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sur 74 notes
Rentrée littéraire 2021 #8

Je referme avec émotion cet riche roman qui oscille entre chronique sociale et récit de l'intime avec une ferme assurance. Il s'ouvre en 2016 avec la garde à vue d'Hannah, professeur des écoles, suite à une faute grave dont la teneur ne sera révélée qu'à la toute fin. L'interrogatoire est l'occasion pour elle de remonter le fil de sa vie, comment les choses se sont imbriquées depuis le début des débuts. Et c'est à son enfance qu'elle pense, qui «  comme une claque froide se jette sur (son) visage ».

La première partie est centrée sur le parcours de Hannah depuis son enfance en 1987 à Lens. Hannah est fille d'un mineur marocain. Cinq enfants et les parents dans un minuscule coron sans salle de bain. « On mange la mine, on dort la mine, on sent la mine. » Germinal plane partout, du nom des rues, du collège, aux textes étudiés en classe. Samira El Ayachi manie une plume à la fois vive et tendre, pleine d'humour et de saveur pour raconter le manque d'intimité, la précarité, la chaleur d'une maisonnée bordélique, la solidarité entre voisins, la lecture comme refuge ( «  à chaque fois que je sors d'un livre, je m'allonge, je m'agrandis. Je m'agrandis »). Les phrases sont riches, colorées, incroyablement vivantes. Et elles savent aussi dire la douleur du transfuge de classe lorsque Hannah accède brillamment aux études supérieures mais massacre ses chances de réussite au CAPES de français comme pour ne pas trahir ceux dont elle s'éloigne à mesure qu'elle accède à la culture et au savoir.

Puis dans la deuxième partie, absolument passionnante, le roman prend une autre dimension avec l'histoire du père qu'Hannah découvre sur le tard à travers un carnet écrit en arabe et une copie de l'enregistrement d'une interview. La voix du père, emplie de la poésie des simples et d'un lyrisme droit, se fait entendre et à travers elle, c'est tout un angle mort du récit national qui est exhumé. C'est très clairement le récit du père qui m'a le plus accrochée. Entre les années 1960 et 1980, le sergent-recruteur Félix Mora a écumé le Sud du Maroc, autour du Haut-Atlas pour trouver des mineurs qui manquaient aux houillères du Nord et de Lorraine. C'est lui qui a recruté le père en 1974 comme 100.000 autres Marocains prêts à tout pour fuir les premières conséquences de la sécheresse et rejoindre un pays de Cocagne. C'est bouleversant de voir Hannah découvrir cette histoire cachée du père et ces parcours migratoires douloureux  : le tampon vert apposé à même la poitrine pour valider les candidatures, la traversée terrifiante de la Méditerranée en 5ème classe, les baraquements en bois à l'arrivée, la découverte suffocante de l'abattage du charbon, l'humiliation de se voir refuser le statut de mineur et ses avantages. Et les combats du père comme porte-parole des autres mineurs marocains lors des grèves de 1987 à l'annonce de la fermeture des mines ( cyniquement connues dès les recrutements de Mora, plus faciles de se débarrasser des étrangers que des Français ... ).

Par contre, je n'ai pas compris le choix de Hannah et j'ai presque été déçue de découvrir ce qu'elle avait fait, ce qui l'a conduit en garde-à-vue. le parallèle entre l'ample rébellion du père, pleine de sens, inscrite dans un collectif, me semble tellement supérieure au geste de la fille, que j'ai trouvé « petit » et incohérent … La transgression du père me semble bien plus légitime que celle qu'entreprend Hannah dans sa salle de classe. Même si je ne pars pas du principe qu'il faut à tout crin comprendre un personnage pour apprécier un roman, j'ai été gênée par les atermoiements de Hannah adulte alors que les souvenirs d'elle enfant et ceux du père m'ont tour à tour touché et bouleversé, jusqu'aux derniers mots, superbes.

