L'héroïne est canadienne, elle poursuit des études de littérature, elle est en analyse et, elle se prostitue, elle loue son corps dans une chambre, elle fait la pute pour parler crûment comme tous ses clients, ces hommes qui s'enchainent à en donner le tournis, succession de corps sans tête, galerie de sexes dont il faut s'occuper et, entre deux clients, dans une chambre sordide parce qu'impersonnelle, elle écrit, s'épanche, se répand, se déverse, elle glose à tout va, et tout cela sans aucune fin,
Nelly Arcan ne connait pas le point, les phrases courent sur une ou plusieurs pages, sans répit pour le lecteur qui, essoufflé, n'en peut plus à reprendre sa respiration, mais quand va-t-il donc finir ce marathon, en verrai-je le bout, et vas-y que je t'en rajoute une tartine sur son enfance, ce père trop religieux pour être vraiment honnête et si, par hasard, elle venait à le rencontrer dans cette minable chambre d'hôtel, et cette mère effacée, non pas absente mais juste inexistante, enfin bref tout y passe et sans la moindre ponctuation excepté cette virgule qui n'est que le maillon de la chaine qui nous enchaine tous, les putes, les clients, les lecteurs, les bien-pensants, l'humanité toute entière, véritable tourbillon sans fin, et il y a les hommes dont elle rêve, son psy par exemple, mais non c'est impossible, on ne couche pas avec son psy, on ne couche pas avec son père et d'ailleurs c'est étrange cette analogie pute - psy, on donne une poignée de billets pour s'épancher, pour soigner son âme ou pour l'hygiène sexuelle; ce texte crépusculaire entre Céline,
Hamsun et
Houellebecq est bien lourd à digérer et c'est dommage car on touche presque du doigt ce mal être qui pousse les filles à se vendre ou tous à consulter.
Nelly Arcan finira par se pendre, huit ans après la parution de ce premier roman.