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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Van Gogh ou le suicidé de la société est le vibrant hommage d'un fou rendu à un autre fou. Mais que signifie donc être fou ? Artaud interroge sur le bienfondé de cette société qui condamne ses génies à la camisole. Accusant les psychiatres d'avoir assassiné Van Gogh, Artaud rappelle que ce meurtre est aussi le sien. Lorsqu'il déclare qu'" il y a dans tout dément un génie incompris dont l'idée qui luisait dans sa tête fit peur, et qui n'a pu trouver que dans le délire une issue aux étranglements que lui avait préparé la vie." (p.51), doit-on comprendre par là que la folie est pour lui la manifestation du génie ? La réponse est oui et pour Artaud, la société craignant les esprits libres, est coupable du suicide de van Gogh mais de bien d'autres encore : Baudelaire, Edgar Poe, Gérard de Nerval, Nietzsche, Kierkegaard, Hölderlin, Coleridge, Lautréamont, tous ont fait l'objet de procès injustifiés. Van Gogh, fustigé par une société indigne de son talent en est mort, abandonné aux souffrances les plus insensées et anéanti par l'incompréhension la plus totale...

Paru en 1947 quelques mois avant la mort d'Artaud, ce poignant et éloquent hommage s'élève comme un cri au milieu de la nuit. Souffrant également de troubles psychologiques ("J'ai passé 9 ans moi-même dans un asile d'aliénés et je n'ai jamais eu l'obsession du suicide, mais je sais que chaque conversation avec un psychiatre, le matin à l'heure de la visite, me donnait l'envie de me pendre, sentant que je ne pourrais pas l'égorger." p.58-59), Artaud qui considérait Van Gogh comme son alter-égo peintre, s'improvise comme le porte-parole extra-lucide de l'artiste suicidé. Mettant sa plume fiévreuse au service d'un ultime pamphlet dirigé contre les psychiatres (Van Gogh était suivi par le docteur Gachet et a été interné à l'asile de Rodez), Artaud affirme qu'il "est à peu près impossible d'être médecin et honnête homme, mais il est crapuleusement impossible d'être psychiatre sans être en même temps marqué au coin de la plus indiscutable folie : celle de ne pouvoir lutter contre ce vieux réflexe atavique de la tourbe qui fait, de tout homme de science pris à la tourbe, une sorte d'ennemi-né et inné de tout génie." p.50. L'accusation est lourde mais peut-on pour autant en blâmer Artaud ? Je ne crois pas. Et Artaud de dire encore que si Van Gogh était fou, alors "il l'était au sens de cette authentique aliénation dont la société et les psychiatres ne veulent rien savoir".

" Ce à quoi Van Gogh tenait le plus au monde était son idée de peindre, sa terrible idée fanatique, apocalyptique d'illuminé. " p.59. Telle serait pour moi, les mots d'Artaud qui résumerait le mieux l'oeuvre du peintre. Ce texte est remarquable et je ne peux m'empêcher de citer encore cette phrase : " Car on ne contrecarre pas aussi directement une lucidité et une sensibilité de la trempe de celle de van Gogh le martyrisé. Il y a des consciences qui, à de certains jours, se tueraient pour une simple contradiction, et il n'est pas besoin pour cela d'être fou, fou repéré et catalogué, il suffit au contraire, d'être en bonne santé et d'avoir la raison de son côté." p.92. Et pour conclure ce billet, je vous pose la question : ces quelques bribes du texte d'Artaud, vous semblent-ils être le fruit d'un esprit dérangé ? Oui ? Non ? Peut-être ? En tous cas, c'est pour moi le discours d'un homme plus lucide que jamais... Van Gogh ou le suicidé de la société est assurément un texte à découvrir de toute urgence !

Pour aller plus loin, je recommande chaudement cette vidéo de L'évocation de van Gogh le suicidé de la société par Max Pol Fouchet (archives de l'INA). Magnifique !
Lien : http://livresacentalheure-al..
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Publié en 1947, le livre de l'écrivain-artiste Antonin Artaud, diagnostiqué fou et asilaire pendant neuf ans, possède une double portée. Il s'agit à la fois d'un hommage au peintre Vincent van Gogh, et d'une virulente attaque contre les psychiatres suite à son long séjour en asile achevé en 1946. Tout au long de cette courte oeuvre, on ne cesse de se demander si van gogh est le pretexte pour attaquer la psychiatrie ou si le diagnostic commun aux deux hommes est un pretexte pour honorer le talent de van Gogh. Il serait tentant de croire en la première hypothèse, mais probablement plus juste d'affirmer que l'auteur a voulu faire d'une pierre deux coups sans privilégier l'un ou l'autre aspect. Tout en affirmant que les psychiatres de van Gogh étaient bien plus fous que le peintre lui-même (ce qui reste rationnel si l'on se base sur les écrits d'Artaud), l'auteur marque son admiration pour celui qu'il considérait comme "le plus peintre de tous les peintres", parce qu'il était le seul, en quelques mots, à avoir su réveiller l'âme du monde en y projetant sa propre tourmente, assimilée ici à de la lucidité.
Le style d'Artaud et la conviction qu'il semble mettre dans chacun de ses mots ne peut que nous persuader de prendre son parti, du moins momentanément. Il est vrai que l'on a du mal à dissocier la grande maîtrise littéraire du fond du propos et à ne pas haïr nous aussi les psychiatres de ces artistes qui, pourtant, ont également provoqué le meilleur tableau de van Gogh peint trois jours avant sa mort: Les Corbeaux.
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Acheté au sortir de l'exposition au usée d'Orsay : Van Gogh/ Artaud.

