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3,97

sur 78 notes
Nous sommes dans le nord de la France, là où des générations d'hommes venus d'ailleurs ont extrait le charbon.
Hannah est enseignante ; c'est parce qu'elle a commis un acte violet, qu'elle se retrouve en garde à vue dans les locaux de la police.
Hannah, va raconter l'épopée de son père, et par ricochet, celle de nombreux marocains venus travailler dans les mines du nord pour en extraire le charbon. Elle y décrit ainsi son enfance dans les corons, et le combat de son père pour la défense de ses camarades.
Roman infiniment social, le ventre des hommes laisse lire avec un certain plaisir, mais sans vraiment réussir à m'émouvoir.
Merci aux éditions de l'Aube et Babélio pour ce partenariat.
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Chaque livre que je lis m'apporte quelque chose. Avec le Ventre des Hommes, j'ai découvert une nouvelle auteure et un pan de notre histoire que j'ignorais. Alors, je remercie Samira El Ayachi d'une part pour cette fenêtre ouverte, Babelio et les Editions de l'Aube d'autre part pour avoir sollicité mon avis sur ce roman qui paraîtra en Septembre 2021.
Mes antécédents sur le sujet de la mine de charbon sont Germinal d'Emile Zola (j'ai dévoré presque tous les Rougon-Macquart à l'adolescence) et , plus récemment ,en audio-livre, le Jour d'Avant de Sorj Chalandon (double découverte). Dans ce dernier comme dans le roman de Samira El Ayachi, j'ai beaucoup appris sur les manquements de l'industrie minière quant à la sécurité et l'exploitation des mineurs de quelque nationalité qu'ils aient pu être. En effet, cette industrie étant en déclin dans les années 70, il n'était plus question d'y investir, même si cela devait conduire à des morts.
L'héroïne et narratrice, Hannah, une enfant marocaine, vit dans le Nord de la France parce que son père a fait le choix de s'expatrier pour survivre. Nous, les lecteurs, apprenons alors que la France est allée chercher des hommes au Maroc parce qu'elle avait besoin de mineurs, plus personne ne voulant faire ce travail de plus en plus dangereux. Hannah, elle, découvre qui était vraiment son père, le rôle qu'il a joué en tant que porte-parole des mineurs marocains, sa rébellion contre son propre père et sa condition d'origine, leur terre ne suffisant plus à les nourrir.
Un exil plein d'un espoir qui va être déçu par la réalité de la vie à la mine, en laissant sa famille derrière soi dans un premier temps. Non seulement travailler sous terre est difficile et dangereux, mais de surcroît, les mineurs marocains n'ont pas les mêmes droits que leurs homologues français ou d'autres nationalités.
C'est ce qui va conduire le père d'Hannah à lutter pour obtenir ces droits, malgré sa faible maîtrise de la langue française. L'industrie minière ne voulait pas que les Marocains s'intègrent (on envisageait déjà leur futur retour au pays, des mineurs Kleenex en quelque sorte), qu'ils apprennent le français, qu'ils fassent venir leurs familles. On ne voulait que des bras, des illettrés, car le charbon se raréfiait mais la France devait continuer à en extraire pour poursuivre la relance de l'économie d'après-guerre.
Comme Germinal, ce roman est un plaidoyer en faveur des mineurs, mais marocains seulement. le père d'Hannah est l'Etienne Lantier du Ventre des Hommes, sauf que leurs méthodes de lutte ne sont pas identiques. Dans Germinal, c'est le recours à la grève, dans ce roman, c'est la lutte sur le plan juridique et le recours à Bruxelles ; on a changé d'époque.
L'autre thème abordé, c'est ce que cette vie, cette lutte a transmis aux enfants des mineurs. On va retrouver chez Hannah, devenue professeure des écoles, le refus d'accepter des règles qu'elle trouve nuisibles et la font souffrir. La transgression propre à l'enfance semble perdurer chez elle.
Pour terminer, que dire du titre du roman ? Il interpelle car le mot « ventre » est plus volontiers associé aux femmes ou à la Terre, la terre nourricière, la terre-mère comme l'on dit dans certaines langues. Pas aux hommes, dont on mentionne plus volontiers les tripes, avec un sens différent. Si vous voulez descendre avec le père d'Hannah dans les entrailles de la mine, vous découvrirez un monde sombre dans tous les sens du terme, la peur au ventre, qui vous éclairera sur le choix de ce terme.
Pour Hannah aussi, le ventre est important, vital, parce que c'est là que se situent la force, la peur, le courage. Il est aussi important voire plus que le coeur ou la tête.
Pour nous parler de ce monde souterrain, Samira El Ayachi utilise une langue plutôt poétique qui contraste avec la noirceur de la mine, des terrils, et ce faisant, les transforme en quelque chose de beau. Elle écrit page 190 : « Chaque fois que tu pleures, garde tes larmes et viens les verser au pied de la montagne et ça donnera des fleurs. »
Certains passages sont très émouvants. En tant qu'ex-enseignante, j'ai été touchée par ses mots sur les enseignants qui lui ont fait découvrir la langue et les livres. Quel cadeau pour l'enfant qu'elle était et l'adulte en devenir, quel cadeau pour moi que cette reconnaissance qui nous est souvent refusée aujourd'hui.
Je suis contente d'avoir fait connaissance avec l'oeuvre de Samira El Ayachi et la remercie de m'avoir donné l'envie de ressortir Germinal de ma bibliothèque , de retrouver le bonheur de la redécouverte d'un livre lu il y a bien longtemps. Merci à elle d'avoir été le « professeur » qui a su susciter cette envie.
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Novembre 2016, la police débarque dans la classe d'Hannah pour l'emmener au poste. C'est à partir de là que l'on se rend dans le passé de la professeur des écoles pour comprendre ce qui l'a mené à cet évènement, en partant de son enfance en 1987.

