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EAN : 9782369350446
370 pages
Le Passager Clandestin (14/01/2016)
4.21/5   7 notes
Résumé :
« Extra-quoi ? » Le terme « extractivisme » déroute. Il manque d’élégance, exige un effort de prononciation. Pourtant, ce vocable circule de plus en plus, car l’exploitation industrielle de la nature, à laquelle il renvoie, s’intensifie partout sur la planète. La quête sans fin des « ressources naturelles » (70 milliards de tonnes qui doivent être fournies aux chaînes de production et de consommation de marchandises !) repousse toujours plus loin les limites géograp... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Puisque la lecture de cet ouvrage sur l'extractivisme - c'est-à-dire, pour faire court, l'exploitation intensive des ressources naturelles de la planète destinées au commerce - vaut de toute façon le détour, commençons par en lister les plus gros défauts ; ce sera chose faite.

D'abord et avant tout, on est submergé, à la lecture du texte, par les informations, quelles apparaissent sous forme chiffrées ou sous forme de citations, ou encore de véritables listes de projets extractivistes et de combats menés ici et là. L'utilisation des acronymes ne facilite pas non plus la tâche. Attention donc à la surcharge cognitive ! Plus qu'un simple constat écologique, il s'agit là d'un livre qui traite d'économie, de géopolitique, et j'en passe. Avec faits et données à l'appui, au point d'en donner le vertige : par moments s'offraient à moi de vagues réminiscences de mes cours de géographie au lycée, lorsqu'on essayait de me faire apprendre par coeur des tonnes de données chiffrées (et que ça ne passait pas). Donc si vous n'êtes pas spécialement calé dans le sujet, n'essayez pas de tout mémoriser. Ça ne serait d'ailleurs pas utile.

Ce livre est tout à fait abordable pour qui connaît peu le sujet traité, pour peu qu'on soit curieux et un tant soit peu persévérant. D'ailleurs, le but est bien d'alerter les personnes non spécialistes. Anna Bednik est journaliste ET militante. Cet ouvrage se veut donc à la fois une étude sur l'extractivisme ET un pamphlet contre ses ravages. Et on y apprend beaucoup, de l'histoire de l'estrativismo initial, simple commerce issu de produits naturels pratiqué sur les marchés en Amérique du Sud, à l'horreur de l'extractivisme d'aujourd'hui. Car l'extractivisme, c'est bien sûr l'exploitation des pays du Sud par les pays du Nord, via les mines de métaux qui mènent à la déforestation, à la pollution, à la disparition de la biodiversité, de villages et de modes de vie, aux cancers, à l'exploitation des travailleurs, etc., pour le commerce de ces matières premières. C'est aussi l'exploitation des pays d'Amérique du Sud par... eux-mêmes. Rafael Correa, notamment, président de l'Équateur - qui nous était présenté comme une alternative aux politiques néo-libérales dans le documentaire Opération Correa -, en prend un sacré coup dans l'aile. Mais c'est loin d'être le seul.

Je ne peux aborder ici tous les points qu'étudie Anna Bednik, mais les chapitres qui étudient les stratégies de contournement des entreprises et des gouvernements du monde entier pour faire avaler au public, d'une part, que l'extractivisme est non seulement sans danger, mais carrément bon pour nous tous et va créer des emplois, d'autre part pour diviser les opposants, se révèlent particulièrement intéressants. du coup, ça a fait "tilt" dans ma tête lorsque Ségolène Royal a annoncé hier ou avant-hier qu'elle lançait une consultation sur le projet d'aéroport de Nantes : typique des méthodes de division de l'opposition décryptées par Anna Bednik... Par ailleurs, celle-ci nous prouve par A+B que, non seulement l'extraction de gaz de schiste est dangereuse (mais ça, on le savait), que la soi-disant phase d'exploration, à visée scientifique, n'est qu'une phase de préparation soigneusement minutée des entreprises concernées, qui n'envisagent pas une seconde de ne pas poursuivre leurs projets extractivistes, mais aussi que (surprise !!!) l'extractivisme ne crée pas d'emplois. Bizarre, c'est pourtant l'argument qu'on nous assène à longueur de temps...

