La haine a une odeur plus forte que celle du bonheur. Elle écrabouille les jours heureux qui devraient rester éternels dans les souvenirs parce qu'ils donnent le goût de vivre.
La Bretagne est une île et ses habitants des nomades comme ceux de ma tribu, je n'ai aucune raison d'avoir peur d'eux, au contraire, aux plis de leurs visages, on voit bien qu'ils savent ce que partir veut dire.
Ils ont leur identité en poupe, prêts à l'abordage sur toutes les rives du monde.
Ici, sur Ouessant, les nuages seront toujours en embuscade et la lumière en demi-teinte, mais derrière, après les herses de pluie, pour les plus téméraires, il y a les joyaux cachés.
J’aimais ces calots fiers de leur port d’attache, amis qui, un jour, le cœur en canot, embarquaient sur des rafiots, pour s’en aller sans retour.
L'amour est un cabanon de paille et de brindilles. L'amour est un coquelicot.[...]
" Tu sais l'amour, faut pas y toucher. Sous peine de peine."
Les nœuds que j'étais venu dénouer à Ouessant avaient engendré des petits frères.
Elle a dit que je bougeais sans cesse, même sur la mer. Même la nuit. Et je parlais aussi.J'ai répondu que c'était la faute de mon père. De lui, j'ai hérité la maladie de l'immigration et son effet secondaire, le monologue.
Je bavais. La colère ne me lâchait pas la gorge. On me traitait comme un pneu de cycle, la dernière roue du carrosse. J'étais devenu un distributeur de pensions alimentaires et compensatoires. Je devais me satisfaire de cette fonction. Point barre. Un père ça tient debout, ça balise le chemin des autres, ça informe ceux qui suivent des dégâts de la navigation à vie, des récifs, des écueils et autres brisants. Ca passe son temps à baliser, à éclairer. Voilà, j'avais trouvé un nouveau synonyme de père : éclairagiste.
Et un autre : lampiste.
Yvon m'a fait découvrir l'éternel regret d'avoir laissé quelque chose derrière soi.
Les Portugais l'appellent saudade. C'est ce sentiment que les chanteurs de fado vont puiser au fond de leurs entrailles, les yeux fermés.
L'histoire d'un homme solitaire qui a perdu dans un port une amarre, une attache, ses origines. Leurs chansons disent que l'enfance est un été dont on ne revient pas
Avec Yvon (note : son ami Yvon Le Guen, Breton qui vient d'Ouessant, et l'a défendu quand il s'est fait attaquer), j'ai appris que les méandres de la mélancolie sont tortueux et que la douleur d'être loin de chez soi ne se mesure pas en kilomètres sur une carte Michelin. C'est une émotion à fleur de peau, un petit vertige de chaque jour qui ronge l'âme, une vague qui creuse incessamment.