Citations sur La Tête contre les murs (59)
"Arthur Gérane est un de ces garçons abonnés aux fugues, aux coups de têtes et même aux sales coups, un de ces inadaptés qui prennent soit le chemin de l'asile, soit celui de la prison, et n'en sortent que pour y rentrer six mois plus tard [...] ... ses frasques reviennent à intervalles réguliers : fâcheux indice !"
La thérapeutique dans les asiles vaut ce que vaut la rééducation dans les prisons. On boucle, on reboucle. Un point, c'est tout nous ne bénéficiions jamais des découvertes, réservées aux folies de luxe des cliniques privées. Nos maîtres font des conférences et des congrès. Ils font aussi des expériences sur quelques-uns d'entre nous. Ça ne va pas plus loin. Les services sont surchargés. On manque de personnel. On manque d'argent.
On ne peut même plus dans une boîte de nuit classer les gens dans telle ou telle classe sociale, en regardant leurs mains qui sont toutes soignées ou on se référant au débraillé du langage qu'affectent les malfaiteurs de la bourgeoisie et qu'evitent dans la mesure du possible la bourgeoisie des malfaiteurs cette dernière réservant l'argot pour l'intimité, comme les paysans lui réservent le patois .
de plus en plus les modes verbales ou vestimentaires donnent raison au proverbe :c'est une certaine qualité du geste ou de la voix qui sacre maintenant l'élite et distingue la femme qui a de la bonté de celle qui a des bontés, l'homme de bien de l'homme de biens.
La lucidité de Gérane et Heurtevent leur donnait l'impression d'être une autre race et ils l'étaient en effet, comme un fléau est différent d'un autre fléau.
"Moi, fou ? Vous plaisantez ? J'avais mes petites raisons."
Oui, ces petites raisons, qui ont toujours raison de la raison.
Figurez-vous, Gérane, que j'ai fait une découverte : le fou de génie n'existe pas. Erreur populaire, consolation pour les familles, légende entretenue par le complexe d'infériorité de nos collègues. La folie ne fournit aucun état de grâce particulier, n'enrichit pas mais diminue, n'exalte pas mais exacerbe.
Les asiles, proclamait-il encore (dans l'intimité), ont deux tâches à remplir : la guérison de l'aliéné et la protection de la société. La seconde passe avant l'autre, car elle intéresse tout le monde et se réalise facilement.
C'est une certaine qualité du geste ou de la voix qui sacre maintenant l'élite et distingue la femme qui a de la bonté de celle qui a des bontés, l'homme de bien de l'homme de biens.
Déjà l'intérêt se fatiguait, les récriminations repoussaient comme des champignons sur le vieux mycélium de l'habitude.
La tournure des esprits était toutefois plus amère, les sujets plus actuels, les digressions plus loufoques. Que de salive perdue aux caniveaux ! La parole n'est-elle pas avant tout un acte de foi en soi-même, une démonstration de logique ? La liberté périrait si elle ne pérorait. Les directeurs de pénitenciers l'ont bien compris, qui chez eux imposent le silence.