Avant tout, ce livre est un appel aux changements de comportements. Pas seulement des élites, pas seulement des gouvernements ou des entrepreneurs, mais de chacun, car chacun utilise des produits, notamment dans les pays du Nord (mais pas seulement), issus de l'extractivisme. Mais pour que chacun change de mode de vie, il faut plus que de savoir vaguement - et encore faut-il le savoir - que d'autres personnes voient leurs vies ravagées par l'extraction du lithium. Encore faut-il se sentir directement concerné, ce qui n'est pas gagné tant qu'un projet extractiviste n'a pas vu le jour juste à côté de chez soi. En mettant le doigt sur le vocabulaire qu'on nous assène à longueur de temps -développement, croissance, etc. - ; Anna Bednik nous pose une question fondamentale : qu'est-ce que cette fameuse croissance ? C'est, tout bonnement, continuer à surexploiter les ressources de la planète. C'est consommer toujours plus. Or, c'est de cette spirale infernale de la production et de la consommation qu'il nous faut sortir. Est-ce possible ?

Je n'ai qu'un regret, c'est que cet ouvrage se concentre énormément sur l'extraction des métaux et dezs hydrocarbures. Je suis d'accord avec Anna Bednik sur les ravages du capitalisme, qui a mené à l'extractivisme. Mais je vois l'extractivisme comme une entité bien plus vaste. C'est aussi, à mes yeux, la surexploitation du végétal et de l'animal, dans des conditions infectes. Au détour d'une ou deux phrases, j'ai cru comprendre qu'Anna Bednik ne sentait pas très concernée par l'exploitation des animaux, ce qui me chiffonne quelque peu. Second regret, d'ailleurs : on parle très peu de l'Afrique.

À mon sens, les débuts du capitalisme et de ses ravages remontent à très très longtemps. Pas au XIXème, pas au XVIIIème. Au Néolithique, on a commencé à créer des sociétés inégalitaires, avec pour socle l'exploitation du sol et des animaux, l'accumulation des richesses et leur accaparement par des "élites". Là prend racine l'extractivisme, là prend racine l'hyper-prédation. En lisant le livre d'Anna Bednik, j'ai pensé plus d'une fois à André Leroi-Gourhan qui disait, dans les années soixante, de l'homme du Néolithique : "Son économie reste celle d'un Mammifère hautement prédateur même après le passage à l'agriculture et à l'élevage. A partir de ce point, l'organisme collectif devient prépondérant de manière de plus en plus impérative et l'Homme devient l'instrument d'une ascension techno-économique à laquelle il prête ses idées et ses bras. de la sorte, la société humaine devient la principale consommatrice d'hommes, sous toutes les formes, par la violence ou le travail. L'Homme y gagne d'assurer progressivement une prise de possession du monde naturel qui doit, si l'on projette dans le futur les termes techno-économiques de l'actuel, se terminer par une victoire totale, la dernière poche de pétrole vidée pour cuire la dernière poignée d'herbe mangée avec le dernier rat."
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Pfiou… quelle lecture ! Brillant, intelligent, fouillé, ce livre décrit ce qu'est l'extractivisme, comment il est né et a pu progresser, mais aussi comment les citoyens dans le monde entier se mobilisent pour contrer ces exploitations.

Dernière actualité en date sur l'extractivisme, celle visant la Bolivie :

http://www.reporterre.net/En-Bolivie-la-politique-extractiviste-d-Evo-Morales-suscite-la-contestation

Mais d'abord, qu'est-ce que recouvre ce terme a priori barbare ? L'extractivisme c'est l'exploitation à outrance des ressources naturelles, essentiellement les ressources minières, celles du sous-sol. l'or, le gaz de schiste, le bois, les métaux et bien d'autres choses. Cet extractivisme se caractérise par une dimension industrielle (moyens mécaniques puissants), une spoliation des populations locales, une destruction du milieu naturel (des pollutions dont on n'imagine pas les conséquences…), mais aussi un haut degré de corruption, de violence (conflits armés, menaces, expropriations…). Bref, c'est un pillage en règle de la nature et des populations qui en dépendent, en grande majorité des autochtones des paysans. Mais pas que.

En France le mouvement anti-extractivisme s'est déclenché après le film Gasland et la découverte des permis accordés à des sociétés pour rechercher du gaz de schiste dans plusieurs départements.

