AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,05

sur 143 notes
5
8 avis
4
6 avis
3
0 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pourfendeur de nuages/Cloudsplitter
Russell Banks
roman : 1998
traduit de l'américain par Pierre Furlan
Actes Sud, 1998, 772 p


le pourfendeur de nuages, c'est le mont Tahawus, à North Elba, dans le splendide paysage des Adirondacks. Ce mont est indissociablement lié à John Brown, militant antiesclavagiste, puis terroriste et martyr. Il faut dire que son militantisme confine à l'obsession, et qu'il prime sa vie de famille. le pourfendeur de nuages métaphorique, c'est le fils qui tente de rétablir la vérité au sujet de son père (1800-1859).
Fin XIX°, début XX°, il passe pour un grand homme, l'illustre Osawatomie Brown, mais les louangeurs, les historiens, les biographes, le connaissent-ils vraiment ? Se pose aussi la question de savoir si cet homme était fou. C'est son troisième fils qui, reclus dans une cabane en Californie et ressassant ce qui l'a amené là, , va le faire connaître par une longue lettre, une confession, un récit intérieur, intime, et ne cachant rien, destinée à l'assistante d'un grand historien. C'est par les yeux du fils, sorte d'Isaac, victime donc, que sera dépeint le père, Abraham qui obéit inconditionnellement à Dieu.
L'action se passe entre les années 30 et 55 du XIX° aux Etats-Unis, dans l'Iowa, l'Ohio, la Virginie, le Kansas, le Missouri. John Brown a été élevé dans la religion chrétienne et dans le refus absolu de l'esclavage nègre, car comment peut-on se sentir humain quand d'autres hommes sont asservis par des hommes ? Il s'élève aussi contre le préjugé de race. D'une première femme, il a 4 garçons et une fille, et d'une seconde épouse, il a beaucoup d'enfants dont beaucoup mourront à la naissance ou dans un très jeune âge. Il veut s'enrichir pour nourrir cette très grande famille mais son sens des affaires est plutôt mauvais.
le troisième fils, Owen, souffre terriblement de la mort de sa mère, comme son père avant lui avait souffert de celle de sa mère, et grandit dans l'ombre de son père qui l'écarte. Ainsi ses frères aînés vont à cheval, lui conduit le chariot. Il dirige aussi sa vie. le père veut que ses enfants sachent qui ils sont et pourquoi ils agissent. C'est un fils violemment tiraillé entre son devoir, obéir à son père, et son besoin d'indépendance. C'est aussi un garçon timide à l'égard des femmes. Il ne se mariera pas. Jeune, il se blesse et en garde, faute de soins appropriés, un bras paralysé, qui sera sa punition à vie pour avoir désobéi au Père, mais il est robuste, c'est le grand rouquin, qui de ses frères, préfère Fred, un garçon délicat et différent.
Lors d'un énième déménagement pour fuir les créanciers, destination Etat de New York, Owen rencontre un Noir, Lymann, dont il apprend plus tard qu'il est marié. de façon très trouble, se sentant coupable une fois de plus, il croit s'éprendre de la femme de Lymann pour ne pas s'avouer qu'il aime Lymann et dont il assiste à la mort sans faire quoi que ce soit pour l'aider. La religion fait beaucoup de dégâts chez les fils Brown. le père ne veut pas qu'on goûte au tabac ou à l'alcool, sans voir que la religion est la cause de bien grands désastres, la castration d'un des fils, les problèmes avec la chair d'un autre, l'embrigadement, pour ne pas dire l'asservissement, de ses fils plus jeunes. le père est en communication directe avec Dieu, Owen, qui n'est pas croyant, suit son père comme celui-ci suit Dieu, jusqu'au jour où il se rend compte qu'il peut orienter l'action de son père et l'entraîne ainsi que certains de ses frères dans une guerre contre les esclavagistes, une manière aussi de détourner la violence qu'il porte en lui.
Quel est le véritable mobile de cette guerre, rien de moins que de sauver la nation américaine, car si les Sudistes réussissent à introduire dans l'Ouest l'esclavage, ceux du Nord abandonneront l'Union et se tourneront vers le Canada. le père et Owen jugent les abolitionnistes trop mous, les politiques soucieux de défendre leurs seuls intérêts, et les esclavagistes dignes de mort. Cependant Owen, devant les hommes massacrés, les femmes et les enfants tués, les maisons brûlées, doute : est-ce que la libération de quelques hommes noirs demande autant de sacrifices ?
Dans cette confession, de façon ambivalente, il règle ses comptes avec son père qu'il hait tout autant qu'il l'admire. Certes, le père a du charisme, il est assurément doué pour une éloquence claire et poétique qui lui vient de sa fréquentation de la Bible, il voit vite ce qu'il faut faire, mais il est réticent à agir, son grand oeuvre de fait est le Train souterrain, ces pistes qu'il fait tracer pour permettre aux Noirs fugitifs de se rendre au Canada. Il entraîne ses enfants à la mort, il continue à féconder sa femme qui supporte de plus en plus mal ses grossesses, et surtout il  souffre d'une stupidité de coeur :  quand Fred meurt, que ressent-il ? A cette mort, le père et Owen assistent de loin. le soleil se lève et dans un rayon de lumière, comme si c'était un mirage, ils voient la scène du meurtre. Owen, de son côté, est incapable de s'opposer à son père, et laisse ses frères et ses amis aller au massacre.
Ce roman ample précise les événements qui ont précédé la guerre de Sécession ; il fait voir comment des agriculteurs obstinés cultivent des terres arrachées aux bois et aux montagnes . Il rend compte de la beauté et de l'immensité de la nature sauvage. Même en temps de guerre, Owen prend plaisir à contempler un lever de soleil. Il rencontre un puma. Il regarde avec joie les cultures.
