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EAN : 9782915037838
L'espace d'un instant (17/06/2013)
4/5   2 notes
Résumé :
l’hiver 2008-2009, l’opération militaire israélienne « Plomb durci » dans la bande de Gaza conduit à la mort de centaines de Palestiniens, dont de nombreux enfants. Deux ans plus tard, le théâtre Ashtar offre une tribune aux voix de jeunes Gazaouis qui ont vécu les violences de la guerre et de l’injustice. Un atelier d’écriture, trente-trois expériences de vie pour surmonter la déshumanisation systématique engendrée par l’oppression permanente. Et quand la colère e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La mort est devenue encore plus courante que la parole

Le théâtre Ashtar a été créé en 1991 à Jérusalem par deux comédiens palestiniens, Edward Muallem et Iman Aoun. Implanté aujourd'hui à Ramallah, il propose des formations théâtrales intensives à la jeunesse locale, et se positionne clairement en agent du changement en Palestine.

Comme le dit Amani : « Mais c'est comme si une main m'avait été tendue, à travers le théâtre, une bouée de sauvetage qui m'a tirée de dessous cette vague ».

Les trente trois monologues dessinent un paysage de vie, d'humour, derrière les horreurs de la guerre, des crimes de l'armée israélienne. Gaza dans la guerre, Gaza des jeunes palestinien-ne-s.

Trente trois monologues qui en disent plus que bien des textes. Quelques extraits choisis très subjectivement.

Écoutez, écoutons Ahmed « Moi, mes rêves sont simples : je rêve de vivre ne fût-ce qu'un seul jour de liberté », Ahmad « Cette nuit-là, je suis rentré à la maison et, à cause de la peur, je suis resté éveillé toute la nuit. Je croyais qu'il n'y aurait que cette nuit-là où je ne pourrais pas dormir, mais jusqu'à aujourd'hui je les vois devant moi et je n'arrive pas à dormir », Achraf, Alaa, Amani « La guerre, ça a été comme un spectre noir qui a recouvert Gaza nuit et jour, un enfer sur terre et dans le ciel, et même dans l'air que les gens respirent », Amjad « Je déteste le silence des gens, et le fait qu'ils supportent et supportent, d'une manière qui n'est pas normale », Anas, Ihab « C'est pour ça que les enfants de Gaza, du moment où ils naissent, ils ont la tête pleine de soucis. Ils sont privés de leur enfance », Tamer (voir titre de cette note), Tima « L'occupation a déclenché contre nous une guerre terrestre et aérienne, et nous on a déclaré une guerre totale contre la nourriture », Rawand « J'aimerais vivre dans une société civile et démocratique, où il y a la paix, et plein de salles de cinéma, et je passerais mon temps à regarder des films, à m'envoler dans mon imagination et à rêver… », Rim « La chose qui me touche le plus, et qui me met le plus en colère, ce sont les larmes des enfants, des enfants du monde entier quelles que soient leur nationalité, leur religion ou leur couleur », Rima, Riham « Mais on a été très tristes pour nos poules : qu'est-ce qu'elles avaient fait de mal ? Et qu'est-ce qu'elles ont à voir avec la guerre ? », Sami, Soujoud « Qu'est-ce qu'on est aux yeux du monde », Suha « La guerre est grande et j'ai peur de grandir avec elle », Ali, Fatima « Les gens couraient la tête levée vers le ciel. Franchement, c'était un spectacle très étrange », Fatima « Je crois que jusqu'à présent j'ai peur, simplement je fais semblant que non… », Mohamed, Mohamed « Une deuxième chose, c'est quand la maison était pleine de fumée, et mon père allume une cigarette… Sans doute on manquait encore de fumée… ? », Mahmoud « Ah ! J'ai oublié de vous dire : mon frère, il avait un verre de thé à la main, et quand il y a eu la première explosion, le verre lui est tombé des mains et s'est cassé par terre. A votre avis, c'est à cause de la peur ? », Mahmoud « Et ce n'est pas seulement ma montre qui me fait peur, non, tout ce qui vole, même les mouches », Mahmoud « Il n'y a pas d'enfants à Gaza », Mahmoud « la guerre est terminée sur le terrain, mais elle continue dans ma tête », , Mahmoud, Hiba « Quelqu'un peut croire ça, que la guerre apporte des bienfaits ? », Hiba, Wi'am, Yasmine, Yasmine « Depuis la guerre, je suis tirée à quatre épingles. Comme ça, si je meurs, au moins j'aurai bonne figure ! Mais le plus gros problème, c'est si un obus me tombe dessus, parce que je me retrouverais en mille morceaux, et je préférerais quand même mourir en un seul morceau ! », Yasmine « Dans le futur, SI je grandis… »

A découvrir et à faire connaître.

