L'histoire : en 2009, la journaliste
Florence Aubenas a voulu aller regarder de près la crise. Elle a pris une chambre à Caen, gardé son nom sans dévoiler sa profession réelle et les raisons de sa venue et s'est lancée dans la recherche d'un emploi avec pour seul bagage le baccalauréat. Son objectif : décrocher un CDI à temps plein ; alors elle arrêtera le "reportage" et écrira un livre.
Il lui a fallu 6 mois, et le CDI proposé qui lui a fait arrêter le reportage n'était pas à temps plein.
Mon avis : depuis sa sortie, ce livre tourne très vite dans notre petite bibliothèque, et pour cause : on habite à 25-30 minutes de Ouistreham ! Honnêtement, s'il n'y avait pas eu ça, je ne serais probablement pas allée vers ce livre... Et j'aurais eu grand tort ! Ce témoignange sans prétention sur la crise se lit comme un roman,
Florence Aubenas y mêle des anecdotes drôles à des moments poignants, le tout sans jamais se départir de son objectivité bienveillante et en laissant le premier rôle à ceux qu'elle côtoie, se maintenant, elle, dans l'ombre.
J'ai bien aimé reconnaître certains lieux qu'elle décrits, pouvoir m'orienter dans ses déplacements, avoir une image nette d'où elle se trouvait à tel ou tel moment, c'est un plaisir rare dans un roman (mais qui m'était déjà arrivé, par exemple avec le Rêve de
Zola puisque j'ai vécu dans la ville où ça se déroulait et que ce quartier n'avait qu'à peine changé depuis). J'ai bien aimé aussi son regard sur la crise, qui s'est méchamment aggravée depuis mais en l'écrivant elle ne s'en doutait pas, un regard fait d'observation surtout, chaleureuse ou froide selon les contextes, cette observation le rend parfois impitoyable sur la déshumanisation du monde et des moeurs.
Pas de plainte, tout juste si elle signale parfois son immense fatigue, pourtant en choisissant de travailler dans la propreté (puisqu'avec seulement un bac, Pôle Emploi n'a quasi rien d'autre à proposer), elle arrive dans un monde dur de labeur épuisant. C'est aussi un portrait de la société prolétaire de base par quelqu'un qui a toujours été à l'abri, autant dire que l'observation semble parfois être un choc !
J'ai apprécié aussi de "reconnaître" un peu notre situation, le chômage (quoique monsieur Plouf, bien que cherchant du boulot et inscrit à Pôle Emploi, n'est pas compté dans les chiffres grâce à une pirouette malhonnête mais ordinaire du système...), la recherche vaine, les employeurs dignes de l'époque esclavagiste et ceux qui essaient comme ils peuvent de faire surnager un peu d'humanité, les lourdeurs et absurdités d'un système dit d'aide conçu pour broyer avant d'aider... Sans compter que
Florence Aubenas a traversé toutes ces galères en étant célibataire et sans enfant, ça change quand même beaucoup de choses, et dans le vécu, et dans la "facilité" à être disponible !
Et puis c'est bon de lire certaines choses qui d'habitude sont cachées, parce que dans notre société, d'habitude, la misère c'est la honte, il faut la taire, la cacher. Que quelqu'un ose en parler donne l'impression d'être moins transparent, d'exister,
Florence Aubenas redonne humanité et dignité aux petits, avec des mots simples et francs, et ça fait du bien !
Même en cherchant, je ne vois rien que je n'aurais pas aimé dans ce livre, de bout en bout tout est incroyablement juste, vrai...
A lire, donc, selon vos goûts, comme un roman, comme un long article de journal ou comme un essai un peu timide. Intéressant, de toute façon.
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