Comme beaucoup probablement, ma première rencontre avec
Peter Pan s'est faite en regardant le dessin animé de
Walt Disney (eh non, je n'ai jamais eu la chance, enfant, de le voir apparaître à ma fenêtre, je crois que j'ai toujours été trop rationnelle et terre à terre pour que
Peter Pan vienne me voir dans la vraie vie...). C'est bien plus tard que j'ai appris l'existence du livre, et encore bien plus tard que je le lis enfin. Et c'est une lecture d'extraits du [Petit Oiseau blanc]sur France Culture qui m'a décidée à sauter le pas. le Petit Oiseau blanc est un autre texte de James Barrie, qui présente beaucoup de similitudes avec
Peter Pan dans son exploration de l'enfance et de la relation qu'un adulte peut entretenir avec un enfant, comme si ce texte de 1902 était comme un galop d'essai pour
Peter Pan qui sera publié en 1928, même s'il est beaucoup plus qu'un galop d'essai et que, pourtant moins connu, il m'a je crois plus touchée que
Peter Pan.
Peter Pan, donc, est une oeuvre riche, qui se contredit même parfois, ce qui permet d'en proposer des interprétations toujours renouvelées. Pas la peine de résumer l'histoire, elle est connue, et étrangement
Walt Disney lui est resté bien plus fidèle que ce qu'il a fait pour d'autres oeuvres. Je trouvais
Peter Pan assez égoïste chez Disney, il est plus que cela dans le livre. Egoïste, oui, prétentieux aussi, incapable d'accepter une contrariété ou même une idée différente de la sienne, petit chefaillon qui ne pense qu'à son propre plaisir… En somme la description de beaucoup d'enfants qui sans s'en rendent compte jouent au tyran. Et c'est là que le roman de Barrie est un joli portrait de l'enfance, car il en dit le merveilleux (chacun a son île à lui, avec sa géographie propre), les rêves que rien ne vient contrecarrer, mais il en dit aussi tous les travers. Et
Peter Pan, cet enfant qui ne veut pas grandir, c'est aussi celui qui ne veut pas renoncer à sa toute puissance imaginaire ni à ses fantasmes de grandeur, c'est celui qui ne veut pas apprendre à vivre en société, à se comporter en fonction de lui-même et aussi des autres, et c'est peut-être une des choses que James Barrie montre en creux, de façon consciente ou non, que l'éducation d'un enfant (et le faire grandir), c'est avant tout en faire un personnage social.
Et bien sûr, à côté de
Peter Pan, il y a Wendy. Ah Wendy… Je l'ai toujours détestée celle-là. Dans le dessin animé, mais peut-être encore plus dans le livre. Son petit côté « je joue à la maman parfaite » m'a toujours horripilé. Je sais, c'est d'époque, et je reproche au personnage de Wendy de ne pas ressembler à un idéal féminin un peu plus moderne, mais tout de même ! Pour être honnête, je dois préciser qu'il y a bien tout de même quelques piques dans la façon dont les relations entre Mr et Mrs Darling sont décrites qui rachètent un peu ce tableau très sexiste : la façon dont Mr Darling a obtenu la main de sa femme par exemple, ou bien la différence à plusieurs reprises entre ce que dit un personnage et ce que comprend Mr Darling (qui n'est pas loin parfois d'être aussi dépendant du regard des autres que
Peter Pan l'est lui-même).
Et puis il y a aussi quelques excentricités que j'ai du mal à faire rentrer dans le tableau général, comme la nounou chien (je pensais que c'était une invention de Disney, mais non!) et quelques autres. Comme si la frontière entre le Londres réel et le Pays imaginaire n'était finalement peut-être pas aussi étanche qu'on pourrait le croire à l'âge adulte.
Un livre qui se lit facilement, qui fait sourire, et qui est bien plus que le livre pour enfants que l'on veut nous faire croire. Une belle évocation de l'enfance, avec toute son exubérance et toutes ses contradictions. Je suis contente de l'avoir enfin lu, et je me dis qu'il serait dommage de s'arrêter là dans la découverte de l'oeuvre de James Barrie.