AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,5

sur 11 notes
5
1 avis
4
1 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un homme libre / Maurice Barrès (1862-1923)
Barrès est né en Lorraine. Entré au collège à l'âge de 11 ans, Barrès souffrit dès cette époque de la solitude face à ce qu'il nomme la méchanceté de ses condisciples avec pour conséquence le développement d'une vie intérieure intense et une ombrageuse fierté, prémisses d'un futur culte du Moi. Gamin trop sensible et trop raisonneur comme il le reconnait dans ses écrits, il est déjà convaincu que le secret des forts est de se contraindre sans répit.
Après des études de droit à Nancy, il part à Paris et rencontre Leconte de Lisle et Victor Hugo. Ses maitres à penser sont alors Taine et Renan, qu'il reniera un peu plus tard.
Sous le titre collectif de « Culte du moi », il publie sa trilogie, en 1888 « Sous l'oeil des barbares », en 1889 « Un homme libre », et en 1891 « le jardin de Bérénice ». Barrès veut alors assurer la culture de son âme selon des idéaux personnels où la seule valeur indiscutable et immédiatement perceptible est le Moi. Un Moi qu'il faut défendre chaque jour avec effort contre les Barbares, les autres de fait.
Grand lecteur de Dante et de Pascal, il voit dans la solitude ou dans l'intimité intellectuelle, avec Simon par exemple dans « Un homme libre », la seule solution afin de connaître le bonheur dans l'exaltation et l'analyse. Barrès prône une hygiène de l'âme par l'ascèse dans l'intensité de la réflexion et un choix personnel des valeurs. Ne point subir est la ligne de conduite essentielle, c'est le salut quand on est pressé par une société anarchique. Une discipline inspirée d'Ignace de Loyola.
Benjamin Constant, Baudelaire et Sainte-Beuve sont alors ses marqueurs, ses intercesseurs comme il dit. le culte du moi est un fameux rêve assurément, qui a pour ambition de saisir la réalité la plus intime de l'individu, constamment exposé aux barbares que sont les autres. L'aboutissement est Dieu ou une espèce d'entité divine qui n'est peut-être rien de plus qu'un Moi élargi à l'infini.
Plus tard, c'est la voix du pays natal qui l'appelle, celle de la Lorraine, pour parvenir à son développement. du culte du moi Barrès passe au nationalisme sans qu'il y ait rupture mais seulement approfondissement. Il enracine l'individu dans la terre où il est né. Désormais, il retrouvera en son âme toute sa patrie et dans la patrie une personne. Pour lui, tout homme est l'addition de sa race.
Pour revenir au texte, l'entame est assez édifiante quant au cas que fait Barrès du jugement des autres : « Ceux qui ne connurent jamais l'ivresse de déplaire ne peuvent imaginer les divines satisfactions de ma vingt - cinquième année : j'ai scandalisé. Des gens se mettaient à cause de mes livres en fureur. Leur sottise me crevait de bonheur . »
Plus loin, Barrès explique son but : « J'écrivais pour mettre de l'ordre en moi - même et pour me délivrer, car on ne pense, ce qui s'appelle penser, que la plume à la main . »
Pour lui, le fier et vif sentiment du moi que décrit un homme libre est un instant nécessaire : « Un moi qui ne subit pas , voilà le héros de notre petit livre . Ne point subir ! C'est le salut , quand nous sommes pressés par une société anarchique , où la multitude des doctrines ne laisse plus aucune discipline et quand , par - dessus nos frontières , les flots puissants de l'étranger viennent , sur les champs paternels , nous étourdir et nous entraîner . »
Barrès souhaite que l'éducation ne soit pas départie aux enfants sans égard pour leur individualité et leur sensibilité propres, car le Français est individualiste, c'est un fait certain.
Puis Barrès précise : « Je ne touche pas à l'énigme du commencement des choses , ni à la douloureuse énigme de la fin de toutes choses . Je me cramponne à ma courte solidité . Je me place dans une collectivité un peu plus longue que mon individu ; je m'invente une destination un peu plus raisonnable que ma chétive carrière . à force d'humiliations , ma pensée , d'abord si fière d'être libre , arrive à constater sa dépendance de cette terre et de ces morts qui , bien avant que je naquisse , l'ont commandée jusque dans ses nuances . . . Chercher continuellement la paix et le bonheur , avec la conviction qu'on ne les trouvera jamais , c'est toute la solution que je propose … Il faut mettre sa félicité dans les expériences qu'on institue , et non dans les résultats qu'elles semblent promettre . Amusons - nous aux moyens , sans souci du but . »
le séjour à Jersey avec Simon est un moment essentiel du livre, Simon alors une âme soeur : « Nous avions en commun des préjugés , un vocabulaire et des dédains. » Et aussi une certaine mélancolie, et les appétits du mélancolique prenant plutôt le caractère de la passion que celui du besoin. « Nous anoblissons si bien chacun de nos besoins que le but devient secondaire ; c'est dans notre appétit même que nous nous complaisons , et il devient une ardeur sans objet , car rien ne saurait le satisfaire… Ainsi sommes - nous essentiellement des idéalistes … Silencieux et retirés , d'après un plan méthodique , nous avons passé en revue nos péchés , nos manques d'amour …Je suis obsédé de la laideur qu'a prise mon âme au contact des hommes … La vie est insupportable à qui n'a pas à toute heure sous la main un enthousiasme . »
le premier principe pour Simon et Barrès veut qu'ils ne soient jamais si heureux que dans l'exaltation, et ce qui augmente beaucoup le plaisir de l'exaltation, c'est de l'analyser.
Glorifier le Moi, tout est là, s'aimer infiniment, s'embrasser pour embrasser les choses « en commençant par connaître les forces et les faiblesses de notre esprit et de notre corps. »
le séjour en Lorraine ne peut manquer de faire référence à Jeanne d'Arc qui demeure à tout jamais celle qui protège.
Plus tard c'est vers Venise la douce que Barrès seul va pour consoler ses chagrins et relever son jugement sur lui-même : « Venise , me disais - je , fut bâtie sur les lagunes par un groupe d'hommes jaloux de leur indépendance ; cette fierté d'être libre . »
Enfin c'est à Paris que Barrès renonce à la solitude dans les bras d'une maîtresse tout en écrivant : « Je vais jusqu'à penser que ce serait un bon système de vie de n'avoir pas de domicile , d'habiter n'importe où dans le monde . Un chez moi est comme un prolongement du passé ; les émotions d'hier le tapissent . Mais , coupant sans cesse derrière moi , je veux que chaque matin la vie m'apparaisse neuve , et que toutes choses me soient un début . »
Barrès n'avait que 25 ans lorsqu'il écrivit ce tome II du « Culte du Moi » et l'écriture savante et sobre de ces lignes est à noter : pas de délires lyriques ni d'envolées poétiques, pas de colère pour exposer sa philosophie de la vie face aux barbares. Juste une forme d'ironie parfois bien que l'auteur s'en défendît, pour accompagner des réflexions d'un niveau élevé.

Commenter  J’apprécie          20
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (36) Voir plus



Quiz Voir plus

1 classique = 1 auteur (XIX° siècle)

La Chartreuse de Parme

Stendhal
Alfred de Vigny
Honoré de Balzac

21 questions
566 lecteurs ont répondu
Thèmes : classique , classique 19ème siècle , 19ème siècleCréer un quiz sur ce livre

{* *}