On retrouve les thèmes de l'écrivain progressiste Russell Banks né en 1940, la recherche de la figure paternelle, la description du travail des petites gens, la tragédie. L'auteur s'interroge également sur l'héroïsme. A quel prix devient-on un héros ? Ainsi le récit dépasse son époque: des figures autoritaires et fanatiques, il y en aura toujours, et les mobile d'une guerre ne sont jamais très nets.
L'oeuvre est longue, et il faut entrer dans cette lettre d'un vieil homme, qui est un mort-vivant. Les événements vécus, sa culpabilité, sa position relative à son père, la violence extérieure et la sienne propre, l'ont tué. Une fois qu'on y est entré, le récit est très prenant. On en sent la profondeur et la puissance.
Commenter  J’apprécie          80
Dans ce volumineux roman, Russel Banks s'attaque à celui qui est une légende pour certains, un factieux pour d'autres, John Brown. En tout cas un des premiers abolitionnistes américains, le plus célèbre, et surtout un militant aux méthodes radicales. Pour éviter les écueils d'un récit purement historique, l'auteur décrit l'histoire par le biais d'Owen, son troisième fils, celui qui l'accompagna dans tous ses combats. Et Banks s'attache avant tout à raconter ce qui a précédé les combats qui feront la gloire et la perte de John Brown. Car l'abolitionniste est avant tout cultivateur, tanneur, pasteur et chef d'une grande famille. Et par la voix d'Owen, on comprend que l'homme est complexe : l'homme prône la manière forte, tant dans sa famille que vis-à-vis des états esclavagistes, mais son charisme lui permettra d'être accompagné par cette même famille et des fidèles prêts à donner leur vie pour la cause. Il se lie également avec d'autres militants abolitionnistes qui financeront ses campagnes. Et l'homme justifie son combat et ses actions au nom de Dieu, avec qui il pense être en liaison directe. Avec des critères contemporains, on pourrait dire qu'il est un tyran domestique, un fou de dieu aux méthodes terroristes, car le but est très clair : effrayer les propriétaires d'esclaves pour les faire renoncer. Un combat juste avec des méthodes discutables ? Est-ce vraiment possible ? Même si bien sûr, il est important de remettre les événements dans leur contexte. Un roman (avec quelques longueurs aussi) qui pose de nombreuses questions, sur un homme controversé dont les actions seront une des origines de la guerre de Sécession. le choix de Banks de décrire cet homme dans son intimité, ce rapport domination/admiration/répulsion entre le père et le fils notamment, apporte un éclairage original, complexe et surtout complètement fictionnel ! Car l'homme, bien que célèbre reste bien mystérieux à de nombreux égards. Et rien de mieux qu'un romancier talentueux pour compléter les lacunes du travail des historiens.
Commenter  J’apprécie          60
En choisissant comme narrateur un de ses nombreux fils, ce n'est pas tant John Brown l'abolitionniste en croisade contre les esclavagistes sudistes que nous fait découvrir Russel Banks mais plutôt John Brown, le père, le patriarche autoritaire, dirigiste, énormément pieux et culpabilisateur qui enrôle presque de force sa famille pour accomplir ce qu'il qualifie lui même comme l'"oeuvre de Dieu". Un choix de narration très intéressant.
J''ai d'ailleurs trouvé la fin du roman, (qui raconte les 2 grandes batailles menées par le clan Brown), plus historique, un peu moins intéressante.
Commenter  J’apprécie          60
toute une brique à lire mais il ne faut pas se laisser décourager. Les 50 premières pages m'ont un peu ennuyées. mais on continue et on se laisse prendre par l'histoire des abolitionnistes dans les années 1850 aux USA. le texte est bien documenté et on apprend plein de choses sur l'esclavage. Mais pas une lecture de vacances.
Commenter  J’apprécie          30
J'avais cet imposant roman de Russell Banks dans ma bibliothèque depuis quelques temps déjà, avec une double raison de le lire: son auteur d'abord, Russell Banks, dont j'avais déjà pu apprécier le talent (notamment dans 'Darling' qui m'avait beaucoup plu) et une recommandation de libraire qui considérait cette oeuvre comme un must dans la catégorie littérature américaine contemporaine. Un pavé de 700 pages dans une police minuscule cela impressionne forcément un petit peu, mais j'ai profité des vacances d'été pour me lancer.
Après plusieurs semaines, je ressors de cette lecture un peu groggy: d'une part, j'ai été prise par cette fresque épique; mais d'autre part, j'ai quand même eu des moments de lassitude, notamment après un premier gros tiers. J'ai aimé la description d'une Amérique de la pré guerre de sécession - une Amérique de pionniers, dure et violente, mais aussi entreprenante, travailleuse et au charme sauvage. J'ai aimé la description de cette famille extraordinaire (au sens premier du terme) qui lutte pour l'abolition de l'esclavage jusqu'à en perdre le sens des réalités. J'ai aimé la tentative de décrire un parcours, une destinée, celle de John Brown; héros pour les uns, terroriste pour les autres. J'ai quand même trouvé le tout un peu longuet, voire parfois indigeste. Est-ce dû à une lecture en langue originale qui ne permet pas de saisir aussi bien toutes les subtilités? Ou vaut-il mieux être américain pour comprendre en profondeur les enjeux de cette période et les tribulations de ces abolitionnistes? Un livre que je recommanderais donc, mais sans enthousiasme.
Commenter  J’apprécie          30
C'est un roman qui évoque un page d'histoire peu connue en Europe. Banks nous plonge dans l'atmosphère de cette époque et des outrances de la famille Brown qui milite contre l'esclavage ; je crois que c'est la folie religieuse des Brown que j'ai eu du mal à supporter et qui me laisse un sentiment mitigé sur ce livre qui est tout de même excellent !

