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EAN : 9782757817506
251 pages
Points (25/03/2010)
3.31/5   59 notes
Résumé :

Sur le toit d’un immeuble de Montréal, une femme au teint de rousse se fait bronzer. Immobile sous les rayons, Julie O’Brien ne supporte pas la morsure du soleil : mais elle considère le traitement qu’elle s’inflige comme obligatoire. La beauté, chez Nelly Arcan, est en rapport avec la maltraitance. La beauté est une guerre. Et la guerre surgit lorsque Rose Dubois la rejoint sur ce toit brûlant. Rose est en co... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Un roman à corps et à cri… Un corps charcuté et des âmes en détresse, un monde en pixels et papier glacé.

C'est l'histoire de Rose et Julie, une styliste et une scénariste, prêtes à tout pour garder leur homme. Et ce tout, c'est la chirurgie plastique à répétition, c'est une sexualité sans plaisir, c'est être prêtes à mourir pour lui.

Des femmes d'une grande solitude aussi, on ne leur connaît pas d'amies et elles sont coupées de leur famille. Elles ont bien un travail, même passionnant, mais c'est comme si la seule chose qui compte c'est l'Homme et le corps qu'elles modèlent pour lui.

Des hommes qui pourtant n'en demandent pas tant… Si l'un fantasme sur le corps mutilé, d'autres regrettent cet acharnement qui certes embellit la silhouette, mais la transforme aussi en statue impersonnelle.

Rose et Julie sont obsédées par le corps, une folie où la transe mystique s'acquiert à coup de collagène ou de silicone. Il ne s'agit pas seulement de la recherche de beauté et de l'amour, mais de comportements poussés à l'extrême qui deviennent pathologiques et suicidaires.

Une histoire qui se passe dans un monde très éloigné du mien et j'espère qu'il le demeurera pour les prochaines générations. Les poses des stars de magazine sont artificielles, elles ne représentent pas plus la réalité qu'une Cendrillon ou une Belle au bois dormant.
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Dans un contexte où tout sentiment amoureux voire d'affectivité est évincé, à cause des psychopathologies individuelles venant de l'enfance de chacun et de la violence quotidienne de la société de l'image sur le corps féminin, deux femmes rivalisent pour séduire un homme. Rose est styliste (elle contribue à créer cette image), Julie est réalisatrice de documentaires (elle contribue à la révéler ou dénoncer), Charles est photographe de mode (il contribue à la reproduire et diffuser).
Leurs relations sexuelles, appendices toxiques de corps tout empreint de souffrances psychiques inguérissables, n'effacent pas la fatalité de la honte, du malheur, de la pulsion mortifère. Leurs relations humaines, et pas seulement celles des deux rivales, sont fondées sur la haine. Parmi les instruments de séduction, dont la beauté en tout premier lieu, figurent ceux de la chirurgie esthétique ; les détentrices de ces armes de guerre sont donc elles-mêmes les victimes consentantes de ces bistouris tenus par le fil : victimes aux balafres auto-infligées, aux sévices gymnastiques et diététiques, aux morsures telles que celles du soleil sur leurs peaux septentrionales. Femmes-Vulves emprisonnées dans leur burqa de chair (ici apparaît la formule). L'homme n'est guère mieux loti. le collectif n'est pas l'unique responsable.

C'est là le troisième opus d'Arcan, première fiction dépassant le pur matériau autobiographique. Son style est affirmé, sûr et succinct. La précision des concepts et des situations (j'allais écrire des diagnostics) est comme toujours sertie dans une impressionnante exactitude du vocabulaire. L'impossibilité de l'espoir en découle avec l'implacabilité d'un syllogisme.

Cit. :
"Physiquement elles se ressemblaient, c'est vrai, mais cette ressemblance en indiquait une autre, cachée derrière, celle de leur mode de vie consacré à se donner ce que la nature leur avait refusé ; Rose et Julie étaient belles de cette beauté construite dans les privations, elles s'en étaient arrogé les traits par la torsion du corps soumis à la musculation, à la sudation, à la violence de la chirurgie, coups de dé souvent irréversibles, abandons d'elles-mêmes mises en pièces par la technique médicale, par son talent de refonte. Elles étaient belles de cette volonté féroce de l'être." (p. 17)
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Après les hypnotiques "Putain" et "Folle" autobiographiques, Nelly Arcan a fait une incursion dans la fiction avec "À ciel ouvert".

Un livre où elle explore les corps et la beauté, la vénérée beauté, la froide et chirurgicale beauté. Cette burqua de chair dont on oblige les femmes à se vêtir et qui donnera le titre à son dernier ouvrage posthume.