Malgré cette réserve, je trouve que Samira El Ayachi interroge puissamment sur l'identité, la transmission, sur les héritages invisibles. Elle questionne intelligemment notre rapport aux lois, à l'autorité face aux injustices sociales. Comment se construire et garder sa propre lumière quand tout concourt à l'obscurcir, dans un contexte post-attentat 2015 très anxiogène ? Ou comment la mémoire d'une fille devient le tombeau le plus digne pour son père.

Lu dans le cadre d'une masse critique privilégiée
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J'avoue rencontrer des difficultés à me lancer dans le commentaire d'un livre qui , je dois le dire , ne m'a pas vraiment convaincu dans la mesure où Hannah en est la narratrice et que Hannah , ma foi , ne représente pas pour moi un " témoin " parfaitement fiable .
Lorsque s'ouvre l'histoire , Hannah est arrêtée, en classe , devant ses élèves. Cet acte d'une violence extrême a de quoi interpeller , ce " geste " n'étant pas trop crédible, la police redoutant plus que tout ,les interventions, très traumatisantes, en milieu scolaire . C'est spectaculaire , certes , mais ....
Ensuite , on revient en arrière pour faire la connaissance de Mohammed , le père marocain d'Hannah , venu travailler dans les mines du Nord au moment où la main d'oeuvre manquait et où, oui , les promesses de l'état français pouvaient laisser croire à l'accès à une vie plus " facile " sur une terre "accueillante " . La réalité, hélas, était tout autre et les " regroupements familiaux " ne garantissaient pas à ces gens de rester dans leur " nouvelle patrie " .Le courage et l'instruction de Mohammed allaient lui permettre de gagner le respect de ses compatriotes et le regard " plein de tendresse " de sa fille , cette fille de l'exil . On peut toutefois deviner la détermination de Mohammed lors de ces réunions secrètes avec ses amis , réunions sur lesquelles un voile pudique.....
Hannah , on le vit avec elle , se nourrit de lectures , de puissantes lectures . Intelligente , courageuse , brillante élève, elle peut passer pour une superbe " intégration réussie " mais la voilà à retrouver les pans de l'histoire de son père et à vouloir , elle aussi , vivre " son exil ".Là , je me désolidarise. J'aimerais savoir en quoi être professeur des écoles est moins " prestigieux " que professeur de lycée ? Apprendre à lire et à écrire à des enfants de CP serait moins important qu'une discussion philosophique menée avec des élèves de terminale ? Pourquoi se " réclamer " du père pour justifier le refus d'être " soi - même ? Il me semble que " tout se mélange " dans la tête d'Hannah au point de lui faire perdre toute raison par rapport à sa mission d'enseignante . Son couple avec Nils......
" L'exil dans l'exil " , mettre ses pas dans ceux de son père, reprendre son combat , appliquer ses propres règles. Je vais lâcher le terme , " se victimiser " . Hannah se victimise .Oui ,la révolte de son père mérite le respect et se justifie .A chacun d'entre nous de compléter la même phrase , mais concernant Hannah , en son âme et conscience .
Ce récit est un récit personnel qui n'engage que celui qui l'a écrit .L'auteure est tout à fait en droit d'écrire ce qu'elle ressent , tout comme le lecteur peut ou non adhérer , se laisser emporter , " vivre " avec les personnages . Personnellement , et je le regrette , je n'ai rien " senti vibrer " en moi .Le style est particulier mais bien adapté aux pensées qui se télescopent dans la tête de la narratrice , les témoignages du père sont émouvants par leurs accents de sincérité....
Élèvé dans une ancienne et bien modeste cité minière fermée en 1964 juste après l'effondrement d'une galerie sur le père d'un de mes copains de classe , devenu prof. de collège , je pensais trouver dans ce livre un " je ne sais quoi " de ma jeunesse mais j'avoue avoir seulement retenu la colère un peu " égoïste "d'Hannah ...à une autre époque...Etait-ce vraiment perpétuer la colère ou assurer un bel avenir à ses enfants le plus grand désir de Mohammed ?
Je tiens vivement à remercier toute l'équipe de Babelio et les Éditions de l'aube qui m'ont permis de lire ce livre " en avant - première ", un grand honneur , une belle confiance.
Ah ! l''ouverture du livre....Vous saurez tout à la fin....Moi , je me suis dit : " Tout ça pour ça ? "....Mais si j'ai mes raisons de penser ainsi , je ne prétends pas avoir raison ....Rien de mieux que de se faire sa propre opinion .
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2016, des parents, des enfants, des curieux, dont les yeux se fixent sur Hannah institutrice qui vient d'être arrêtée par la police, dans sa salle de classe. Pendant son audition au commissariat elle se souvient.

