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3,79

sur 1713 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un reportage fort qui se lit comme un roman. On en vient à oublier totalement que l'auteur n'est pas réellement une femme de ménage et on suit avec angoisse son triste quotidien. On a beau savoir que la situation aujourd'hui n'est pas glorieuse, on ne peut s'empêcher d'être surpris par l'ampleur des dégâts. Un très bon livre.
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Chronique magistrale de la misère sociale

Permettez-moi tout d'abord de resituer qui est Florence Aubenas. Une journaliste brillante, engagée, qui a effectué une bonne partie de sa carrière à Libé où elle a couvert des conflits à travers nombres d'endroits chauds de la planète. Elle a ensuite acquis une certaine célébrité comme otage pendant 6 mois en Irak avant d'être finalement libérée. Il est d'ailleurs assez remarquable qu'après ce cauchemar, elle soit toujours apparu souriante et libérée au propre comme au figuré et ce, dès sa descente d'avion. Même si elle a du être marquée pour toujours dans sa tête sinon dans sa chair, elle n'en a jamais rien laissé paraître. Elle a ensuite couvert le procès d'Outreau, étant une des premières à émettre des doutes sur la culpabilité des accusés. Elle travaille désormais au Nouvel Obs, elle est également présidente de l'Observatoire International des Prisons.

Début 2009, frappée (intellectuellement) par la crise, elle prend un congé sabbatique en cachant son vrai projet à son employeur. Celui-ci est de partir à Caen en laissant tout derrière elle pour vivre la crise "à hauteur d'hommes" (ou de femmes plutôt). Elle loue une chambre minable à Caen, part sans voiture, ne rentre à Paris que deux fois et se promet d'arrêter l'expérience quand elle aura décroché un CDI ce qui arrive (miraculeusement) au bout de 6 mois. Elle revient alors à Paris puis repart quelques mois après dans sa chambre meublée pour écrire ce roman/document/reportage. Ca n'est pas la première fois qu'un journaliste utilise cette méthode d'"immersion extrême", cela avait été fait avec des immigrants clandestins, des SDF. Néanmoins, il faut un sacré courage pour aller s'immerger, les mains dans le cambouis (ou pire dans la merde), dans ce que tous les autres français ne rêvent que de fuir. Avec en bandoulière, ses yeux, ses oreilles et sa mémoire pour enregistrer. Sa sensibilité et sa plume pour rapporter.

Ce qui est étonnant, c'est qu'avec son profil d'ex-otage que l'on voyait à la TV quasi tous les soirs pendant 6 mois, on se dit qu'il lui a fallu porter faux nez et postiches en tous genres. Eh bien, non ! Elle a fait au plus simple. Elle a vaguement teint ses cheveux, mis en permanence ses lunettes (qu'elle ne porte pas toujours sinon) et ... c'est tout. Pour le reste, elle a gardé la même identité et s'est juste inventé un passé de femme mariée et au foyer pendant 20 ans qui vient de se faire larguer par son mari et a besoin désespérément de bosser. le plus fou, c'est que presque personne ne l'a reconnue. Deux ou trois personnes ont eu un doute et une l'a formellement reconnue mais a gardé le silence à sa demande.

Donc Florence Aubenas décrit sa quête d'un travail ou plutôt d'heures de travail car on se rend rapidement compte que non seulement le CDI relève du graal absolu, que même un CDD est déjà un poste au-dessus du lot mais qu'en plus espérer travailler 35h par semaine est totalement illusoire, voire impossible. Caen est marquée par un passé industriel (SMN, Moulinex, qui a complément disparu entre les années 70 et la fin des années 90). Résultat : ça n'est plus qu'une zone condamnée, avec un taux de chômage élevé et une population paupérisée. le statut d'ouvrier est devenu quelque chose de mythique, un rêve presque oublié.

