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EAN : 9782390490920
61 pages
Cactus Inébranlable Editions (22/12/2023)
4.5/5   1 notes
Résumé :
"Qu'opposer à l'intelligence artificielle sinon l'idiotie naturelle ?"
Entre apparaître et disparaître, sur la ligne de crête de l'expression, il s'agirait de se divertir de ses propres pensées comme on s'amuse, tout en s'en défiant, des propos d'un idiot.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Opuscule au titre énigmatique, « Un idiot devant l'étang » est un recueil d'aphorismes dont le titre fait en réalité référence à un tableau de Frits van den Berghe représentant « l'innocent » du village. Mais qu'on ne s'y trompe : le terme « idiot » a une origine grecque et c'est à celle-ci qu'il renvoie.
Héraclite et Nietzsche sont deux philosophes qui ont su manier l'aphorisme. Pour le reste, la pratique de l'aphorisme déçoit : il se veut drôle, spirituel, trait d'esprit, mais bon, généralement, il sonne creux, manque de substance, ou pire, ennuie à force de surjouer.
Avec ce recueil d'Yves Arauxo, le problème ne se pose pas. D'ailleurs, on n'a même pas envie d'utiliser le terme d'aphorisme, mais plutôt celui d'éclat. Des éclats de voies (!), des bribes de chemins qui égarent pour, finalement, après étourdissement, inviter le lecteur à faire silence en lui afin de laisser au texte un espace où résonner.
C'est un livre si petit qu'il en paraît trop court. Et c'est tant mieux car une lecture ne suffit pas. Il faut le relire et le relire encore pour que sa perfection apparaisse. Une seule lecture et on est dérouté devant cette mosaïque qui ne dessine aucune figure.
Un sentiment domine, celui de la mélancolie. Ce n'est pas une pure tristesse, ni un défaitisme, ni une rêvasserie ordinaire parce qu'il y a l'efficace de la méditation. « Une nuit à ses côtés, je m'éveillai avec la conscience aigüe de n'être qu'une membrane séparant le vide du dehors du vide du dedans. » Mais la médiation requiert le contrôle et rien ne peut indéfiniment rester sous contrôle, et certainement pas le mental. Allen Ginsberg pratiquant le Taï Chi dans sa cuisine New Yorkaise le sait bien.
Le livre se divise en trois parties, non nommées mais que j'intitulerai la phusis, l'écriture et le cas social. de lui, on ne peut tout aimer. Donc on questionne. Il y a des aphorismes qui sont d'une profondeur et d'une beauté inégalables ; on a l'impression que l'auteur est parvenu à révéler (comme un produit chimique en photographie) quelque chose qu'il nous est maintenant donné de percevoir ou d'appréhender, quelque chose qui va nous titiller, mais quoi au juste ? La réponse sera idiosyncrasique. Et puis, il y a des aphorismes qui nous échappent complètement, « Dieu est un nuage bleu ». Pardon ? Vous dites ? D'où l'importance de la relecture, car les aphorismes qui nous passent au-dessus de la tête, on s'en fout. Ils viennent s'immiscer dans l'ensemble et participent non à la figure, puisqu'il n'y en a pas, mais à la couleur et à la texture du recueil.
J'adore l'exergue. Il donne le ton. le la. J'aurais voulu moi-même l'écrire tant il est musical. Et puis j'y reviens. Je le renifle. Et non, je ne suis pas d'accord. Il y a cette phrase avec laquelle je brette « … Cette plénitude, ce n'est certainement pas mon être lacunaire qui peut la réaliser… » Elle m'évoque arbitrairement la preuve ontologique de Descartes. Et pourtant, cet exergue invite à penser ET à sentir.
Parfois, cela m'agace, il me semble que l'auteur prend un ton péremptoire. « En définitive, finalement, jusqu'à preuve du contraire… » Sage parmi les sages qui a sondé les fonds marins. Et puis, l'aphorisme suivant l'explose, le torpille. Il se rit de lui-même, de nous, écrabouille le sérieux, lance une nouvelle piste, façonne une nouvelle facette au prisme. Les fragments ne constituent pas des unités de sens. S'ils s'enchaînent si bien, c'est par le mouvement et le rythme.
Il y a des perles dans les trois parties. Et des éléments déconcertants, j'y reviens encore. « le poète a de mauvaises dents ». Mais à la page précédente nous avions buté : « le poème est le franchissement du silence d'un monde effondré ».
Dans des temps où l'on produit du savoir à la pelle, où le royaume de l'expertise étend son aile opacifiante, l'opuscule d'Yves Arauxo se révèle une oeuvre de salut public. Il ne s'agit pas de lire pour acquérir une connaissance ou compiler des idées. Ni d'ailleurs pour vibrer d'émotions. Mais de lire pour activer la vie. Parce que le recueil nous fait nous interroger en miroir sur notre faculté à être un petit ou un grand vivant. Notre faculté à être un petit ou un grand sensitif. Ouvert ou non à ce que nos sens nous donnent à grailler.
C'est là que je le place, l'idiot. Il ne veut pas accumuler des trésors d'expertises, prendre position dans les débats qui agitent le bocal du monde social. Il ne bouche pas les pores de sa peau par un surcroît de signification. Il est juste là, ici et maintenant, les sens en éveil.
« Nous avons tous une forêt intérieure. Les arbres y sont plein de pendus mais, çà et là, ruisselle la lumière ». « Somnolent, j'écris, je compte mes blancs et mes silences, dans un chaos de mots tombés. » « D'autant ne pas savoir, on disparaît. Au bruit d'un pétale en tombant ». La mélancolie est l'habitation d'Yves Arauxo. L'idiotie, son travail quotidien.


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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Par rapport à notre propre culture, nous sommes comme des plantes arrachées. Nous avons toujours des racines mais elles flottent dans le vide. Nous ne pouvons plus nous nourrir que du souvenir qu'elles gardent de la terre.
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Nous produisons autant de pensées qu'il pousse de feuilles sur un arbre, et elles prennent autant de directions que cet arbre compte de branches. Pour une large part, nous sommes aussi le vent qui agite notre feuillage.
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N'est-il pas formidable qu'étant assis ici, dans une certaine vacuité, je puisse me rejoindre partout, en chaque lieu où, à tout moment, je me suis trouvé ? Et que des fées alors me sourient...
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