Ce roman est le long témoignage d'Owen Brown sur sa famille jusqu'à la campagne du Bleeding Kansas et l'attaque de Harpers Ferry.

La famille Brown vit sous la férule de John, le père. C'est un puritain profondément religieux, qui ne vit que par la Bible et dont les actes sont commandés par une fureur religieuse, la même que nous retrouvons de nos jours chez les extrémistes de tout poil et de toute religion. le livre rend tellement bien cette ambiance de préchi-précha qui m'insupporte, que j'ai eu parfois du mal à accrocher.

John Brown n'est pas très doué pour les affaires, fait faillite en Ohio après avoir spéculé sur les terres ; emmène sa nombreuse famille dans le Massachussets puis s'établit sur une ferme dans les Adirondacks, à proximité d'une communauté de « Nègres libres ». En effet, John Brown est profondément abolitionniste, cause à laquelle il consacre toute son énergie, et sa ferme devient vite une étape de l'Underground railroad qui permet aux esclaves fugitifs de rejoindre le Canada.

Le père est bien barré ; le fils n'est pas mal non plus, mais dans un autre genre. Russel Banks sait admirablement nous montrer l'évolution de leur relation, et le père grande gueule mais souvent indécis est parfois dominé et poussé à agir par son fils. Cette évolution est particulièrement visible dans la dernière partie du roman où les Brown se retrouvent au Kansas pour faire basculer ce territoire en faveur de l'abolition. Rapidement, le père et une partie de la famille vont perdre tout mesure et répondre aux provocations en déclenchant un bain de sang à Osawatomie puis dans le Kansas avant de d'attaquer Harpers Ferry, en Virginie, expédition lancée pour libérer les esclaves des Etats du sud.
Lien : http://jimpee.free.fr/index...
Commenter  J’apprécie          20


Lecteurs (515) Voir plus



Quiz Voir plus

Sous le règne de Bone; RUSSEL BANKS

Quel est le nom réel de Bone ?

Bone
Charlie
Chappie

4 questions
52 lecteurs ont répondu
Thème : Sous le règne de Bone de Russell BanksCréer un quiz sur ce livre

{* *}