Citations sur Soudain, seuls (163)
tu sais bien que toutes ces braves gens qui étaient devant leur télé pendant qu'elle crevait de faim, vont s'octroyer le droit de faire des commentaire, de la juger. Et là, ce sera dégueulasse, parce qu'ils n'y comprendront jamais rien. Twitter, Facebook, tous les frustrés de la Terre auront un avis, et c'est tellement bon d'enfoncer quelqu'un qu'on a adoré.
C'est exactement ce qu'elle, Louise, à failli faire: travestir son passé. Cette réécriture de l'histoire n'était pas exempte d'avantages, mais la culpabilité à été plus forte. Comme Or elle, elle s'est enfuie. Nommer son mal est une délivrance, le point d'orgue de cette maturation qu'elle sent à l'œuvre depuis qu'elle est sur Jura. P. 213
Depuis son retour, elle vit sur un capital d'image et de sympathie qui lui sert de viatique pour redémarrer sa vie. Être traitée en héroïne vous ouvre de nombreuses portes. Mais une héroïne n'a pas le droit de fauter. Elle doit être pure, parfaite, inattaquable. Revenir sur ce seul épisode déstabilise tout le reste, sème le doute.
Nommer son mal est une délivrance, le point d'orgue de cette maturation qu'elle sent à l'oeuvre depuis qu'elle est sur Jura.
Elle portait deux vérités en elle, une de trop.
La vie reprend. Il y aura toujours quelque part une douleur, une tristesse et un mort.
Twitter, Facebook, tous les frustrés de la terre auront un avis, et c’est tellement bon d’enfoncer quelqu’un qu’on a adoré.
"...le bateau ... pas possible ... plus là ..."
Ils bredouillent, murmurent, clignent des yeux comme pour rectifier l'image qu'ils ont devant eux. Tout cela n'est qu'un mauvais rêve. Il suffit de rembobiner le film de la nuit, puis redonner un cours normal aux choses. Ils auraient dû sortir, voir Jason à nouveau immobile, rassurant, et descendre en plaisantant vers la grève. Mais la réalité persiste cruellement. Le bateau a disparu.
Comment en sont-ils arrivés à cette situation absurde ? C'est trop injuste qu'une simple balade prolongée reçoive une telle sanction. Il a trente-quatre ans et l'idée de la mort l'a rarement effleuré. La disparition de deux copains, l'un d'un accident de moto et l'autre d'un cancer foudroyant du pancréas, l'avait secoué, mais il en avait tiré argument pour ce voyage. Vivons ! Vivons à fond avant d'être rattrapés ! Rattrapés, ils le sont dans ce paysage sublime, par cette douce journée d'été austral. Un soleil hypocrite fait étinceler les gouttes d'humidité comme des myriades de diamants. En arrière-plan, la plaine fume légèrement. Des otaries et des éléphants de mer se prélassent en bâillant de plaisir. Il regarde autour de lui et pense que rien, pas un vol d'oiseau, pas une vague, pas un brin d'herbe, rien ne changera s'ils disparaissent ici. Le vent aura tôt fait de balayer l'empreinte de leurs pas.
Elle voudrait raconter aussi tous les bonheurs du voyage,ces mois merveilleux de vagabondage.
Louise n’avait pas prévu que le retour serait si difficile. Là-bas, elle était obsédée par l’idée de rentrer, manger, être au chaud, revoir des humains. La vie était-elle déjà si compliquée, avant ? A-t-elle simplement oublié ou idéalisé le monde des hommes ? Si elle était seule, elle rentrerait bien à nouveau en hibernation, comme dans la base scientifique. Mais il y a Alice, qui s’occupe de tout, qui na la lâche pas d’une semelle. Alice, dont elle a perçu la faille tout à l’heure et à qui elle veut plaisir. Alors elle se laisse diriger, rassurer par cette femme exubérante et maternelle.
Ludovic essaye de ne pas mettre d’impatience dans sa voix, mais, franchement, elle l’énerve avec son tracassin. S’il l’avait écoutée, ils ne seraient pas là, seuls comme des rois dans cette île du bout du monde. Ils n’auraient jamais acheté le bateau, ni entamé ce formidable voyage. Oui, le ciel est en train de s’assombrir au loin, mais au pire ils seront mouillés. L’aventure est à ce prix, c’est même leur but, se sortir de la torpeur des bureaux parisiens qui risquaient de les engloutir dans une confortable mollesse et les laisser au bord de leur vie. La soixantaine sonnerait et ils n’auraient que les regrets de n’avoir rien vécu, de ne s’être jamais battus, jamais découverts. Il se fait violence pour trouver un ton conciliant.