De tous les sentiments que pouvait éprouver Henri II en devenant roi en l547, il n'y en avait aucun d'aussi profond et d'aussi vivace que sa haine contre Charles-Quint. La mémoire des dures heures passées dans les cachots espagnols avait laissé dans son cœur un souvenir ineffaçable. « Quant à l'empereur, disait l'ambassadeur vénitien, le roi le hait et montre hautement sa haine ; il lui souhaite tout le mal qu'on peut désirer au plus mortel de ses ennemis : cette maladie est si profonde que la mort seule ou la ruine totale de son ennemi pourra le guérir ! »
Le jeune roi qui prenait la direction du royaume n'était pas un bien brillant garçon. Petit, affreusement maigre, doué d'une tête énorme où l'on remarquait — ainsi que cela se voit sur la curieuse terre cuite de Pollajuolo, au musée de Florence, ou sur une miniature d'un manuscrit de la Bibliothèque nationale — de grands yeux à fleur de tète, un nez saillant, très gros, une bouche commune, de grosses lèvres, dont l'inférieure pendait, le menton court orné d'une barbe rare et rousse; il était laid. Le Vénitien Zacharie Contarini le déclarait « mal fait»; on l'eût jugé, à le voir, un être médiocre et impulsif. Physiquement, c'était un dégénéré. Il avait des goûts bizarres : il se couvrait de parfums d'une violence intolérable ; il aimait charger ses doigts de bagues innombrables ; il était muet ou parlait peu. On le voyait en proie à des mouvements nerveux saccadés qui se révèlent par sa signature toujours tourmentée. En somme il était mal venu. On a invoqué, pour parler de son intelligence, ses lettres, qui ont été publiées ; mais ses lettres sont l'œuvre de secrétaires ; on a fait valoir la façon dont il traitait les affaires, directement, avec les envoyés des puissances ; mais ces envoyés disent qu'il ne traitait d'affaires avec personne et qu'il adressait les gens à quelque membre de son conseil.