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Après avoir démontré pourquoi Oedipe n'a peut-être pas tué Laïos, pourquoi Claudius n'est peut-être pas l'assassin du père de Hamlet ni le docteur Sheppard celui de Roger Ackroyd, Pierre Bayard - psychanaliste et fondateur de la critique policière - se penche sur l'aventure la plus célèbre de Sherlock Holmes.

Il suffit de lire le Chien des Baskerville d'un oeil un peu attentif - comme je l'ai fait juste avant d'ouvrir ce livre-là - pour réaliser que la narration est truffée d'invraisemblances et de conclusions approximatives. Si Pierre Bayard les relève dans le détail, ce n'est pas pour en conclure que Conan Doyle a cafouillé dans son scénario et aurait mieux fait de porter un peu plus d'attention à ce qu'il écrivait au lieu de rêver à ses projets de romans historiques. Non. Il va beaucoup plus loin que ça, et sur des voies bien plus intéressantes.

D'une part, il prend en considération le contexte d'écriture du Chien des Baskerville, premier texte à faire réapparaitre Holmes après sa disparition dans les chutes de Reichenbach, et la relation complexe, tissée de haine et de dépendance, que l'écrivain entretenait alors avec sa créature. Il prend en considération, surtout, le statut ambigu du personnage mythique, qui par son poids dans l'imaginaire collectif finit par brouiller les frontières entre fiction et réalité, jusqu'à échapper au contrôle de son créateur et acquérir une forme de vie propre, quasi autonome. de cette dépossession de l'auteur part justement le principe de la critique policière, qui « vise à tenter d'être plus rigoureux que les détectives de la littérature et les écrivains, et à élaborer des solutions plus satisfaisantes pour l'esprit » (p. 61)

Partant de là, Pierre Bayard reprend l'enquête dans le détail, jusqu'à faire apparaître l'existence dans le roman d'un autre assassin, bien plus retors, à côté duquel Sherlock Holmes passe totalement à côté. Un assassin qui aurait commis ses meurtres à l'insu de l'auteur lui-même... ou depuis les profondeurs de son subconscient.

La psychanalyse - ou art de projeter ses propres fantasmes sur le cerveau des autres - est loin d'être ma tasse de thé, et les analyses de cet ordre que propose l'auteur pour expliquer l'anéantissement de Sherlock Holmes dans le roman ne me convainquent qu'à-demi. En revanche, ne pourrait-on pas imaginer que Conan Doyle, obligé de faire renaître ce personnage qu'il en est venu à haïr, ait très volontairement pris sa revanche en concevant ce scénario qui, en apparence, donne satisfaction aux lecteurs et au personnage lui-même, mais ridiculise ce dernier aux yeux d'un lecteur plus pointilleux - ou tout au moins de lui-même ?

Comme Sherlock Holmes, son entourage et le lecteur lui-même, projettent leur imaginaire personnel sur l'oeuvre jusqu'à se convaincre de l'existence du meurtrier au chien, le psychanalyste projette sa propre subjectivité professionnelle sur les intentions de l'auteur, jusqu'à voir irruption du subconscient où il n'y a peut-être que volonté de mystification.
Si cette dernière hypothèse conviendrait mieux à ma propre subjectivité, nul doute que l'ouvrage de Pierre Bayard ouvre sur l'oeuvre - et la littérature en général - des portes passionnantes.
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Le chien des Baskerville est une des créatures les plus célèbres de la littérature policière. Sherlock Holmes, dans une de ses plus célèbres enquêtes, parvient à dénouer le mystère de cette bête légendaire de la lande de Dartmoor. Mais Pierre Bayard n'est pas convaincu par la démonstration du détective. Il reprend donc les éléments de l'enquête, ceux de la vie de Holmes et de l'oeuvre de Conan Doyle pour signer un ouvrage stimulant sur la réflexion littéraire et la littérature policière.

Dès l'entame de l'ouvrage, la thèse de Pierre Bayard est claire : Sherlock Holmes s'est trompé dans son enquête sur la mort de Charles Baskerville, et le coupable désigné n'est pas le bon. Il reprend donc l'ensemble des éléments du roman pour appuyer son raisonnement. Après un résumé détaillé de l'intrigue, il s'applique à décrire les méthodes utilisées par le détective. Pour Bayard, deux éléments sont au coeur de cette méthode, l'observation et la déduction.