Dans ce retour dans le passé, on découvre une famille du Nord dans laquelle le père est venu du sud du Maroc pour travailler dans les mines. Hannah sa fille raconte les corons du Nord, la condition d'enfant d'immigré, la vie précaire de sa famille qui s'installe. Mais aussi une relation très forte entre son père et elle. Son père Mohammed, qui prend la parole dans le roman avec une langue poignante et qui relate son arrivée en France et les luttes qu'il a menées. J'ai lu plusieurs avis plutôt mitigés sur le décalage entre les combats passés du père dans les mines et les combats plus actuels de sa fille qui tente de composer avec les luttes passées et celles importantes pour elle. J'ai au contraire trouvé que ces parallèles étaient traités avec beaucoup de justesse, notamment l'évènement en 2016 qui lui vaut sa garde à vue. Un évènement symptomatique de notre époque et très rarement questionné dans la fiction. La lecture a aussi une place importante dans le roman. Hannah se construit par les livres, par les rencontres avec les bibliothécaires ou encore par la relation amour/haine qu'elle développe pendant son enfance avec Germinal l'oeuvre de Zola. Une occasion pour l'autrice de rappeler les pouvoirs de la fiction, mais aussi ses ambivalences.

Ce roman est plein d'émotion. On retrouve la langue riche de Samira El Ayachi comme dans "Les femmes sont occupées". le tout sonne et rien n'est laissé au hasard pour servir les parfums de révolte des personnages. Il y a un réel travail sur la langue, que ce soit celle du père ou celle d'Hannah. "Le ventre des hommes" est un très beau roman et on tourne la dernière page avec un pincement.