qui mieux qu'Artaud peut chanter, louer, expliquer les tableaux de van Gogh?
qui mieux qu'Antonin peut partager sa folie?

Bien sûr, c'est souvent délirant, partial, emphatique, lyrique...
Mais c'est pertinent, génial, poétique

Et cela me touche infiniment
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Dans van Gogh le suicidé de la société, publié en 1947, Antonin Artaud fait de la violence de van Gogh la réponse à l'obscénité haineuse du monde et des psychiatres ; de sa folie, une réponse de l'âme à l'imbecillité universelle qui lui souffle «Vous délirez». Alors van Gogh s'est tué parce qu'il ne pouvait pas tuer le psychiatre, le docteur Gachet. Il s'est tué parce qu'il ne pouvait plus supporter ce «délire» qu'on attachait à ses pas.

«Je vois à l'heure où j'écris ces lignes, le visage rouge sanglant du peintre venir à moi, dans une muraille de tournesols éventrés,
dans un formidable embrasement d'escarbilles d'hyacinthe opaque et d'herbages de lapis-lazuli.
Tout cela, au milieu d'un bombardement comme météorique d'atomes qui se feraient voir grain à grain,
preuve que Van Gogh a pensé ses toiles comme un peintre, certes, et uniquement comme un peintre, mais qui serait,
par le fait même,
un formidable musicien.» (Copié sur "L'Imaginaire Galimard)
“C’est un homme qui a préféré devenir fou, dans le sens où socialement on l’entend, que de forfaire à une certaine idée supérieure de l’honneur humain.
C’est ainsi que la société a fait étrangler dans ses asiles tous ceux dont elle a voulu se débarrasser ou se défendre, comme ayant refusé de se rendre avec elle complices de certaines hautes saletés.
Car un aliéné est aussi un homme que la société n’a pas voulu entendre et qu’elle a voulu empêcher d’émettre d’insupportables vérités.”
Van Gogh ne s’est pas suicidé. La société s’en est chargée. Avec toute la véhémence dont il est capable, Antonin Artaud impute à cette dernière le mal dont a souffert le peintre et accuse les psychiatres, en l’occurrence le Dr Gachet, d’avoir poussé Van Gogh au suicide. Il replace la prétendue folie de Van Gogh dans son contexte, en tant que produit d’une construction sociale. La “lucidité supérieure” propre à l’artiste, et commune à l’auteur et à son sujet, lui permet de faire la part belle à la fougue du génie, force contestataire en soi et facteur de marginalisation.
“Il y a dans tout dément un génie incompris dont l’idée qui luisait dans sa tête fit peur, et qui n’a pu trouver que dans le délire une issue aux étranglements que lui avait préparés la vie.” Cet état de supplicié, Artaud lui-même l’a vécu. Nul mieux que lui ne saurait le transmettre. Qu’il soit poète ou peintre, l’artiste se voit enfermé dans un asile, comme Artaud le fut, ou incapable de s’intégrer dans une société qui confond génie et tare psychologique. Et quand Artaud aborde la peinture proprement dite, c’est comme si lui-même s’emparait du pinceau ou, au demeurant, du couteau. C’est tranchant, expressif, cinglant. Il sait trouver le mot frappant, convaincre, emporter avec lui le lecteur. Les “épiphanies atmosphériques” des toiles de Van Gogh deviennent une réalité tangible, ses “chants d’orgue” une musique audible. Dans une évocation vertigineuse d’une toile à valeur testamentaire, Le Champ de blé aux corbeaux, Artaud ravive la symbolique attachée à ce noir charognard de mauvais augure.
Jamais il ne s’agit de descriptions (“décrire un tableau de van Gogh, à quoi bon !”) mais d’impressions fugaces qu’Artaud sait partager à coups d’expressions fulgurantes. La forme même de ce texte enlevé, empruntant les sentiers de la prose poétique, reflète le souci d’Artaud de faire état de ses propres expériences face à l’œuvre. Son rythme entre parfaitement en résonance avec les empâtements nerveux et tourmentés du peintre.
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« Starry, starry night... » ---- Don Mclean

Un livre d'Antonin Artaud donne presque toujours lieu à une expérience de lecture déroutante tant son discours en lui-même est pertinent mais, est souvent desservit, hélas, par des propos parfois iconoclastes, et d'autres fois fallacieux. (Pour exemple cet extrait issu de son ouvrage intitulé « Pour en finir avec le jugement de Dieu » (1948) : 'Il paraît que, parmi les examens ou épreuves que l'on fait subir à un enfant qui entre pour la première fois dans une école publique (américaine), aurait lieu l'épreuve dite de la liqueur séminale ou du sperme.'