Retour en 1987, dans le Pas-de-Calais, Hannah a cinq ou six ans, sa famille habite dans une petite maison des mines. Les bacs en zinc, les toilettes à l'extérieur, le poêle à charbon. Les corons, la solidarité, l'intimité partagée. Madame Vache l'institutrice et la découverte de la langue française. La mine qui tire sa révérence, la dernière remontée des mineurs.

L'attrait de la télévision, le collège et le temps des copines, la surveillance incessante du père. L'Amérique, le lieu du rêve de tous les possibles. L'horreur du monde, la guerre en Irak à la télévision comme un grand jeu vidéo avec ses frappes chirurgicales et ses dommages collatéraux dans la population civile. Elle ne comprend rien aux dingueries du monde adulte.

La terminale et la découverte de la philosophie, une science où l'on aime se poser des questions sans fond. La petite fille qui ne se reconnaît plus dans le corps de la femme qu'elle devient. Les études supérieures, la grande ville, elle découvre que tout le monde n'est pas comme elle, elle a honte de sa provenance, elle a mal à sa famille.

Et puis un jour, elle lit Germinal et quelque chose se passe.

Le père qui a quitté la terre sèche et brûlante de son village, la femme qu'il vient d'épouser, son enfant qui vient de naître, il a tout quitté, pour creuser un trou dans une mine. Les mots du père retranscrits tels quels dans un cahier pour expliquer l'histoire de trois mille Marocains envoyés dans les mines du Nord de la France avec la complicité du roi Hassan II et jetés comme des pommes pourries à la fermeture des puits. Des hommes déracinés, traités comme des bêtes, le corps et le coeur déchirés en deux parties.

Une ode à la diversité de la langue française, aux bibliothèques, à la magie des livres. L'admiration d'une fille pour le combat de son père pour faire reconnaître ses droits par la France. Une réflexion sur la désobéissance, sur le métier d'enseignant, sur la montée de l'islamisme et de l'extrême droite sur fond d'attentats terroristes et de la peur qui s'installe dans le pays. Sur le bonheur de ne rien posséder.

Quelques fac-similés de documents d'époques éclairent le propos, le dernier, de la direction du personnel des houillères, intitulé « conseils à la maîtrise concernant le comportement envers les ouvriers nord-africains » termine ce roman social et engagé, résolument ancré dans notre société, porté par une écriture vivante, militante et émouvante.