Extrait : "Avec toutes ces dingueries du monde adulte que je ne comprends plus, le seul lieu qui me tient à l'aise avec le mensonge, c'est la lecture. Ici on ment ; c'est le but même de l'expérience, qu'on nous mente tellement. On nous raconte des histoires, on sait que ça ment comme un arracheur de dents, elle me ment la lecture, on le sait à l'avance, on se roule dans le mensonge comme de la farine et des oeufs et c'est bon. Elle ment en jurant et en me regardant droit dans les yeux."
Lien : https://lesmafieuses.wordpre..
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Hannah est née la nuit... pendant que son père se trouve dans le ventre de la terre à y puiser le charbon. C'était hier. Aujourd'hui, Hannah est enseignante et elle a fait quelque chose de grave, 9 parents ont déposé plainte contre elle en moins d'une heure. Pendant qu'elle est interrogée au commissariat, elle remonte le fil de ses souvenirs d'enfance mais surtout elle retrace l'histoire de ce père marocain qui a reçu un tampon vert sur le torse, marque du passage vers le Nord de la France, dans le trou des mines.
C'est toute l'histoire de ces hommes, de ces mineurs de charbon qui creuse la nuit, remonte ahuris de fatigue, noirs, en plein jour qui nous est conté avec brio. La vie est dure dans les baraquements où l'on manque de tout sauf de solidarité et d'amour. Mohamed Katib, le père d'hannah, avec quelques milliers d'autres mineurs, va faire valoir ses droits car seuls les marocains, parmi les polonais, les italiens et algériens, n'ont pas un statut égal avec les mineurs français.
Alors oui nous sommes dans le ventre de la terre et ça creuse en nuit mais c'est un roman plein de lumière, d'espérance. L'écriture de S. El Ayachi enveloppe et emmène pour toucher le sentiment intime du regard d'une fille puis d'une femme sur l'histoire de son père.
J'ai tant appris dans ce roman dans lequel sont insérés des documents officiels de l'époque, édifiant !! J'ai lu un Germinal moderne, prenant. Sous l'oeil d'hannah qui a vu les combats d'hier avec les mineurs et vit les combats d'aujourd'hui avec les fous de Dieu, le roman est basé sur des faits historiques que l'auteure connaît bien, inspiré de sa région natale et de la vie de son père, elle pose une question essentielle : quid de ces transgressions d'enfants devenus adultes, qui devient on lorsque l'autorité et les lois nous contraignent dans nos rêves ? c'est sorti le 2 septembre et je vous invite grandement à ne pas passer à côté de ce roman bouleversant !
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✔️Mon ressenti :Ce roman est l'histoire d'Hannah, ou plutôt de l'arrestation d'Hannah, professeure des écoles. L'interrogatoire sera pour elle l'occasion de revenir sur la vie de son père et de leur relation. Son père est un immigré marocain qui est venu dans les années 1970 pour travailler dans les mines de charbon du nord de la France. Nous découvrirons au fil des pages l'histoire de cette famille et les raisons de l'arrestation d'Hannah.

C'est un roman que j'ai lu très rapidement. J'ai découvert un pan de l'Histoire de ma région que je ne connaissais pas et qui m'a bouleversée. Afin de ne pas spoiler, je vous dirais juste que la découverte du motif de l'arrestation du personnage principal m'a également bien chamboulée, je la comprends tellement, mais jusqu'à présent je n'avais pas pris assez de hauteur pour m'en rendre compte. La plume de l'auteure, douce, poétique et pleine d'écho aide à entraîner le lecteur. Quelques archives imprimées au fil du récit rappellent que ces faits sont bien tirés de l'Histoire.
Un roman sur la réalité du milieu minier de la fin du XX eme siècle troublant.

🎯Mots Clefs : Mine / Nord / Maroc / Famille / Reconnaissance

🏆Ma note : 19/20
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Lundi 14 novembre 2016, dans une école primaire du Nord de la France, Hannah, une institutrice, est arrêtée devant ses élèves et est placée en garde à vue. Alors que l'interrogatoire débute, c'est à son père qu'elle pense. Les souvenirs affluent dans sa mémoire : elle revoit ce soir de 1987, quand toute la famille était réunie devant le poste de télévision et que le visage de son père a dit des mots, dans l'écran. Elle n'a pas entendu ses mots, elle était trop petite, elle se rappelle simplement le visage de son papa, qui parlait dans un micro. C'est au poste de police qu'elle apprend le combat que son père a mené, en 1987.


