Il y a longtemps que je voulais découvrir l'oeuvre de
Nelly Arcan. J'ai des souvenirs d'elle sur les plateaux télé alors que j'étais adolescente. Ses cheveux blond platine, sa plastique impeccable, le sexisme des hommes et la jalousie des femmes autour.
Dans «
Putain » l'autrice et narratrice raconte son expérience d'escort. Entre deux clients, dans sa maison close à Montréal, elle revient sur son enfance et se souvient de son père, coureur de jupons, dévot à l'extrême, et de sa mère qu'elle traite de « larve » et de « cadavre ».
Dans l'univers très sombre de
Nelly Arcan, les femmes sont soient des « larves », dans l'attente passive de faire bander les hommes, soit des prostituées s'adonnant à la « putasserie » comme elle ou bien des "Schtroumpfettes", les plus jeunes d'entre elles.
Dans l'univers très sombres de
Nelly Arcan, les hommes sont excités par leur propre fille ou bien par d'autres femmes que la leur, des putes qui ont l'âge de leur fille. D'ailleurs, Nelly craint de voir un jour débarquer son père dans sa chambre et elle fantasme sur la venue de son psychanalyste, les deux hommes qu'elle ne pourra jamais avoir.
Cette lecture est éprouvante car il n'y a aucune lueur d'espoir, aucune étincelle. La jeune fille subit, traîne son mal-être existentiel et sa vision du monde tronquée. Jamais elle exhorte à se rebeller, à lutter contre le patriarcat. Pourtant ce témoignage rend largement compte de la domination des hommes sur les femmes. Point de sororité, mais de la compétition, voire de la misogynie.
Heureusement, il y a les mots et ce flot de phrases entêtant, comme un cri, qui ne nous laissent à peine respirer. Ce texte à la ponctuation chahutée ressasse jusqu'au dernières lignes, nous répète les motifs obsédants de
Nelly Arcan. La mort, l'inceste et la folie planent.
Tour à tour
Isabelle Fortier,
Nelly Arcan ou Cynthia, à vouloir se réinventer et se protéger derrière des noms d'emprunt, ne se serait-elle pas dissoute dans ses multiples identités ?
A écouter, le super podcast «
Putain de
Nelly Arcan : pourquoi on la redécouvre enfin quatorze ans après sa mort ? » avec Ovidie, qui nous éclaire sur sa vie et ses écrits autobiographiques et nous invite à la relire.
Un texte court mais très dense, émotionnellement difficile.