La quête de Florence Aubenas commence logiquement par l'ANPE, débordée, ne proposant rien sinon brasser du vent et truquer les chiffres à la demande de sa direction. Puis c'est les agences d'interim et enfin les boîtes de nettoyage qui vendent de la viande pour laver des locaux, ici de 5 à 7 deux fois par semaine, là de 18h30 à 20h30 tous les soirs. Une vie passée à quémander un bout de travail ici, un autre là, à faire 1h de route pour 2h de travail payés au SMIC (la convention collective prévoit SMIC+10% mais les employeurs ne la respectent pas avec la complicité de l'ANPE). Et encore, souvent les 2h négociées entre la société de nettoyage et son client se transforment en 3h. Qui éponge la différence ? Les femmes de ménage pardi ... Car c'est ce qu'a trouvé Florence Aubenas. Sa seule carte de visite ? Elle est prête à tout. "Comme tout le monde", lui est-il répondu ...

Ce livre permet de vraiment regarder la France dans les yeux de la crise, voir la misère humaine mais aussi sociale et culturelle. le mépris affiché par les patrons, les petits chefs, les sociétés d'interim donne mal au ventre. On n'a pas vraiment l'impression d'être la France "pays-des-droits-de-l'homme" mais plutôt être resté dans Zola. Et à côté de cela, on sent malgré tout une envie de vivre, une humanité, une solidarité qui sent les derniers remparts avant le désespoir.

La grande force de Florence Aubenas c'est que son immersion permet d'être au plus près de cette réalité mais elle parvient malgré tout à trouver le recul nécessaire pour le récit. Un récit qui ne surligne jamais, ce qui aurait été l'écueil majeur. Les situations sont telles qu'il n'est pas besoin de faire de l'emphase. Juste recueillir, relater avec une sensibilité et une bienveillance qui affleure dans le récit. Sans misérabilisme, sans condescendance, sans manichéisme ni prise de parti excessive. L'exacte bonne distance. Avec du style en plus.

Chapeau, madame Aubenas !

Lien : http://www.critiqueslibres.c..
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Florence Aubenas, ex otage en Irak en 2005 ( à l'heure où je rédige cette critique, je cherche à savoir si elle a livré de cette expérience traumatisante un témoignage - auquel cas je vais me précipiter !) rend compte tout le long de cette enquête de la vie de ces invisibles que sont les chômeurs les plus précaires pris dans la dureté d'un système qui vit pourtant de leur propre sacrifice ... Infiltrée dans le milieu des demandeurs d'emploi du Calvados (région de Caen), Florence Aubenas sait rendre tout le tranchant et la fragilité de ces vies courageuses et que la solidarité, souvent, vient adoucir un peu. le style (non dénué d'humour, mais un humour "froid") est vif comme le climat normand, direct comme une circulaire administrative, sans concession comme la fatalité sociale qui dit"oui", qui dit"non", parfois souffretant comme la voiture baptisée "le tracteur" par l'autrice et qui conduit, tant bien que mal, la journaliste sur les "sites"arrachés de justesseà Pôle Emploi. Combien de politiques ont-ils lu ce livre ? Bonne lecture !
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Florence Aubenas se rend à Caen pour y réaliser un reportage sur la précarité et le chômage. Pour cela, elle s'inscrit à Pôle emploi avec un niveau bac, change son apparence et enchaine ensuite de courtes missions pendant quasi 6 mois, début 2009. C'est le premier livre que je lis de la grande reporter et l'autrice a un talent certain pour décrire les tranches de vie sans position surplombante, sans tomber dans les clichés. Elle relate ce qu'elle a vécu, les rencontres, les missions de quelques heures qui s'enchainent, la fatigue omniprésente ou encore les regards que l'on porte sur les agents d'entretien, sur ses collègues, sur elle. Des femmes pour la plupart, invisibilisées. C'est un reportage plein d'humanité, réaliste et parlant. Chaque collègue qu'elle rencontre parvient à se créer des petits moments en forme de soupape dans ce quotidien précaire et difficile. Florence Aubenas capte ces moments et c'est aussi ce qui fait la qualité de ce reportage important sorti en 2010 et aux thèmes toujours d'une actualité criante.
Lien : https://lesmafieuses.wordpre..
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Beaucoup apprécié le fait qu'elle introduise un monde alors inconnu pour elle.
Un travail difficile et exigeant.
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En 2009,Florence Aubenas part pour Caen et s'inscrit au chomage avec un bac pour tout bagage ,en ne révélant bien évidemment pas qu'elle est journaliste.A Pole Emploi,on lui propose de saisir sa chance:devenir agent de propreté dans des entreprises.Le "Quai de Ouistreham" est le récit saisissant de cette plongée dans le monde de la précarité.Une fois terminé,on se dit que non,jamais on ne verra plus les choses du même oeil.
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Florence Aubenas revêt le costume d'une demandeuse d'emploi, avec pour seul bagage un baccalauréat.Elle choisit la ville de Caen pour s'immerger " Caen m'a semblé la cité idéale: ni trop au nord, ni trop au sud, ni trop petite , ni trop grande.