Nous ne savons pas les raisons de l'arrestation d'Hannah. Nous comprenons que les faits sont graves : les policiers indiquent qu'ils ont « reçu quinze coups de fil de parents en une heure » (p. 15), qu'ils ont alerté la DGSI et qu'ils ont des faits graves contre elle. Nous n'apprenons qu'à la fin ce qui lui est reproché.


Avant de faire sa déposition, Hannah déroule les évènements qui ont précédé son acte : son enfance dans les Corons, ses études, l'élévation sociale, accompagnée d'un sentiment d'imposture qui ne la quitte pas, la maladie de son papa qui le contraint à prendre du repos, chaque année à la même date, sa vision du Maroc différente de la perception paternelle et la lutte de son père.


C'est au commissariat qu'elle découvre que ce dernier s'est battu contre l'injustice qui frappait les mineurs marocains. Ces hommes avaient quitté leur pays pour travailler dans les mines françaises, tous espéraient recevoir un tampon vert sur le torse, le sésame pour venir en France. Ils étaient les seuls à ne pas avoir le statut de mineur, les seuls à ne pas bénéficier des mêmes droits que les autres nationalités. Ils descendaient dans les mines, faisaient un travail harassant, risquaient leur vie (le grisou était une menace perpétuelle), mais aussi leur santé (la silicose attendait ses proies), mais ils n'étaient pas reconnus. Pour travailler dans les houillères, ceux qui savaient lire et écrire devaient le cacher : la connaissance est dangereuse. Lors de son interrogatoire, une partie du passé du père de la narratrice est exhumée. Elle est émue par des documents (certains originaux sont insérés dans le roman), qui révèlent ce qu'il lui a caché. Cet homme a transmis des valeurs à ses enfants et leur a donné l'espoir de réussite, grâce au travail. En même temps que le lecteur, sa fille découvre ses luttes sociales. Elle distingue un lien entre l'histoire paternelle, qu'elle ignorait, et l'acte qu'elle a commis.


J'ai été très touchée par le récit de Mohamed au sujet du travail de la mine et de la solidarité entre mineurs. Il exprime son désir de s'intégrer et la souffrance qu'il ressent lorsque ce pays, qu'il veut aimer, lui oppose un rejet. Il demande ses droits à la France, il réclame, pour lui et ses compatriotes (ils sont 3 000), le même statut que les autres nationalités. J'ai été émue par les souvenirs d'Hannah, colorés de mixité, de liberté, de solidarité, mais teintés de la peur de réussir et d'un syndrome d'imposteur qui l'entrave. Lorsque le motif de son arrestation a été révélé, j'ai été surprise par l'élément déclencheur et par ce qu'il m'apprenait au sujet de directives de l'Education Nationale. J'ai été si abasourdie que j'ai vérifié la véracité des informations sur les sites officiels et j'ai été choquée par ce que j'ai lu. J'ai, aussi, été troublée par les conséquences du geste d'Hannah. J'ose espérer que certaines recommandations ne sont pas appliquées.


Dans ce roman, c'est la perception d'Hannah qui est énoncée, entrecoupée par celle de son père qui se dévoile. Ce ne sont pas seulement des faits bruts, leur opinion est donnée sur chaque sujet, ainsi que leur ressenti, imprégnés de leur vécu. Aussi, notre vision peut être différente, mais nous entendons le message qui est le leur.


J'ai adoré le ventre des hommes et comme dit mon père, avec humour : « Ch'père (le père) c'est Ch'père et Ch'père, il faut le respecter. »


Je remercie sincèrement Babelio et les Editions de L'aube pour cette masse critique privilégiée.


Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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Un roman un peu foutraque, écrit à la "va comme j'te pousse", avec moult maladresses de langage, mais terriblement attachant tant il est empreint d'une profonde sincérité. L'auteure mène de front deux histoires, sa propre histoire (?), débutant pour le lecteur lorsque la police vient l'arrêter en plein cours de CE2, et celle de son père, dont elle découvre sur le tard un passé de syndicaliste actif dans les mines de charbon du Nord-Pas-de-Calais. Deux personnages que tout oppose. Ce père, chef de village dans le sud marocain, parti travailler en France dans le cadre de curieux accords négociés secrètement entre le Maroc et la France pour faire vivre aux mines leurs dernières années avant la fermeture, privant les travailleurs immigrés de tous les droits associés officiellement au statut de mineur. Un père ayant soigneusement dissimulé sa connaissance (même très partielle) du français et le fait qu'il savait lire et écrire, l'analphabétisme étant une des conditions requises pour partir en France (sic). Un père dévoué à ses compatriotes, dont il va rapidement devenir le porte-parole pour faire valoir leurs droits injustement bafoués. Une fille, première de la classe tout au long de sa scolarité, parfait exemple de la méritocratie à la française, dont l'amour pour ses élèves n'a d'égal que son rejet de ce père qui l'a élevé à la dure. Un père qu'elle va finir par découvrir sous un tout autre jour alors que, malade, il vit sans doute ses derniers moments. Deux destins qui vont se rejoindre dans un rejet commun des tabous et de l'individualisme dominant. le récit est heurté, traduisant au plus près, avec ses creux et ses bosses, l'afflux incontrôlé des sentiments, avec des images à la limite de la poésie. Un beau roman, brut de décoffrage, avec la force d'une sculpture de Rodin…
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Lorsque Hannah se fait arrêter par la police devant ses élèves, nous ne savons rien de la cause ou des circonstances qui mènent à cet instant. Avec elle nous remonterons un fil invisible, celui d'une trajectoire de vie, celui de l'enfance d'une fille d'immigrés marocains dans une cité minière du Nord de la France, celui de l'exil des parents et de leur courage,...

C'est la petite histoire qui mène à la grande, et c'est l'individu qui mène au peuple, c'est l'insouciance qui devient conscience et c'est aussi l'enseignante qui voit sa responsabilité dans les actes autant que dans les paroles. C'est une lettre d'amour aux libre penseurs, aux héros qui oeuvrent pour bâtir un monde plus juste, à tout ceux qui combattent la résignation et qui transmettent aux plus jeunes de quoi garder leur esprit et leur coeur en éveil.

Samira El Ayachi ne se lance pas seule dans cette entreprise louable, elle convoque une farandole bigarrée, on y retrouve entre autres Bourdieu, Zola, Harendt, Rilke mais aussi Pierre Bachelet ou Kéry James. Il y a les livres, les chansons, les parents, l'entourage tout ce et ceux qui aident à bâtir ce que l'on appelle l'acquis. Tout ce qui distingue l'individu du rouage bien huilé dans lequel la société le pousse à se fondre s'il n'est pas vigilant.

Au niveau du style, on trouve un langage écrit élégant ponctué par moment par la vivacité et l'authenticité d'un langage oral. C'est une dualité qui a fonctionné pour moi la plupart du temps, même si à quelques rares exceptions j'ai trouvé que ces insertions pouvaient casser le rythme au lieu de le tonifier.

Ce roman c'est aussi un bout de France dans ce qu'elle fait de mieux et de pire, dans sa diversité, dans sa vérité. Une voix qui compte, une réussite !

Un grand merci à Babelio et aux Éditions de l'aube de m'avoir proposé cette lecture.
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Le ventre des hommesSamira El Ayachi – L'Aube .

