À mon sens, un des plus beaux hommages rendus à l'oeuvre de
Gilles Deleuze. D'abord, parce que c'est un véritable « acte de création », habité par la présence fantasmée du philosophe, représenté ici tel un spectre beckettien s'entretenant avec un nocher (« cher passeur ») le conduisant vers le rivage des morts, personnage conceptuel dont le maître ouvrage serait
Différence et Répétition. La BD elle-même repose sur la répétition (de planches, de
dialogues) accompagnée de légers déphasages (un peu comme dans la musique dite minimaliste :
Steve Reich...) et se prête ainsi à de nombreuses relectures, à une forme de contemplation visuelle induite par ces lectures répétées (ce que l'on peut comparer à la lecture et à la mémorisation d'un poème, dont on s'imprègne de la musicalité, du rythme - jusqu'à le faire sien). Ensuite, parce qu'avec les moyens narratifs et graphiques propres à la bande dessinée, la problématique de la mort et de la fin dans l'oeuvre de
G. Deleuze est interrogée ici, sans pathos mystique - comme si le trait et l'économie de couleurs supportaient un ultime souffle argumentatif, à la fois ténu et rauque.
Il y a un second tome, Les Aventures de l'Incroyable Orphée, plus farfelu, intéressant.