Elle change d'apparence mais garde son nom et prénom " je suis devenue blonde, je n'ai plus quitté mes lunettes.Je n'ai touché aucunes allocations."

Elle décide d'arrêter l'expérience dés lors qu'elle décrochera un CDI .......

Florence Aubenas, se présente sans diplôme , à pôle emploi , et n'a aucunes expériences professionnelles. Elle réussit à décrocher des heures de ménage pour des sociétés caennaises. Elle travaillera dans un camping où deux dragons veillent sur son travail sans pitié, elle effectuera sans rechigner des remplacements d'1h30 le matin à 5h00. Elle rencontrera des femmes surtout, des femmes acceptant les nombreux km pour 2h00 de travail, les humiliations parfois pour faire bouillir la marmite.

Un jour elle accepte de travailler à Ouistreham, dans le ferry Boat. Dans la profession " tout le monde m'avait mise en garde. Si tu tombes sur une petite annonce pour un boulot sur le ferry-boat à Ouistreham, fais attention.N'y va pas.Ne réponds pas.N'y pense même pas."

Elle devient invisible comme toutes les femmes de ménage, elle doit vider le sac de la poubelle, nettoyer la douche en 2minutes 30 ( pas une seconde de plus).....parfois, elle mettra 1h00 de plus sans jamais être payée........ c'est ça le métier, il faut nettoyer la saleté des autres en un temps record, il faut faire plus en moins de temps . Alors si tu as mis 1h30 de plus , et bien ne viens surtout pas réclamer, tu connaissais le contrat depuis le début..........

Pour les habitants de la région, tout parle : les grandes fermetures d'entreprises : la SMN , Moulinex ..... aujourd'hui, c'est le CHU qui est le premier employeur de la ville ...............

ce livre est le témoignage d'une société où l'emploi se fait rare ou par intérim, une société où l'emploi est éphémère, où les employés sont des pions que le marché de l'emploi déplace à sa guise.

Etre disponible pour une société où l'humain est secondaire, où la rentabilité prime sur la qualité.

Et surtout , se considérer comme chanceux lorsqu'enfin vous décrochez un CDI même si ce CDI ne comporte que 5 h00 de travail hebdomadaire. C'est le prix à payer pour survivre.

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L'histoire : en 2009, la journaliste Florence Aubenas a voulu aller regarder de près la crise. Elle a pris une chambre à Caen, gardé son nom sans dévoiler sa profession réelle et les raisons de sa venue et s'est lancée dans la recherche d'un emploi avec pour seul bagage le baccalauréat. Son objectif : décrocher un CDI à temps plein ; alors elle arrêtera le "reportage" et écrira un livre.
Il lui a fallu 6 mois, et le CDI proposé qui lui a fait arrêter le reportage n'était pas à temps plein.


Mon avis : depuis sa sortie, ce livre tourne très vite dans notre petite bibliothèque, et pour cause : on habite à 25-30 minutes de Ouistreham ! Honnêtement, s'il n'y avait pas eu ça, je ne serais probablement pas allée vers ce livre... Et j'aurais eu grand tort ! Ce témoignange sans prétention sur la crise se lit comme un roman, Florence Aubenas y mêle des anecdotes drôles à des moments poignants, le tout sans jamais se départir de son objectivité bienveillante et en laissant le premier rôle à ceux qu'elle côtoie, se maintenant, elle, dans l'ombre.