Un merci infini aux éditions de L'Aube et à Babelio de m'avoir permis de lire ce grand roman en avant-première.
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C'est par une irruption d'hommes en bleu dans une salle de classe que débute ce roman, le lundi 14 novembre 2016. Ils viennent embarquer la maîtresse-narratrice pour le commissariat à la recherche de faits semble-t-il, même si les faits elle ne les a pas. Mais c'est surtout le premier mystère d'un roman qui en déploiera aussitôt un autre : celui d'un père vu par les yeux de sa gamine en 1987, un père exilé du Maroc et qui passe un soir à la télé, au JT. Nous remontons le temps et c'est bien le monde d'Hannah que nous découvrons, future maîtresse, petite tout d'abord Rue Georges Bizet, quelque part dans le Pas-de-Calais, quelque part dans les corons : « Dans la maison des mines, on est tellement les uns sur les autres que la maison des mines n'en peut plus. » Son père est mineur, son père est marocain, son père est exilé. Sa famille est déjà grande pour un si petit poste de télé, deux petites, deux moyens et deux grands. Sa maison repoussera tant bien que mal les murs, surtout pour y accueillir d'autres mystères aux yeux d'Hannah, et aussi d'autres mondes : « Du monde dans le petit salon sans bonbons. du monde dans le grand salon, dans le couloir. »
Le roman traite d'un sujet historique bien sûr, et tout autant délaissé, le lecteur aura vite fait de le comprendre. Les mineurs marocains, recrutés quand on avait besoin d'eux dans les années 60, vite oubliés et invités à rentrer chez eux au moment des fermetures minières. Leur vie leur combat, vues depuis l'enfance d'Hannah tout d'abord, puis le reste de sa vie.
Mais c'est aussi à un beau personnage d'Hannah en rébellion auquel on aura droit en filigrane. Campé et vivant au possible, il se développe à petites doses, à se demander s'il est pas là aussi le sujet principal en plus du père marocain et son combat à la mine. Son enfance dans les corons au milieu des terrils, une adolescence qui s'en éloigne, des chapitres aux noms d'adresse comme le parcours d'une fille de l'exil chez qui souffle la liberté, autant de points d'ancrage dans une vie à revisiter plus tard, même si elle s'interdit la nostalgie. Et puis le flux, le reflux des sentiments, un fond de colère, à travers lesquels sa silhouette s'affermit par bribes successives : depuis la petite écolière modèle pour répondre aux injonctions parentales d'exilés, l'adolescence un brin insoumise, beaucoup plus tard la découverte des autres mondes possible et du déterminisme social - merci Bourdieu, l'insertion sociale difficile, et son amour de Nils, sa rébellion d'enseignante, sa passion des livres pour s'agrandir des vies qu'elle n'a pas eues.
Il y est aussi question de langue, omniprésente. La langue de Samira El Ayachi comme vecteur du roman tout d'abord, vive et alerte, libre et évolutive, à coups de phrases le plus souvent courtes et incisives au début pour finir longues et déployées, comme nourries de lyrisme, au bord de la nostalgie même si le plus souvent imagée. Une langue qui emporte tout et secoue le lecteur de bout en bout. Mais elle est aussi sujet du roman, très vite conscientisée par Hannah dans les corons au milieu de polonais, italiens ou maghrébins : «Autour de moi chacun parle et gesticule ses langues. Moi aussi je parle la mienne ». Elle apparaitra aussi dans les expressions de la famille exilée, ou dans un enregistrement sonore du père.
On pourra s'accommoder d'une histoire qui semble hésitante, d'un sujet à l'autre, de l'exploitation des immigrés discriminés dans les mines à l'éducation en passant par les attentats ou les transfuges de classe, même si tout est plus ou moins lié dans le fond, comme s'il y avait eu quelque chose en héritage d'un père à sa fille : « J'en ai pas dormi de la nuit. La nuit me rejetait. Me faisait tourner dans le vide. Est-ce dans ce vide-là que tournait mon père lorsqu'il a pris la parole, il y a ce qui semble une éternité ? Est-ce dans ce vide-là que ce jeune travailleur immigré a dit « Je demande mes droits à la France »... ? »

Merci aux Éditions de l'Aube ainsi qu'à Babélio pour cette belle lecture !
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Pourquoi lire ce livre ? Parce que le ventre des hommes, c'est la mine dans laquelle ils descendent tous les jours, au risque de leur vie. La référence à Germinal est omniprésente, et ce livre fascine Hannah autant qu'il la repousse. Jusqu'au jour où elle a accès à l'histoire de son père : tous les événements obscurs de son enfance prennent alors soudain sens, depuis les raisons de leur interdiction de retourner au Maroc jusqu'au passage de son père à la télévision un soir de 1987. Ni héros, ni déchu, son père est un homme qui a tour à tour subi et pris en main son destin.⠀

Je n'aurais raté pour rien au monde ce roman au milieu de la rentrée littéraire. Car je connaissais déjà l'autrice, que j'ai découverte avec le très dynamique Les femmes sont occupées, où il était question d'une romancière et autrice pour le spectacle vivant, qui se débattait avec sa vie de mère célibataire (en couple ou pas). Cette fois, elle reste dans l'autofiction, mais sur un sujet à la fois plus intime et plus historique, inspiré de l'histoire de son père, réfugié climatique venu du Maroc et mineur dans les Houillères du Nord de la France dans les années 1970.⠀

