Un petite excursion dans le monde de la chanson française, et une chronique suite à la relecture de ce livre acheté lors de sa sortie en 2014.
Au delà des figures tutélaires que sont pour moi, d'abord
Trenet, puis la triade mythique Brassens-Brel-Ferré, et l'unique Barbara, il y a dans mon panthéon de la chanson, aux premières places, Nougaro, Gainsbourg et
Aznavour.
Nougaro, si cher à mon coeur, dont j'ai quasiment tous les disques, d'abord vinyles puis CD, et que j'ai vu et écouté en concert à plusieurs reprises, notamment dans cette période merveilleuse où il tournait avec Eddy Louiss et
Maurice Vander.
Nougaro, dont j'aime tant la poésie, l'approche complexe faite de noirceur déchirante et « d'espérance en l'homme » titre de l'une de ses dernières
chansons, parue dans l'album posthume La note Bleue.
Laurent Balandras qui fut producteur pour Universal Music, puis a créé en 2007 sa propre maison d'édition, est l'auteur de livres passionnants consacrés à Mouloudji,
Coluche, Gainsbourg (dont un dédié à l'histoire de la Marseillaise du grand Serge), un livre très méchant sur
Pascal Sevran, etc… et donc plusieurs dédiés à Nougaro.
Et dans celui-ci, on y retrouve, par ordre chronologique, les circonstances de création de 400
chansons.
Ce qui fait la qualité, à mon avis, de cette anthologie, c'est qu'elle ne se limite pas à l'anecdote croustillante, telles que peuvent le faire certaines biographies.
On y découvre, au delà de la passion connue de Nougaro pour le jazz, les musiques brésilienne et africaine, ses influences littéraires, de
Jacques Audiberti rencontré par le tout jeune Claude à Paris et qui fut en quelque sorte son père spirituel, lui conseillant de suivre le chemin de la chanson qui semblait pour lui le moyen nouveau de renouveler la poésie. Mais aussi les grands poètes du 19ème siècle, en premier de tout
Baudelaire.
Aussi le refus de l'engagement ou de la récupération politiques, par exemple après le succès de Bidonville ou de Paris Mai. En cela proche de Brassens ou de Brel.
Ce qui est passionnant, c'est que le livre nous fait découvrir le chemin si difficile qu'a du parcourir
Claude Nougaro pour parvenir au succès, comme tant d'autres, Brassens, Brel, Gainsbourg,
Aznavour. Et une liste d'échecs ou de demi succès de 1954 à 1962.
Et dans ce chemin, les amis, certains qui deviendront célèbres tel
Michel Legrand, les vedettes bienveillantes et protectrices,
Marcel Amont, Henri Salvador, qui préfacera son premier 45 tours, ou même
Boris Vian et
Edith Piaf, qui mourra avant que la collaboration puisse se concrétiser. Et puis celles avec qui la collaboration sera moins facile, et dont je tairai le nom.
Le livre donne un éclairage précieux sur des
chansons peu connues créées entre 1954 et l'éclosion de la notoriété, qui n'arrive vraiment qu'en 1962, avec des titres comme le Jazz et la Java, Une petite fille, Les Don Juans…
A partir de 1962, l'auteur nous cite, presque pour chaque année, un nouveau bouquet de
chansons restées si célèbres, comme la mythique chanson Toulouse de 1967. de celle-ci ci, on apprend que le producteur de l'époque n'en voulait pas, surtout parce qu'il pensait qu'une ville de province ne méritait pas un tel honneur, réaction parisienne typique. Mais la suite prouvera qu'il s'était bien trompé, (comme ce fut le cas pour beaucoup de succès d'autres artistes, et dans tous les domaines).
Le livre de
Laurent Balandras tient à la fois de l'album de souvenirs, fait de tant de collaborations fructueuses avec tant d'artistes, de tant rencontres humaines (ainsi pour ne citer que celle-là, l'hébergement, durant la création des
chansons de l'album Nougayork, de
Claude Nougaro et sa compagne Hélène dans l'appartement de la charismatique
Sue Mingus, la veuve du génial contrebassiste et compositeur
Charles Mingus), mais aussi nous donne un éclairage sur le processus créatif, les doutes du chanteur.
En conclusion, un livre original, qui fera, bien entendu, les délices de celles et ceux qui aiment Nougaro, et les aidera à mieux cerner la personnalité riche et complexe de cette grande figure de la chanson française, mais dont je rêve qu'il puisse, pour les autres, être une invitation à le découvrir.