années, des décennies. Puis le traumatisme revient, vomi, dans des spasmes insurmontables et il faut lui survivre… ou pas.

Du grand art.


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