« le drame c'est que le monde entier nous regarde, comme si de rien n'était, en continuant à faire des discours ! » ou comme le dit Mohamed « pourquoi le monde entier dort-il tranquillement tandis que nous, on vit dans un brasier ? »
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Ces monologues sont au nombre de trente-trois, brefs, vifs, parfois inattendus, d'une longueur d'une à 3 pages. Trente-trois témoignages percutants de jeunes habitant.e.s de Gaza au lendemain de raids israéliens pilonnant durant 3 semaines la bande de Gaza entre fin 2008 et début 2009. Ce qui frappe c'est que la plupart de ces jeunes adultes voyaient, avant les bombardements, Gaza comme le paradis sur terre. Un basculement s'opère dès les premiers assauts, peur, sentiment permanent d'insécurité, odeur de mort, de poudre, cadavres, ruines, subsistance au jour le jour. Les bombes ne tombent jamais bien loin, les témoignages en font foi, souvent les obus tombent sur la maison d'à côté, anéantissant les voisins, qui sont parfois de la famille. En quelques semaines un carnage, une vie sereine s'éteint, une autre prend forme, périlleuse, angoissée. Comme il est précisé en note de fin du présent volume « L'attaque israélienne sur la bande de Gaza, du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009, conduit à la mort de 1380 palestiniens, parmi lesquels 431 enfants. On estime à 100000 le nombre de personnes déplacées. Maisons, écoles, hôpitaux, lieux de culte et centres culturels sont détruits ». Ces destructions, nos trente-trois témoins en parlent, avec pudeur, humour parfois, malgré les séquelles, les plaies ouvertes, physiques ou psychologiques. « Les gens de Gaza disent que la mer lave de tous les soucis, mais moi mes soucis sont plus grands que la mer. Parce que, la dernière fois que j'étais au bord de la mer, j'étais avec mon ami. On a nagé, rigolé, on s'est bien amusés… Mais maintenant je n'arrive plus à aller à la mer ». Trente-trois courtes tranches de vies résonnant comme un couperet, une saignée sur une destinée, trente-trois témoignages mis en scène pour une pièce de théâtre sans dialogues, traduite en 14 langues, jouée depuis sa création par 1700 jeunes jusqu'en 2013, le chiffre a dû grimper depuis. Ce THÉÂTRE ASHTAR existe depuis 1991, basé à Ramallah, Cisjordanie, et invite de jeunes palestiniens à s'exprimer pour faire partager leurs expériences, leurs traumatismes de guerre, et dire que tout n'est pas perdu, même si la paix revenue n'est que relative, dérisoire, et pue encore la mort à plein nez. « Voilà où en sont Gaza et ses rêves : notre souhait le plus cher est devenu de mourir d'une belle mort, et non de vivre une belle vie ». C'est une leçon de résistance, d'espoir.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
5. AMANI AL-CHARAFA

Gaza, c'est comme un avion qui vole vers l'inconnu avec tout le monde à son bord et qui ne se pose ni au paradis ni en enfer.
Quand est-ce qu'il va se poser, Dieu seul le sait, et peut-être que les gens vont rester suspendus dans les airs pendant des lustres et des lustres...
Tous les jours se ressemblent, il ne se passe jamais rien de nouveau. Ce sur quoi on s'est endormi le soir, on le retrouve le matin en se réveillant. Les rêves ou les souhaits, c'est difficile de les réaliser à Gaza. Surtout des souhaits comme les miens : je voudrais être une artiste, chanter, être actrice et jouer de la musique. Mais à Gaza, la seule mélodie qu'on connaît, c'est l'hymne à la mort, et la seule danse qu'on sait danser, c'est une danse macabre.
Si je vais étudier la mise en scène à l'étranger, quel regard la société portera-t-elle sur moi ? Quand j'aurai obtenu mes diplômes et que je reviendrai, est-ce que la situation sera pareille que maintenant, ou encore pire?
Je suis complètement dans le brouillard, rien n'est clair pour moi. C'est comme le visage des gens le vendredi au marché aux puces de Firas.
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31. YASMINE JA'ROUR