Tout d'abord je remercie les éditions d'Aube et Babelio qui m'ont permis de découvrir ce roman.
Le père d'Hannah est une gueule noire, un mineur de fond, un arabe arraché au Maroc pour venir dans le Nord de la France comme les Italiens des Portugais, les Polonais… Avec sa nombreuse famille il vit dans un baraquement sans confort et pour cette fillette la venue du marchand de glace est une petite joie furtive. Puis ce père prend de l'importance, lui qui était chef de village au pays devient ici quasiment imam grâce à sa connaissance du Coran, flirte avec le radicalisme religieux, déménage de son baraquement provisoire dans un vraie maison de coron. Plus tard, il prendra la tête de la contestation syndicale grâce à sa connaissance du français. Avec cette petite fille qui grandit, découvre en les enviant la peau blanche des filles et leur cheveux d'or, le lecteur navigue entre l'enfance magique, l'adolescence difficile sous l'oeil d'un père de plus en plus lointain et la transparence de la mère, l'âge adulte, toute une transformation dans le corps et dans l'esprit de cette jeune fille entre deux mondes qui s'opposent et la guerre qui gronde, loin, deux pays, deux cultures, avec télévision et réseaux sociaux, tradition et modernité d'une société qui change vite et des parents qui ne suivent pas forcément. Elle découvre la lecture, la philosophie, les réponses à ses questions … Dans ce contexte de vie, la littérature c'est Zola et Germinal. Les études supérieures sont pour elle une libération autant qu'une révélation de la différence entre les gens mais elle reste pauvre, une fille d'ouvrier, immigrée de surcroît. Ainsi, elle voit bien l'envers de la scène où tout se déroule que les valeurs proclamées qui caractérisent la France ne sont souvent qu'un décor, que l'ascenseur social dont on parle tant ne fonctionne pas forcément, que les dés sont souvent pipés. Elle sera pourtant professeur de Français.
C'est un témoignage qui nous rappelle, et ce n'est sans doute pas inutile, que la France est, depuis toujours, un pays d'immigration, un creuset qui accueille tous ceux qui veulent y venir pour participer à sa construction et profiter de sa protection sans distinction de race ni de culture. Il faut aussi dire que la France n'a jamais bien accueilli ceux qu'elle a fait venir pour l'enrichir et faire un travail que les nationaux refusaient d'accomplir. Les italiens étaient des Ritals, les Polonais des Polaks, les algériens des bicots qu'elle les a exploités en oubliant souvent les droits qu'elle donnaient aux travailleurs nationaux, alors que dire des Marocains, souvent illettrés qui traditionnellement venaient de contrées anciennement colonisées. le parcours du père est là pour attester cette vérité, il parle du dur travail de la mine, de l'obsession du noir, de la peur de la mort...sauf que lui il parle et lit le français, réagit face aux injustices faites au travailleurs marocains à qui on refuse un statut qu'on accorde aux autres immigrés. Eux pourront rester en France s'ils le désirent mais à ces Marocains on ne propose que des contrats temporaires pas toujours renouvelables, on leur parle de la fermeture des mines et d'une aide dérisoire au retour alors que leur vie est définitivement ici, avec leur famille, après toutes ces années de travail et qu'on compte sur eux, sur leurs mandats réguliers qui font vivre tout un village. La réalité s'impose à lui, ils ont été constamment surveillés par les autorités, ils ont été floués, pressurés, trahis. Face à cette réalité et à cette injustice, il n'y a que la lutte syndicale que Mohamed fait sienne, comme un combat personnel, organise la révolte, se fait le porte-parole de ces travailleurs oubliés jusque devant les caméras de télévision et dans la presse pour donner de la publicité au mouvement. Certes ils sont soutenus par d'autres ouvriers face aux autorités mais ils n'ont plus de salaire, plus rien dans le ventre.
Dans une seconde partie, plus courte que la première, Hannah, professeur de Français n'a pas le même conception de l'école que son ami, également professeur. Ses doutes sont si bien établis et la pression si importante qu'elle devient professeur des écoles et, à l'occasion d'un exercice antiterroriste qu'elle prend trop à coeur, elle se retrouve dans un commissariat avec menottes et garde à vue. Ses origines arabes donnent à penser qu'elle a de l'empathie avec les terroristes. Cela génère un vide en elle, le même qu'a dû connaître son père face aux Houillères. Il a pris la parole face au patronat et à ses règles. Vouloir les transgresser fait naître un vide