Néanmoins, la rigueur scientifique qui entoure les actes et les réflexions de Holmes est remise en cause. Pierre Bayard fouille dans les nombreuses autres enquêtes de Sherlock Holmes pour trouver différentes failles. Il recense de nombreuses aventures où Holmes soit s'est trompé, soit n'a pas résolu l'énigme qui s'offrait à lui. de ce fait, pourquoi ne pas imaginer que pour cette affaire de chien maléfique, Holmes s'est fourvoyé ?
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Bayard repère dans le livre de Conan Doyle des indices que son propre héros n'aurait pas vu (l'auteur nous apprend que le livre fut écrit en 1902, sous la pression et que SACD voulait n'utiliser que le personnage de Watson). Ensuite, tout naturellement, il nous oriente vers un autre coupable.

Pierre Bayard chicane sur les détails, ruse, se faufile dans les interstices du texte - la littérature est « un univers troué » -, met à nu la mécanique romanesque de Conan Doyle, lutte au flair avec Sherlock Holmes, met peu à peu en doute la fiabilité du narrateur et sur la culpabilité du chien (pourquoi a-t-il poursuivit Baskerville sur le côté et non derrière? Pourquoi n'a-t-il pas touché au cadavre?).

Sa démonstration ne requiert pas la lecture préalable du roman, mais aussi haletante et implacable.

Au final, à vous de voir si vous suivez l'auteur dans son délire, dans son interprétation du plus célèbre roman de Conan Doyle, celui qu'il a écrit pour l'argent, celui dans lequel il ne voulait pas faire apparaître son détective, qu'il haïssait de tout son coeur...

Moi, je n'adhère pas à la théorie de l'auteur, mais elle avait le mérite d'être soulignée et publiée.
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Après la lecture de cet essai, je me suis sentie plus qu'idiote. Comment en effet passer à côté de tout cela. L'avoir lu en VO n'excuse rien.
Cependant, la lecture en est réjouissante et stimulante, elle oblige à revoir sa manière de lire.
Bien que Pierre Bayard égratigne le mythe "Sherlock", il donne plus de profondeur et de richesse à l'oeuvre. Comment en effet un meurtre a-t-il pu se produire à l'insu de Conan Doyle. Etait-il à ce point en colère contre son personnage qu'il s'est laissé abuser par un autre des personnages ?
Une analyse, qui malgré la complexité des notions se lit sans difficulté majeure.
Un bel ouvrage sur la littérature et ses multiples implications dans la réalité. du moins dans notre réalité.
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Pierre Bayard revisite la plus célèbre des aventures de Sherlock Holmes, en proposant une interprétation totalement différente des éléments de l'enquête. Sa démonstration est construite en quatre volets : 1) un rappel des faits ; 2) une mise en évidence des incohérences de l'enquête officielle ; 3) un essai théorique tentant de prouver l'existence d'un espace intermédiaire situé entre la fiction et le monde réel, lieu de passage où les personnages de fiction peuvent interagir avec les vrais gens et réciproquement, dans cet endroit étrange se déroule un combat mortel entre Sherlock Holmes et Conan Doyle lui-même (si j'ai bien tout compris) ; 4) une nouvelle interprétation du roman et de l'enquête, débouchant sur un autre coupable. Dommage, les digressions psychanalytiques sur la reconstruction des univers fictionnels dans l'imaginaire de chaque lecteur et sur les motivations supposées de Conan Doyle à l'égard de son personnage de roman le plus célèbre encombrent un peu la beauté du raisonnement purement policier, et si l'exercice de style tient sa promesse en fin de parcours, nous devons pour y arriver subir une interminable démonstration sans réel rapport avec l'affaire du Chien des Baskerville.
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Je ne suis pas très féru d'essais sur la littérature, je préfère lire les oeuvres et m'en faire ma propre interprétation plutôt que de me référer à des théories. Pourtant j'ai ouvert un jour un livre de Pierre Bayard, attiré par son titre provocateur : « Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? ». Intrigué et charmé, j'ai lu récemment son dernier essai, titillé cette fois-ci par son titre paradoxal : « le plagiat par anticipation ». Décidé dorénavant à engloutir l'oeuvre de ce professeur de littérature à l'université et psychanalyste, j'ai décidé de m'attaquer à cette « Affaire du chien des Baskerville », non sans avoir préalablement relu l'une plus célèbres aventures de Sherlock Holmes, dont il ne me restait pratiquement aucun souvenir.