Certaines grandes zones géographiques sont évidemment plus touchées que d'autres. C'est le cas de l'Amérique du sud où on se souviendra du combat des populations en 2008 lorsque la présidente de l'Argentine opposa son veto à loi de protection des glaciers pour permettre à la firme canadienne Barrick Gold de récupérer ses permis miniers. le profit de quelques uns avant la ressource en eau potable pour tous…

Exemple tragique de novembre 2015, une gigantesque pollution au Brésil provoquée par la rupture de deux barrages miniers :

http://reporterre.net/Le-Bresil-frappe-par-la-pire-catastrophe-ecologique-de-son-histoire

Anna Bednik décrit les mécanismes politiques et financiers qui sont à la fois les causes et les conséquences de l'extractivisme, et cela fait évidemment froid dans le dos. le propos de l'auteur vise aussi à poser les bases d'une réflexion pour n'importe quel citoyen : on cherche à nous faire avaler que notre seul salut, notre bonheur réside dans une croissance toujours plus accrue, dans une consommation effrénée. Croissance, développement durable (mon oeil, tiens !), sont les mamelles de l'industrie extractiviste,, le mirage qu'on veut nous opposer. Mais que veulent vraiment les citoyens ? A-t-on besoin de changer de voiture tous les 3 ans pour être heureux ? de circuler davantage, de consommer toujours plus de pétrole, de créer encore plus de routes ? pourquoi changer de téléphone portable ou d'ordinateur tous les ans ? Qui se soucie réellement du poids écologique de l'un de ces appareils ?

Bien plus de gens que l'on ne le croit. En effet, la note optimiste de ce livre réside dans les nombreux exemples d'opposition. Une opposition largement citoyenne fondés sur des collectifs, des mouvements. S'informer est essentiel, se regrouper est indispensable. Partager, diffuser et s'opposer. Réunions publiques, manifestations, occupations sont indispensables pour empêcher certains projets, pour montrer aux différents pouvoirs que les populations résistent. Chaque combat ne se termine pas forcément par un happy end, mais les racines de la résistance sont solides, même en France. Un gouvernement ou une société ne peut plus agir dans le secret le plus absolu ou dans l'indifférence générale. le tour du monde d'Anna Bednik à ce sujet est plutôt réconfortant. Mais la mobilisation est générale car les projets se multiplient, et la vigilance est de rigueur. Au moins, grâce à ce livre, serons-nous avertis.

Je tiens enfin à terminer ce long billet par quelques mots sur la couverture. J'ai mis quelques secondes à comprendre ce que la photo représentait. C'est une mine de diamants en Russie, et les toutes petites choses sur la gauche sont des bâtiments ou des hangars. Cela donne une idée de la taille du cratère. C'est simplement monstrueux.

Un grand merci au Passager clandestin et à Babelio pour ce partenariat.
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Livre intéressant, mais livre aussi essentiel. Il est déprimant et pas simple à lire, à cause des très nombreux chiffres donnés par Anna Bednik et qui fatiguent le lecteur. Il demande donc beaucoup de concentration et malgré toute la bonne volonté du monde, on ne peut pas retenir toutes les informations qui nous sont données. Mais le sujet est tellement essentiel qu'on peut peut-être pardonner le texte un peu trop confus et répétitif.
Il s'agit d'étudier l'extractivisme. L'extractivisme, c'est tout simplement la surexploitation de la nature, et il est évident que le remettre en cause, c'est d'actualité parce que c'est, je le redis, nécessaire. Anna Bednik fait l'historique de ce phénomène, présente et dénonce les projets extractivistes en cours partout dans le monde, fait l'état des résistances passées et actuelles. Et elle égratigne beaucoup de monde au passage : les pays du Nord qui exploitent les pays d'Amérique du Sud, le Brésil qui exploite les autres pays d'Amérique du Sud, les gouvernements d'Amérique du Sud "de gauche" qui assassinent leurs propres pays en exploitant et polluant leurs terres et en vendant les matières premières aux pays du Nord. Elle dénonce les projets européens et ce qu'on fait passer pour des énergies vertes, mais qui sont de grosses consommatrices de métaux, la politique du recyclage également consommatrice de métaux et donc cause d'extractivisme. Elle appelle chacun à prendre ses responsabilités, à se poser des questions sur ses véritables besoins. Avons-nous réellement besoin d'un Smartphone pour bien vivre ? Et les Sud-Américains doivent-ils attraper des cancers et voir leurs forêts disparaître parce que nous pensons avoir besoin d'un Smartphone ?
C'est un livre qui appelle à la résistance et à la réflexion. Je n'ai pas fini de me poser des questions sur ce sujet et Anna Bednik m'a donné envie d'aller me renseigner davantage. Une question d'ailleurs s'impose d'elle-même : pourquoi les media ne parlent-ils que très peu des méfaits de l'extractivisme, de ses projets néfastes ? Il serait temps qu'ils fassent un peu leur travail.
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Grâce au masse critique de janvier dernier, il m'a été possible de lire "Extractivisme, Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances" de Anna Bednik.