J'ai bien aimé reconnaître certains lieux qu'elle décrits, pouvoir m'orienter dans ses déplacements, avoir une image nette d'où elle se trouvait à tel ou tel moment, c'est un plaisir rare dans un roman (mais qui m'était déjà arrivé, par exemple avec le Rêve de Zola puisque j'ai vécu dans la ville où ça se déroulait et que ce quartier n'avait qu'à peine changé depuis). J'ai bien aimé aussi son regard sur la crise, qui s'est méchamment aggravée depuis mais en l'écrivant elle ne s'en doutait pas, un regard fait d'observation surtout, chaleureuse ou froide selon les contextes, cette observation le rend parfois impitoyable sur la déshumanisation du monde et des moeurs.
Pas de plainte, tout juste si elle signale parfois son immense fatigue, pourtant en choisissant de travailler dans la propreté (puisqu'avec seulement un bac, Pôle Emploi n'a quasi rien d'autre à proposer), elle arrive dans un monde dur de labeur épuisant. C'est aussi un portrait de la société prolétaire de base par quelqu'un qui a toujours été à l'abri, autant dire que l'observation semble parfois être un choc !
J'ai apprécié aussi de "reconnaître" un peu notre situation, le chômage (quoique monsieur Plouf, bien que cherchant du boulot et inscrit à Pôle Emploi, n'est pas compté dans les chiffres grâce à une pirouette malhonnête mais ordinaire du système...), la recherche vaine, les employeurs dignes de l'époque esclavagiste et ceux qui essaient comme ils peuvent de faire surnager un peu d'humanité, les lourdeurs et absurdités d'un système dit d'aide conçu pour broyer avant d'aider... Sans compter que Florence Aubenas a traversé toutes ces galères en étant célibataire et sans enfant, ça change quand même beaucoup de choses, et dans le vécu, et dans la "facilité" à être disponible !
Et puis c'est bon de lire certaines choses qui d'habitude sont cachées, parce que dans notre société, d'habitude, la misère c'est la honte, il faut la taire, la cacher. Que quelqu'un ose en parler donne l'impression d'être moins transparent, d'exister, Florence Aubenas redonne humanité et dignité aux petits, avec des mots simples et francs, et ça fait du bien !

Même en cherchant, je ne vois rien que je n'aurais pas aimé dans ce livre, de bout en bout tout est incroyablement juste, vrai...

A lire, donc, selon vos goûts, comme un roman, comme un long article de journal ou comme un essai un peu timide. Intéressant, de toute façon.
Lien : http://ploufetreplouf.over-b..
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Impossible de lâcher ce livre une fois commencé !
Florence Aubenas s'est mise dans la peau d'une femme qui n'a ni diplôme ni expérience professionnelle et qui frappe à la porte d'une agence d'intérim prête à faire n'importe quel boulot. Et son parcours de la combattante commence. Elle nous raconte ses galères, les petits boulots de quelques heures pour gagner à peine plus que l'essence, la fatigue, le pôle emploi, les rencontres avec les autres intérimaires, ...
C'est très bien écrit, sans apitoiement, sans jugement.
Nous savons qu'il y a des travailleurs précaires en France mais FLorence Aubenas décrit le quotidien où il faut compter sur 6€ à deux en budget nourriture pour finir le mois. Cette enquête permet de prendre conscience avec plus d'acuité des réalités quotidiennes des travailleurs précaires. Et c'est malheureusement pire que l'on peut imaginer.
Mais le texte fait aussi souvent sourire avec notamment Philippe qui emmène Florence Aubenas se balader au vert à la jardinerie le dimanche.

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J'ai vécu certaines périodes avec des emplois précaires. Et rien ne m'a étonnée dans ce que F. Aubenas découvre dans ce livre. Et ce qui m'a le plus touchée est qu'elle a vraiment pris son rôle au sérieux. Travail, trajet, dodo : pas le temps pour d'autre occupation ! Et un attachement à ce milieu, beaucoup d'entraide. Et même comme un regret de quitter tout ça... Mais évidemment c'est plus facile à vivre quand on sait que tout est temporaire ! Néanmoins un bon témoignage de la vie de milliers de gens
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