Avec ce thème, l'autrice a réussi le tour de force d'imbriquer les circonstances historiques qui nous dépassent, qu'elles appartiennent à l'histoire de nos parents ou à notre propre passé récent (comme les attentats de 2015), et les répercussions du destin des parents sur celui des enfants (Hannah, l'héroïne, est devenue enseignante après un parcours d'excellence scolaire, mais elle ne sait pas ne pas saboter sa carrière). Exactement le genre de livre que j'aime !⠀

Cela vous fait-il penser à d'autres romans, qui mêleraient ainsi petite et grande histoire sur plusieurs générations ?⠀
Lien : https://www.20minutes.fr/art..
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Hannah fille d'immigrés marocains,grandit dans la précarité mais réussit pourtant à faire des études et à devenir professeur de français. Ce roman aurait pu être un énième récit sur le déracinement et les conflits intergénérationnels entre 1 ère,2 ème ou même 3 ème génération d'immigrés, mais il est bien plus que ça ! Samira El Ayachi nous transmet un épisode peu relaté de " l'amitié franco-marocaine"( entendez accords entre dirigeants pour s'enrichir sur le dos du peuple). En 1963 une convention est signée entre la France et le Maroc afin de recruter massivement de la main d'oeuvre bon marché pour travailler dans les mines du bassin houiller du Nord et Pas de Calais. Il faut des bras et si possible pas de tête. La consigne est claire,si l'on veut faire partie des élus ,ne surtout pas dire qu'on sait lire ! le père d'Hannah arrive en France dans ce contexte. le statut de ces immigrés est lamentable. Contrairement aux Italiens, polonais, algériens, ils n'ont pas droit au statut de " mineurs" ce qui impacte leurs droits et surtout,aura une importance capitale dix ans plus tard lorsque les mines fermeront. Dans le mépris et l'hypocrisie l'état français, toujours de mèche avec le roi du Maroc lance sa politique de " retour au pays", c'est " la banalité du mal". Samira El Ayachi raconte cette histoire à travers le récit et le regard de l'enfance puis de l'adulte qu'est devenue Hannah. Par ce biais elle aborde de nombreux sujets transversaux comme la place de la littérature,le lien inconscient avec la langue d'origine,la filiation du sang mais aussi du coeur et son devenir lorsqu'une séparation conjugale sépare l'enfant de son beau parent. Elle questionne également le rôle de l'enseignant et les carcans qui empêchent parfois d'enseigner autre chose que la défiance de l'autre. J'ai été touchée par la finesse avec laquelle elle décrit la violence du regard extérieur sur une famille,une population,ceci en toute bonne conscience. le vécu de l'enfant est emplit d'imaginaire qui lui permet d'avoir un regard positif sur ce qu'il vit et c'est parfois ce que lui renvoie l'extérieur qui le brise: "il est une douleur plus forte encore que d'être plus pauvre que les autres. C'est d'être vue comme miséreux par ces gens là. Et petit à petit par soi".
Le ventre des hommes transmet l'histoire et redonne dignité à ces hommes en replaçant leur vécu et leur combat dans L Histoire collective. Elle leur redonne fierté ainsi qu'à leurs descendants. Non, ils ne sont pas " la bête enfant d'analphabétes". Car ce récit est aussi celui de la lutte menée par son père et Hannah ne comprendra que tardivement cet engagement et l'importance de la parole car " si elle n'est pas prise,elle aussi, bouffe le ventre,vient te chercher la nuit, t'empêche de dormir..."
J'ai eu de la chance de découvrir ce roman en avant première grâce à la masse critique privilégiée de Babelio et je l'en remercie vivement ainsi que les éditions de L'Aube . L'écriture de L'auteure est vivante, spontanée tout en étant souvent très poétique. Je ne suis pas enseignante mais je pense que cet ouvrage serait très intéressant à travailler avec les jeunes car il regorge de sujets de société qui ouvre au débat et à la réflexion en plus de faire connaître une page de notre histoire.
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Au Nord, c'étaient les corons
la terre : c'était le charbon
le ciel : c'était l'horizon
les hommes : les mineurs de fond.

