Ce n’est pas parce que je n’ai jamais su dire de mots d’amour que je dois en payer le prix toute ma vie ! D’autres en disent à tout moment, mais ne les pensent pas un instant. Moi je n’en dis pas, mais je les pense tout le temps !
Avec Yvon, j'ai appris que les méandres de la mélancolie sont tortueux et que la douleur d'être loin de chez soi ne se mesure pas en kilomètres sur une carte Michelin. C'est une émotion à fleur de peau, un petit vertige de chaque jour qui ronge l'âme, une vague, qui creuse incessamment.
Les vieux qui ont vécu
se taisent
pour laisser des rêves
aux enfants
qui n'ont encore rien vu.
Ils pleurent la nuit
pour ne gêner personne.
« Un homme c’est sa parole, disait-il avec solennité. Quand il n’y a plus de parole, il n’y a plus d’homme. »
Zola me secoue de nouveau par l’épaule. Elle trouve que je suis trop tête en l’air et que, dans un monde truffé de falaises, c’est une défaillance.
Ouessant. Première nuit. J'avais commencé la lecture du seul roman que j'avais apporté, quand une pluie d'abord en biseau, puis en marteaux, s'est mise à cogner sur le toit. Les dieux faisaient une grande lessive d'été. Ils essoraient les nuages à pleines mains. Les fantômes de l'île voulaient nous renvoyer au bled. (...)
J'avais peur que mes filles paniquent sous les rafales, alors je me suis posté devant l'entrée de leurs chambres et j'ai fait le guet une bonne partie de la nuit, une lampe torche à la main.
Des éclairs fluorescents fouettaient le ciel, déchiraient les constellations en mille éclats de miroir, et, quelques secondes après une accalmie suspecte, on entendait des obus qui tombaient autour de notre maison, la bourrasque battait les vitres, inondait les massifs d'hortensias, le nain de jardin ruisselait, son visage flashait sous les éclairs (...)
Les regards des vieux se tendent, des larmes roulent sur les crêtes nasales, mon frère Malik me fait la courte échelle, il veut que je voie le prem's les collines qui se profilent au loin, maquillées d'éclats d'or, de lancées d'azur et même de touches roses.
Malik invente un poème sur le ciel criblé d’étoiles qui paraît à portée de main. Il clame que c’est un saule pleureur bourré de guirlandes qui pendouillent comme des lucioles pour éclairer les Terriens. Il pense que les étoiles sont des mégots de cigarettes incandescents que les ancêtres partis au ciel balancent à terre pour qu’on ne les oublie pas. Il a lu ça dans un roman grec.
― C’est quand que tu achèteras, le golden retriever ?
J’ai prétendu que je réfléchissais encore. Cette adoption méritait réflexion, non ?
Elle avait préparé sa seconde salve
― Pour le divorce avec maman, tu as beaucoup moins réfléchi que pour le chien !
Leurs chansons (chanteurs de fado) disent que l’enfance est un été dont on ne revient pas quand, au seuil de nos portes, septembre a déposé sa première feuille morte.