Les médias nous parlent vaguement "d'exploitation des sols", de "recherche d'une nouvelle source de pétrole" ou encore de "fracture hydraulique". Seulement ces évocations sont souvent floues, parfois on nous annonce une exploitation qui aurait provoqué un bouleversement de l'écosystème local mais les explications s'arrêtent là et se focalisent sur les "indigènes" qui ne veulent pas de la modernité.

Anna Bednik explique l'évolution de la définition d'extractivisme depuis l'apparition du terme dans les pays d'Amérique Latine jusqu'à son utilisation en Occident. Extractivisme, le fait d'extraire de façon croissante les ressources naturelles (hydrocarbures, minéraux, céréales, eau, etc.) pour le marché, les industriels et la croissance économique qui dépendent des ressources naturelles. L'impact sur l'écosystème engendré par l'exploitation des terres est effroyable mais parfois, le lecteur est un peu perdu dans le gigantisme des chiffres annoncés. de plus, un lecteur novice en géopolitique aurait sans doute du mal à poursuivre sa lecture. Mais cela n'enlève rien à la pertinence de cet essai-témoignage car les notes sont nombreuses.

Les faits ne sont pas justes posés : Anna Bednik nous explique comment les gouvernements, socio-démocrate en Amérique Latine ou les démocraties occidentales, ont besoin de l'acceptation publique sous quête de croissance économique ou de réduction du chômage pour donner le feu vert aux réalisations de ces travaux d'exploitation. Il en est de même pour l'industrie dite "verte" car elle dépend de ressources naturelles qui se raréfient car qu'est-ce qui est "vert" dans la pollution occasionnée par les mines afin de trouver les minéraux constituants les portables ou autres écrans plasmas ? Ainsi Anna Bednik démontre que l'extractivisme est l'une des conséquences de la politique néolibérale et que tant que les groupes industriels et Etats s'enrichiront grâce à l'exploitation de la nature, ils n'auront de cesse de le faire car le but est la croissance. Toutefois, l'humanité peut arrêter cette exploitation de la Terre : les circuits courts existent et il serait peut-être tant de quitter la société de consommation.

Une lecture passionnante qui montre que le lecteur peut avoir une influence sur l'exploitation de la planète. Je conseille à tout le monde de se plonger dans cette lecture car les faits sont établis et le lecteur peut se faire son propre avis.
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Un sujet peu traité qui prend ici toute sa dimension planétaire et alerte sur le danger de cette économie capable de fouiller jusqu'aux entrailles de la terre à travers les profondeurs de l'océan pour en retirer toujours plus de profits et ajouter encore à l'énorme puissance des multinationales aux affaires. L'économie impérialiste phallique dévaste la terre l'air l'eau alimente les guerres crée le problème des déplacés qui ne peuvent plus vivre sur leurs terres Nous courons vers la catastrophe totale qui risque de plus en plus de faire disparaître notre espèce et nombre de celles végétales animales qui conditionnent pourtant notre survie. Sans parler du nucléaire !
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
En France, une loi nationale d'interdiction de la fracturation hydraulique a été conçue et adoptée en urgence dès 2011. Les contestataires, au premier rang desquels près de 300 collectifs de riverains des futures plateformes pétrolières et gazières, ont alors pris au dépourvu les tenants du pouvoir. Mais ils n'ont pas gagné la guerre. Les industriels se maintiennent prêts en attendant que la conjoncture économique (prix du pétrole trop bas pour la rentabilité de l'extraction par fracturation hydraulique en France) et politique (loi d'interdiction) leur soit plus favorable. Ils continuent à préparer le terrain, au sens propre du terme, avançant dans les premières phases des travaux d'exploration. Dès le début de l'année 2013, ils ont ainsi mené des travaux de forage sur des plateformes clairement identifiées comme portant sur du pétrole de schiste dans le Bassin parisien, et il est difficile d'imaginer qu'ils entreprennent ces opérations coûteuses sans aucun espoir de retour sur investissement, fût-il, dans un premier temps, de nature essentiellement spéculative. Les préparatifs avancent dans le Nord-Pas-de-Calais et en Lorraine, où l'on exploite du gaz de couche, un autre hydrocarbure "non conventionnel", dont l'exploitation peut exiger, à terme, le recours à la fracturation hydraulique. Les fonds marins sont également passés au crible à la recherche "d'hydrocarbures extrêmes", comme les qualifient les collectifs français à la suite du réalisateur étatsunien Josh Fox.Un projet, GOLD (Gulf of Lion Drilling), prévoit même de chercher du pétrole à onze kilomètres de profondeur dans le golfe du Lion, sous prétexte d'étudier les variations du climat global et la biosphère souterraine.
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Comment peut-on encore courir derrière la croissance, alors que les limites matérielles et écologiques rendent l'expansion de l'économie industrielle de plus en plus insoutenable ? Comment peut-on ne pas se rendre compte que ce comportement est suicidaire ? C'est là que les faiseurs de chimères apportent leur contribution. Ils ne clament pas, à la manière d'un George Bush père, qu'un mode de vie ultra-consommateur de la nature "n'est pas négociable". Plus mesurés, ils disent que "si nous ne voulons pas voir s'interrompre la progression du niveau de vie enregistrée depuis cinquante ans, il nous fait trouver de nouveaux moyens de produire et de consommer". Ils disent aussi comment y parvenir : grâce au progrès des sciences et des techniques et à l'efficience du marché. The show must go on, et ses acteurs ne peuvent pas être pris de panique : l'économie poursuivra sa "croissance", simplement, elle la "dématérialisera". Serait-ce possible, vraiment ?