J'ai lu ce roman comme une révolte contre les systèmes. Celle de son père d'abord contre les Houllières qui ont fait ces Marocains des esclaves de la mine. Parce qu'il était plus évolué que les autres, Mohamed choisi de s'opposer aux autorités, celle ensuite d'Hannah, professeur de français puis professeur des écoles, contre le système scolaire. Cela se manifeste à propos d'un exercice antiterroriste qu'elle a interprété abusivement à sa manière et qui s'est retourné contre elle. Chacun d'eux fait de ce combat une affaire personnelle. Son père avait eu le courage de prendre la parole, de « demander ses droits à la France » et pour cela a eu avec lui les autres mineurs. Au contraire Hannah, parce qu'elle n'a pas eu le courage de prendre la parole, est bien seule, son ami la quitte face aux attentats terroristes et son attitude au regard des obligations de le Fonction Publique, son devoir d'obéissance, de réserve, la fait arrêter et elle se retrouve au commissariat. L'officier de police qui est chargé de l'interroger semble même éprouver de l'empathie pour elle, mais choisit quand même de faire son métier sans états d'âme. Il y a pourtant une différence entre le père et la fille même si elle pense de bonne foi marcher sur ses traces. Hannah est une intellectuelle et à ce titre sa référence ce sont les livres qui, selon son propre aveu, dénaturent le vrai sens de la vie et correspondent à un danger dans la mesure où ils déforment la réalité. Mohamed au contraire était un simple ouvrier et avait pris son quotidien de labeur à bras le corps et avait décidé de réagir. Sa révolte me paraît de bon aloi, légitime, même si elle est par avance vouée à l'échec, à moins que l'État ne la pousse dehors. de ces deux moments, si j'ai adhéré au combat pour la dignité et pour les droits de Mohamed, j'ai, en revanche eu un peu de mal à suivre Hannah dans son combat personnel contre l'institution qui l'employait simplement parce qu'elle ne correspondait pas à ses vues. Les attentats ont été un traumatisme, la société a perdu ses boussoles traditionnelles, les religions ne remplissent plus leur rôle apaisant. Les propos d'Hannah sont à la fois désabusés face au spectacle du monde et pleins d'admiration pour son père, cet homme qui pourtant va mourir.

La lecture n'en est pas facilitée par l'alternance des propos, des remarques et des souvenirs du père et de ceux de sa fille. Ce que je retiens c'est la lutte de cet homme menée contre les autorités, leur duplicité et leur trahison au dépend de petites gens qui vont mourir d'avoir tant travaillé. C'est une habitude au pays des droits de l'homme, celui des Lumières, d'agir ainsi, comme on sacrifia les harkis après la guerre d'Algérie.




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Un très roman magistral sur un pan de l'histoire assez méconnu ou en tout cas peu évoqué.
@samira_elayachi nous raconte ici l'histoire des mineurs marocains qu'on a plébiscité lorsqu'on a eu besoin d'eux et bien remerciés de rentrer chez eux quand ce n'était plus le cas.
Le côté chronique social m'a beaucoup plu, ainsi que le côté historique de l'histoire. J'ai été moins fan de la partie sur Hannah. J'aurais préféré seulement la partie sur l'histoire de son père.
Un roman poignant, plutôt bien écrit.
Je l'ai vu beaucoup passé sur les réseaux à sa sortie avec plutôt des critiques positives. Je dois dire que je comprends bien pourquoi. C'est une histoire inédite et intéressante.
N'hésitez pas à vous laisser embarquer.
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