Le ventre des hommes : c'est la terre, celle de Mohamed qui cueillait des dattes sur son lopin au Maroc, mais qui a du partir pour trouver du travail pour élever sa famille !
Mais le ventre des hommes : c'est la terre noire des Houilléres du Nord ou il est allé s'installer !
Hannah Katib, découvre à la T.V son père et son action avec les autres mineurs.
Ce père qui a commencé à vivre son exil en célibataire dans un baraquement de 12 m2 pour 6 personnes en attendant le regroupement familial qui lui a permis de faire venir sa femme . Il ne savait pas un mot de français ( comme elle ), mais il est allé par 70 mètres de profondeur rejoindre les Polonais, les Italiens, les Algériens pour forer avec les marteaux piqueurs, le casque, la lampe à l'abattage avec l'angoisse du grisou !
En 1980 : 3500 mineurs ont fait grève pour que leur statut soit reconnu et, que leurs conditions de travail soient améliorées.
Hannah Katib, sa fille a été élevée dans une maison des corons à Lens avec l'amour de sa nombreuse fratrie et l'optimisme de sa maman qui gérait la maisonnée en disant " ça va aller-ça va aller ", avec la détermination de son père qui partait sur sa mobylette bleue pour leur offrir une vie nouvelle ! La mine a fermé, mais il a appris le français, est devenu une sorte d'écrivain public, a aidé de nouvelles familles de marocains à s'installer. Il voulait que ses enfants fassent des études pour réussir à obtenir un travail moins pénible que le sien, pour s'intégrer dans leur nouveau pays avec le maximum de chances d'y vivre une vie meilleure !
C'est ce qu'a fait Hannah qui est devenue une excellente élève et, qui après ses études à Lille a passé le CAPES de français pour commencer à enseigner !
C'est un hommage à son père : ce héros de l'ombre et du charbon qui a voulu se battre pour que" ses enfants agrandissent le monde".
Hannah a été déçue par l'enseignement secondaire et s'est reconvertie, en préparant, réussissant son concours d'instit en CE 2 pour être plus proche de sa vocation d'aide et de partage, mais, suite à des incidents relatifs à des exercices sécuritaires qu'elle n'a pas réalisé dans de bonnes conditions : elle s'est retrouvée en garde à vue !
Le roman se termine par un spleen sur l'exil, sur la nostalgie de son enfance dans les corons et sur la solidarité humaine ainsi que sur le pouvoir de transgression communiqué par son père !
Un roman autobiographique en prose, mais avec des passages envers libres très attachants, et qui rend un vibrant hommage à ces hommes qui ont participé dans l'ombre aux efforts nationaux pour aider à redresser une nation qui n'était pas la leur !
Merci à la Masse Critique Privilégiée de babelio et, aux éditions de l'Aube.
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La 4ème de couv m'avait alléchée. Pourquoi ? Parce que Zola fait partie de mon ADN de lectrice. Parce que le roman social contemporain me plait aussi avec par exemple l'excellent Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, D'acier de Silvia Avallone. Parce que le Nord, j'y ai un peu trainé mes ballerines, en fredonnant les Corons, un morceau de tarte au sucre en main.
Alors je me suis plongée dans ce roman, comme on s'affale dans un canapé qui a l'air confortable. Hélas, tout cela a un peu manqué de moelleux ; les ressorts me sont rentrés dans les fesses.
Certes l'histoire est alléchante. le mythe de la caverne appliqué à une enfant d'un couple d'immigrés. Sa découverte du monde au fur et à mesure qu'elle aperçoit ce qui se cache derrière au-delà de sa famille. Au-delà de sa mère, femme au foyer, ancrée dans ses traditions. Au-delà du père que l'on est allé chercher dans son pays pour travailler à la mine mais à un moment on aimerait bien qu'il y retourne. Dans son pays.
La difficulté de construire son identité, entre ce que l'on garde au plus profond de soi et ce que l'on essaie de devenir sans se trahir, pour s'intégrer dans un pays qui franchement ne veut pas tant que ça de vous.
