Dans un monde idéal, les adultes sont des êtres responsables qui parviennent à surmonter leur chagrin. Dans un monde idéal, les parents sont à l'écoute de leurs enfants, savent deviner et consoler leur peine, savent s'effacer lorsqu'ils quittent le nid pour construire leur propre famille. Dans un monde idéal, les jeunes handicapés s'insèrent dans la société et sont considérés comme des personnes à part entière. Oui, dans un monde idéal…
Mais pour Mati, ce monde est totalement étranger à celui qui l'entoure. Son père, Nicolas, dévasté par la perte de sa femme et emmuré dans la douleur, délaisse sa fille unique qu'il chérissait de toutes ses forces. Quand à sa grand-mère, Eliane, elle ne parvient pas à rassurer sa petite-fille, malgré la tendresse dont elle fait preuve. Il n'y a plus de couleur, d'arc-en-ciel ni de gaîté dans les rêves de Mati. Son unique mantra, qu'elle se répète encore et toujours, égrène le souhait que tout redevienne comme avant. Sa maison, auparavant si pleine de rire et de joie, n'est plus que mausolée, terne et froid.
Il n'y a qu'à l'école où Mati retrouve un peu de légèreté. Pas avec ses amis, non. Car d'ami, Mati n'en a pas. Mais plutôt auprès de sa maîtresse, Magali. Jeune et à l'écoute, elle perçoit le mal-être qui ronge sa petite élève. A force de chaleur et de gestes tendres, elle arrive à faire fondre la gangue de douleur qui enserre le coeur de Mati. Alors Mati se confie, laisse libre court à ses émotions, lâche des torrents de larmes dans les bras de la jeune institutrice. Mais la petite fille doit aussi apprendre à soulager sa peine lorsqu'elle se retrouve seule, le soir. Et même pour cela, Magali a une idée lumineuse. Ecrire … Alors, c'est décidé, Mati écrira des lettres pour sa maman. Autant de lettres qui, espère-t-elle, parviendront au Chemin Doux du Pays Blanc. Autant de lettres qui, l'ignore-t-elle, s'envoleront vers un ange gardien.
Dans
Une bonne intention,
Solène Bakowski montre qu'elle excelle dans la maîtrise psychologique de ses personnages. le lecteur ne cesse de naviguer entre empathie et antipathie, bienveillance et hostilité. Cet éternel mouvement de balancier démontre à quel point l'histoire est cohérente, logique, implacable. Il en va de même pour la structure même de l'histoire. Découpée en trois parties distinctes mais finement imbriquées, l'intrigue ne laisse que peu de répit au lecteur.
La première possède tous les ingrédients du thriller - décès brutal, père à la personnalité trouble, disparition de la petite fille, famille décimée - et plante un décor glauque, lugubre, malsain.
Solène Bakowski est-elle vraiment pétrie de bonnes intentions pour vouloir ainsi jouer avec les nerfs de ses lecteurs?
La deuxième partie, quant à elle, a une toute autre couleur. Emplie de poésie, d'innocence et d'imaginaire, elle évoque la communion entre deux âmes propulsées dans un monde qui n'est pas fait pour elles. le lecteur reprend son souffle, se surprend à sourire et à reprendre espoir.
Mais c'est sans compter sur la troisième partie, diaboliquement intitulée "Tout cela devait nous mener ici et maintenant". Car le lecteur, impuissant, doit se soumettre et assiste à la chute inéluctable de chaque personnage dans un précipice à la noirceur abyssale.
Tout au long de ma lecture, l'envie de tourner les pages du livre de m'a pas lâchée.
Solène Bakowski a réussi à susciter un grand panel d'émotions et à laisser sa lectrice, pantoise et perplexe. Certes, l'enfer est pavé de bonnes intentions mais comment tant de noirceur peut-elle jaillir d'une écriture si lumineuse?