Notre avenir, à Gaza, il est suspendu à un fil, ou comme on dit ici, il est sur l'épaule d'un djinn. Comme un volcan qui dort et qui peut se réveiller à tout instant. Comme si on était sur un navire, qui tangue de droite à gauche sur une mer en furie, et personne ne sait où il se dirige.
J'entends dire que dans les autres pays, l'enfance est sacrée, que les enfants vivent sans peur et sans problèmes. Les enfants de Gaza, eux, sont des oubliés, des laissés-pour-compte. Ce sont eux qui vivent la plus grande injustice, parce que la société agit avec eux comme s'ils n'étaient pas des enfants : selon son gré et ce qui lui convient, elle en fait des adultes, ou au contraire des petits gosses. La plupart des gens les traitent comme s'ils étaient des corps dépourvus d'esprit. Quand je vois un enfant qui vend dans la rue ou qui travaille dans une boutique, je pense aux enfants du reste du monde qui jouent tranquillement et se sentent en sécurité.
Sincèrement, quand je les vois, ça me déchire le cœur, et des fois
j'en pleure.
A Gaza, il n'y a pas d'affection et de tendresse, il n'y a pas d'enfance. Dès qu'il naît, le garçon est un homme, et la fille une Jeune fille à marier.
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13. RIMa AL-SADI

J'avais neuf ans quand on est revenus des Émirats arabes unis.
C'était la première fois que je mettais les pieds à Gaza. La voiture roulait dans les rues, et moi je regardais à travers la vitre. Rien de ce que je voyais ne me plaisait. Quand on s'arrêtait au feu rouge, il y avait plein d'enfants qui s'approchaient de la voiture pour mendier ou pour vendre des chewing-gums ou des biscuits. À ce moment-là, j'ai détesté la terre entière, et je voulais retourner aux Emirats.
Je suis arrivée à la maison, et je me suis installée à Gaza. Et aujourd'hui je n'en repartirai plus pour rien au monde, même si on me donnait le choix entre vivre ici ou à Paris. Parce que j'ai découvert que la quantité d'amour qu'il y a entre les gens ici suffirait pour le monde entier. Et que la valeur de ce pays est dans les gens, pas dans ses immeubles ou ses paysages.
Quand on était aux Emirats, maman me parlait toujours de Gaza. Je l'ai aimée avant de la connaître, mais quand j'y ai vécu, je l'ai aimée encore plus. Il y a des détails que même maman n'avait pas vus. Mais c'est vraiment dommage, ce qui lui manque pour être le plus beau pays au monde, c'est la sécurité.
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24. MAHMOUD AL-BAL'AQUI

J'ai envie d'écrire de belles choses sur Gaza, mais je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à ne pas voir la pauvreté, l'encerclement, la faim.
Surtout quand tout Gaza s'est jeté sur Al'Arish', et l'a vidée en deux heures. Je n'arrive pas à ne pas voir dans chaque maison la privation, la peur, la maladie.
Que voulez-vous que je dise sur Gaza ? Depuis que j'ai ouvert les yeux, tout ce que j'y vois me rend triste. Surtout les enfants, mais aussi les adultes, les jeunes, les femmes, les filles, les animaux, les arbres, les pierres... Tout à Gaza pleure. Je cherche quelque chose de joli à dire, mais je ne trouve rien.
La mer, c'est la seule chose qui m'aide à rêver. Quand je suis sur la plage, je peux m'imaginer Chypre, voyager à Paris, m'envoler Vers Rome, tout en restant sur place. Je fais le tour de la terre, et à a fin j'atterris sur mon lit, dans notre maison, au milieu du camp de
tolugiés.
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Depuis la guerre, je suis tirée à quatre épingles. Comme ça, si je meurs, au moins j’aurai bonne figure ! Mais le plus gros problème, c’est si un obus me tombe dessus, parce que je me retrouverais en mille morceaux, et je préférerais quand même mourir en un seul morceau !
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