Et puis il y a la littérature, l'instruction qui sauve. Il y a la solidarité des petites gens face aux difficultés, aux injustices. Il y a aussi ce traumatisme des attentats dont le bruit affreux résonne dans nos âmes, comme un écho menaçant, une sourdine grinçante.
Vous allez me dire : « alors finalement il doit être bien avec tout ça dedans ce roman ? ». Et je vous répondrais que finalement non, parce qu'il y a tout ça dedans. Trop de tout. L'auteure a voulu couvrir tellement de thèmes qui lui sont chers, que cela en devient un peu écoeurant. Comme un petit gâteau qui avait l'air si bon en vitrine, mais qui est trop sucré, trop lourd, trop…trop.
Je suis déçue de cette lecture et déçue pour l'auteure de ne pas avoir un avis plus positif. Mais on en a lu et vu d'autres qui ont trop dosé dans certains romans, les premiers ou ceux qui tiennent le plus à coeur, mais qui ensuite ont appris à mieux gérer les ingrédients. Alors je lirai un autre roman de Samira El Ayachi. Promis.
Alors faut-il le lire ? Je vous recommanderais plutôt de vous diriger vers les deux romans cités plus haut.
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L'auteure n'est pas novice en écriture, ni en rap ni en spectacle vivant.
C'est une femme "engagée " qui livre un texte social qui n'a de roman que le nom.
Le père d'Hannah, la narratrice , cultivateur berbère arrive en France, destination les mines de charbon du Pas de Calais, à la suite d'un accord France-Maroc. Dans les statuts le retour au pays est prévu.
L'intégration multi-culturelle se fait tant bien que mal entre les italiens, les polonais , les arabes(ainsi les nomment-on).
Puis vient le regroupement familial, Hannah est heureuse à l'école, ses meilleurs amis sont les livres, elle raconte les corons, ses études à Lille, elle devient professeur,le tout émaillé d'expressions cht'i qui m'ont fait sourire; je l'ai précédée dans cette région et j'ai connu les corons à leur apogée.
Ce texte est plein de colère retenue, il y a 60 ans les mineurs étaient des forçats, les employeurs des tyrans, c'est vrai, les nord- africains en première ligne dit-elle. J'ai beaucoup apprécié le court texte en police d'écriture différente, celui écrit par le père en arabe et traduit à sa fille, il y raconte calmement sa vie , exhorte ses enfants à vivre libres.
Devenue professeur d'abord puis institutrice, Hannah a affaire à la police pour rebellion; elle n'a pas admis l'idée de faire supporter en classe à des petits une simulation d'attentat .
Si ce texte était écrit à la plume, on l'entendrait grincer .Hormis pour la génération qui l'a précédée, je n'ai pas été touchée par Hannah et sa colère.
Merci aux Edts de l'Aube et à Babelio pour cette lecture.
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Je suis très heureuse d'avoir lu ce récit gagné grâce à une Masse Critique Babelio, j'avais vu de bons avis et j'ai voulu me faire ma propre opinion sur cette lecture.

J'ai aimé la plume de l'auteur et ce qu'elle nous fait découvrir à travers ses yeux de son enfance à l'âge adulte, j'ai découvert grâce à celle-ci les conditions de vie des personnes travaillant à la mine dans les corons, j'avoue ne pas avoir beaucoup entendu parler de cela ou avoir lu des articles ou autre sur cette situation.

L'auteur nous raconte l'histoire de ses parents et plus particulièrement celle de son père venu du Maroc pour travailler à la mine, on le suit de la "grande époque" à la mine afin de produire de l'énergie jusqu'à ce que celle-ci ferme et que tous les employés soient renvoyés.

Il y a même dans ce récit quelques documents qui donnent encore plus de profondeur au récit. Ce récit m'a touché et avec peu de pages, l'auteur parvient à nous transmettre son vécu familial.

J'ai aimé aussi le fait que le récit s'entrecroise avec une audition policière, on se demande également donc comment cette partie va se raccorder avec l'histoire de famille.

Une très jolie découverte.
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