Mirages d'une croissance dématérialisée
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Vu du ciel, la Transamazonienne semble trancher l'océan de verdure comme un coup de poignard, et les entailles rouge-vif des défrichements se creusent et s'étendent un peu plus à chaque survol. Tous les jours , les 312 wagons chargés de minerai de fer sorti de cette terre couleur de sang filent à grand fracas sur les rails du géant minier Vale, ex-Vale do Rio Doce, depuis les mines de Carajas jusqu'à l'Atlantique, où les attendent les immenses vraquiers de la compagnie. L'Amazonie, une des dernières frontières naturelles, résiste difficilement à l'implacable avancée de cet "extractivisme de nouvelle génération". L'immense forêt, il y a peu de temps encore impénétrable, s'ouvre et recule à pas de géant. Entre 1990 et 2010, elle s'est vue amputée de 240 000 km2, l'équivalent de la surface du Royaume-Uni. 15% de ses sous-sols sont concédés à l'exploitation d'hydrocarbures et 21% aux entreprises minières (ces chiffres s'élèvent à 84% et à 75% pour l'Amazonie péruvienne, la plus touchée), 417 centrales hydroélectriques y ont été construites ou planifiées, le tout relié par 96 500 km de routes.

Les veines toujours ouvertes de l'Amérique latine
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On n'aurait rien gagné, ou si peu, en n'obtenant, par exemple, que la reconnaissance d'un statut pour les victimes de l'extractivisme, ou d'un droit à l'existence pour les circuits parallèles de production et d'échange. Les normes et les dogmes qu'il s'agit de faire voler en éclats sont autrement plus structurants pour la société industrielle moderne. D'une génération à l'autre, ils s'agglomèrent et se solidifient dans les imaginaires comme autant de couches de sédiments, formant un socle de lieux communs, un "régime de vérités" sur lequel vient se greffer la propagande captitaliste-productiviste-extractiviste. Pour que les hauts fourneaux de l'extractivisme soient contraints de s'arrêter, il faudrait, malheureusement, plus que quelques combats gagnés et plus que quelques expériences alternatives. Il faudrait qu'une majorité, au sens numérique du terme, se sente affectée par ce qui est en train de se produire au point de vouloir prendre sa vie en main avant que la surface de la Terre ne soit rendue inhabitable.

Épilogue
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Ce n'est pas uniquement en pillant les richesses par-delà les océans que le capitalisme a pu émerger en Europe. Son épopée a commencé par la privatisation des communaux du Premier Monde, par l'accaparement des terres et par l'expropriation des paysans via la généralisation du systèmes des enclosures (le droit reconnu aux lords britanniques de s'approprier et de clôturer les champs), dont Thomas More dénonçait déjà les conséquences sociales en 1516. En séparant le travail des moyens de production et en transformant la population des campagnes en prolétariat, main-d’œuvre "libre" et disponible pour l'industrie, ce mouvement d'expropriation, aurait, à suivre Marx, concouru à réunir les conditions de l'accumulation primitive du capital au même titre que la découverte de l'Amérique et sa colonisation.

Notre sort commun ?
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Anna Bednik, coordinadora del eje temático "Agua y extractivismo" del FAME France Amérique Latine - Colectivo ALDEAH (ES)
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