Des femmes prisonnières de leur image et des hommes esclaves de leurs fantasmes
Lien : https://www.noid.ch/a-ciel-o..
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Génial. C'est le premier mot qui me vient à l'esprit en refermant ce livre. Si contrairement aux précédents, on est là dans une structure romanesque plus classique, on retrouve les thèmes chers à Nelly Arcan. C'est entraînant, fascinant et perturbant, et servi par une écriture acérée. Bref, génial.
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Les thèmes habituels de l'auteure sont traités ici: mal de vivre, importance maladive de l'apparence, égoïsme, violence, dégoût de soi, etc. C'est intéressant à lire, mais cela démontre aussi toute la fragilité de l'auteure.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Elle avait envie de parler des images comme des cages, dans un monde où les femmes, de plus en plus nues, de plus en plus photographiées, qui se recouvraient de mensonges, devaient se donner les moyens de plus en plus fantastiques de temps et d’argent, des moyens de douleurs, moyens techniques, médicaux, pour se masquer, substituer à leur corps un uniforme voulu infaillible, imperméable, et où elles risquaient dan le passage du temps, à travers les âges, de basculer du côté des monstres, des Michael Jackson, des Cher, des Donatella Versace. Dans toutes les sociétés, des plus traditionnelles aux plus libérales, le corps des femmes n’est pas montrable, enfin pas en soi, pas en vrai, il restait insoutenable, fondamentalement préoccupant. Quand cette insoutenable virait à l’obsession, le monde prenait les grands moyens pour traiter la maladie, des moyens d’anéantissement ou de triturations infinies, toujours en rapport avec le contrôle de l’érection des hommes, pôle absolu de toute société humaine.
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Charles Nadeau était un photographe pour qui elle [Rose] avait travaillé pendant des années, dans ses yeux il y avait plus de douceur que dans ses photos. Les photos devaient être vendeuses et la vente était une chose qui devait frapper, vous prendre à la gorge, enfin c’est ce qu’on laissait entendre partout autour, dans son monde de femmes marchandées.

Encouragé par le corps de Julie qui se penchait sur lui, encouragé aussi par ses questions qui le relançaient, Charles avait fini par céder et parler de la boucherie de Pierre Nadeau, son père, en donnant des détails qu’il s’était promis de ne jamais mettre en mots, de peur de tout déterrer, de ramener au vif du présent l’abomination passée. Les hésitations, la pudeur du début avaient vite laissé place à un déversement impossible à arrêter. Sa crainte face au tabou trouvait à s’apaiser au fur et à mesure que son récit prenait forme et que Julie, qui n’entendait plus les enfants, et qui ne percevait du monde que l’extraordinaire de ce récit, laissant voir sa stupéfaction.

Charles avait gardé de son enfance des souvenirs terribles et remplis d’angoisse, justement, d’une vraie angoisse de pièces de viande suspendues, celles de son père et de sa boucherie ; d’une chambrette surtout à l’intérieur de la boucherie chargée du froid et de l’odeur de la mort où son père avait l’habitude de l’enfermer chaque fois qu’il avait des crises d’angoisse et qu’il réclamait sa mère et sa sœur parties vivre dans une autre ville, alors qu’il avait douze ans. Il lui avait parlé de ses visions de pièces de viande ouvertes, dépecées, cordées, de son sentiment que la vie allait prendre dans cette chair pour l’attraper, le mettre en pièces destinées à être à leur tour suspendues et, qui sait, à se remémorer cette vie où elles formaient un tout.

Sa sœur Marie-Claude avait suivi sa mère Diane à l’extérieur de la ville et lui, Charles, avait dû rester avec son père dans sa maison et sa boucherie attenante. C’était mieux ainsi, pensait la mère, question d’identification, de grandir avec le bon sexe, officiellement donné à la naissance.

Pierre Nadeau n’avait pas seulement ses manières brutales de boucher, il avait aussi quelques fêlures de l’âme à reprocher à son propre père, fêlures par lesquelles était passée la folie, la vraie, celle qui produit des voix, des jacassements, qui ouvre sur l’invisible peuplé de bestioles. Charles avait beaucoup à dire sur son père, qui avait bien failli le rendre fou : ses explosions qui avaient suivi de près le départ de Diane et de Marie-Claude, qui étaient devenues de plus en plus fréquentes, de plus en plus sourdes, et qui avaient fini par lui faire perdre la boucherie familiale en moins d’un an, avant de le mener à l’hôpital psychiatrique où il se trouvait encore ; ses bouffées, ses montées vers l’enfer, ses dérapages qui déroutaient Charles, forcé de mettre le pied dans les ténèbres du père qui les lui faisait voir par bribes, effrayantes ; ses mondes de télépathie, de dangers de mort, de créatures femelles assassines et mutantes, d’informateurs de l’au-delà, de signes de catastrophes planétaires, de conspirations élaborées contre lui en haut lieu, au Gouvernement, dans les sphères du Pouvoir Suprême.
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Pour les hommes, comme pour les femmes d'ailleurs, la beauté des femmes était incompatible avec l'échec, la folie, le malheur ; il était inconcevable que les belles femmes puissent mourir jeunes ou qu'elles se suicident, simplement parce qu'elles étaient belles ; il leur était intolérable qu'elles se détruisent, intolérable que leur beauté soit endommagée par elles-mêmes, enfin que cette beauté ne soit pas une ressource naturelle, un bien public protégé par des lois. Dans cette perspective très répandue, seules les femmes ordinaires ou laides pouvaient échouer, se suicider ou être assassinnées, avaient droit au désespoir parce que leur déchéance devenait compréhensible (...) : tout ce qui dérogeait à la beauté, chez les femmes, même juste un peu, tombait dans un no man's land.
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… elle était une Star, elle se regardait elle-même sur une scène autour de laquelle elle plaçait la foule, qui hurlait à son adresse, vois-moi, vois-moi que je m’aime. Elle se sentait pathétique, elle se savait ridicule. (Seul, p.141)
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C’était ça, le plus grand plaisir de l’existence : être adulée, aspirer les autre par un dispositif qui les gardait à distance, se remplir des autres sans les prendre, s’emparer de leur amour, sans le leur rendre. (Seuil, p.139)
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« Putain » de Nelly Arcan, c'est à lire en poche chez Points.
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