Ce livre fut publié quelques mois avant la mort de l'auteur, il reçut également un succès critique ainsi que le prix Sainte-Beuve de l'essai.



Il y a comme un effet miroir entre Artaud et Van Gogh : le premier fut interné dans un hôpital psychiatrique durant neuf ans et dût subir des séances d'électrochoc insoutenables. Il en ressortit en 1946, avec l'impression d'avoir pris vingt ans de plus, ce qui est certainement dû aux carences alimentaires dont furent victimes les pensionnaires de l'asile durant la période de guerre.

Le second, peintre autodidacte, cherchant sa voie tout d'abord dans la religion trouve dans la peinture un moyen d'épanouissement artistique. le point commun avec Artaud étant que lui aussi fut interné à l'asile d'aliénés Saint-Paul-de-Mausole en 1889 durant un an où il connut des moments de démence. Suite à sa tentative de suicide survenue le 27 juillet 1890, il meurt de sa blessure par balle deux jours plus tard.


Artaud met en accusation toute la société bien-pensante qui ne sait que faire de ces personnes au comportement, à la façon de penser et de s'exprimer qui ne conviennent pas à la norme qu'ils ont instituée. Ignorant comment les formater à l'image qu'ils aimeraient leur donner, ils ont inventé à cet effet la psychiatrie comme seule tentative de les remettre dans le droit chemin. Une autre forme d'aliénation en quelque sorte.
Il les rend responsable du suicide de van Gogh, en particulier son médecin. Cette médecine qui désire tuer les névroses malignes qui permettent à nombre d'artistes de s'élever spirituellement de par leur oeuvre au-dessus, tel des albatros, du commun des simples gens dénués d'imagination et de fantaisie.


« Car un aliéné est aussi un homme que la société n'a pas voulu entendre et qu'elle a voulu empêcher d'émettre d'insupportables vérités. »

Il termine par de magnifiques descriptions des tableaux du peintre incompris mais finalement, on peut affirmer qu'Antonin Artaud se reconnaît totalement en Van Gogh et qu'à travers cet artifice c'est de lui-même qu'il est question ici.
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C'est un essai qui présente la thèse suivante : Van Gogh ne serait pas fou, et les psychiatres qui ont voulu traiter de son cas nous auraient fait confondre folie et génie. le style d'Artaud est très singulier, avec des phrases qui peuvent avoir l'air incomplet, des saut de lignes incongrus et des images très fortes & violentes, des changements de registres impromptus et beaucoup de variations qui en font quelque chose d'unique. On voit bien qu'il a été marqué par le style pictural de van Gogh, et on sent qu'il en transmet quelque chose qui a rarement été dit auparavant.
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Dans "Van Gogh, le suicidé de la société", Antonin Artaud sort pour la première fois de sa zone de "confort" (ou de son "introspection coutumière", si je puis dire), pour offrir un merveilleux et touchant hommage, à ce peintre méconnu et délaissé par son temps et son époque…Oui! Van Gogh était bien un suicidé de la société comme pouvait l'être Artaud ( à sa manière) et tant d'autres…
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Depuis quelques temps, je souhaitais lire du Antonin Artaud et mon choix se portait sur le Moine. Je ne sais plus où je suis allé pécher le nom de cet auteur parce qu'il ne m'évoque rien. Et, voila que mon beau-père, voulant me faire découvrir quelques auteurs, m'offre ce bel ouvrage de chez L'Imaginaire Gallimard, van Gogh le suicidé de la société.

La rencontre entre les deux, l'auteur et son sujet est plutôt, enfiévrée. Et malgré que le titre face allusion à Van Gogh, je ne suis pas sûr que cet essai n'est que le peintre comme sujet. J'ai eu le sentiment de lire un plaidoyer en creux, un plaidoyer qu'Antonin Artaud ferait s'il était son propre avocat de la défense. Non non, Vincent n'était pas fou!.

Comme je l'ai dit, je ne connais pas Antonin Artaud mais il me fait l'effet d'un poète écorché vif. À la limite d'un trop plein d'émotions. Un hyper sensible qui manie la langue pour expurger la tension qui l'habite. Il se sert d'un artiste entier comme lui, pour le défendre, porter aux nues son art à travers le sien. du coup, van Gogh le suicidé de la société est un objet littéraire étrange, l'oeuvre d'un artiste au service d'un génie.
La suite sur le blog…
Lien : http://livrepoche.fr/van-gog..
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"l'eschare d'écorché"
le simple motif d'un bougeoir allumé sur un fauteuil de paille au châssis violacé en dit beaucoup plus sous la main de van Gogh que toute la série des tragédies grecques !
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