Alors que dans les ouvrages que j'ai cités il se référait à de nombreuses oeuvres pour exposer ses théories, dans celui-ci Bayard s'attache principalement au fameux « Chien des Baskerville » de Conan Doyle, dont il se propose de faire la « critique policière » : « de nombreux meurtres racontés par la littérature n'ont pas été commis par ceux que l'on a accusés. En littérature comme dans la vie, les véritables criminels échappent souvent aux enquêteurs et laissent accuser et condamner des personnages de second ordre. Eprise de justice, la critique policière se donne donc comme projet de rétablir la vérité et, à défaut d'arrêter les coupables, de laver la mémoire des innocents. » Ainsi, Sherlock Holmes se serait trompé ? Ce ne serait pas la première fois, comme nous le rappelle Pierre Bayard qui reprend l'enquête, décortique la méthode Holmes, relève les incohérences, repère les maladresses, réinterprète les indices, comble les lacunes pour, au final, disculper le coupable désigné et révéler le véritable meurtrier. le plus beau est que sa démonstration est absolument convaincante.

La démarche peut sembler sacrilège (comment Sherlock Holmes a-t-il pu commettre tant d'erreurs ?), voire surréaliste (comment Conan Doyle lui-même a-t-il pu se tromper ?), mais comme dans les deux ouvrages susnommés, la provocation ou le paradoxe sont pour Bayard le point de départ de réflexions originales sur la littérature, en particulier sur les relations qu'entretiennent les lecteurs avec les oeuvres, les lecteurs avec les personnages, et le créateur avec sa création. Bayard nous rappelle qu'une oeuvre littéraire n'est pas un objet fermé, complet, que chaque lecteur y apporte sa propre vision, remodelant le récit avec sa propre imagination. J'ai particulièrement aimé l'idée de l'autonomie du personnage de fiction, de sa vie propre, en-dehors de l'oeuvre qu'il « habite » (les fans de Jasper Fforde saisiront), pour le lecteur aussi bien que l'auteur. Ainsi de Sherlock Holmes (les preuves de son existence autonome existent : le tollé que provoqua sa disparition et surtout sa maison, à Londres, que chacun peut visiter) et Conan Doyle qui entretinrent des rapports conflictuels, peut-être pas étrangères d'ailleurs à la légèreté du grand détective dans cette affaire du chien des Baskerville.

Bien d'autres idées émaillent l'essai de Pierre Bayard, toutes plus stimulantes les unes que les autres. Sa manière légère et iconoclaste d'aborder les concepts littéraires est réellement plaisante, sans pédanterie. Deux autres oeuvres ont été passées à la moulinette de la « critique policière » de Pierre Bayard : « le meurtre de Roger Ackroyd » et « Hamlet » (!). En attendant, partez à la (re)découverte du « Chien des Baskerville » (un conseil : (re)lisez le livre de Conan Doyle avant). Ludique et passionnant.


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Comme dans ses précédents essais ("Qui a tué Roger Ackroyd ?" et "Enquête sur Hamlet"), il s'agit pour Pierre Bayard de s'adonner à ce qu'il nomme la « critique policière » et donc de proposer une solution alternative à l'énigme policière tout en menant, non sans humour, une réflexion sur la littérature, et ici plus particulièrement sur le personnage littéraire. Selon lui, entre le monde réel et le monde fictionnel, il existerait un monde intermédiaire où se rencontreraient les lecteurs, les auteurs et les personnages. Il explique ainsi la réaction violente des lecteurs des aventures de Sherlock Holmes au moment de la mort du détective dans "Le problème final" : ceux-ci se seraient sentis expulsés du monde intermédiaire. Mais c'est aussi par l'hypothèse de la circulation des personnages entre le monde imaginaire et le monde réel, qu'il explique le désir de Conan Doyle de supprimer Sherlock Holmes : ce dernier aurait quitté le monde de pure fiction pour acquérir une certaine autonomie, persécuter son créateur, et finalement l'empêcher de vivre. Il nomme enfin « complexe de Holmes » la relation passionnelle que certains lecteurs ou auteurs (y compris les critiques littéraires) entretiennent avec les personnages de fiction. Un essai intéressant et plein d'humour.
Lien : http://deambulla.wordpress.c..
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Comment résister à une deuxième lecture de Conan Doyle, plus approfondie, plus fouillée, qui permet de lire entre ses lignes ? Pierre Bayard excelle une nouvelle fois dans cet exercice, scindant son propos en étapes progressives et amenant son lecteur à une révélation pour le moins étonnante.
Une excellente lecture pour qui s'intéresse à cette enquête du célèbre détective et qui permet de la reconsidérer sous un autre angle.
Un détour par les relations entre Doyle et son célèbre personnage permet non seulement de mettre en perspective ce roman par rapport à l'oeuvre de l'écrivain mais aussi de comprendre l'emprise du personnage sur son créateur et les réactions qu'il suscite chez ce dernier.
Pierre Bayard insinue le doute dans l'esprit de son lecteur, l'amenant à s'interroger sur le degré fictionnel d'un texte et la frontière entre réalité et imagination...
Lien : http://bouquinbourg.canalblo..
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