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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Tu votes toujours au second tour des élections quand l'extrême-droite y est qualifiée, pour lui faire barrage. Tu redoutes les populismes, dont tu parles le plus souvent au pluriel. Tu es bien convaincu qu'au fond les extrêmes se touchent (…) Si tu as répondu oui au moins une fois, ce livre parle de toi. » Voilà ce qu'on peut lire sur la quatrième de couverture du dernier livre de François Bégaudeau, qui délaisse ici le roman au profit de l'essai. Un essai né de l'agacement de l'auteur suite à la campagne présidentielle de 2017, mais surtout de son observation d'une classe sociale bien définie à laquelle il a eu affaire suite à ses différents succès littéraire : celle de la bourgeoisie. L'ouvrage consiste ainsi en une longue adresse de l'auteur à ce bourgeois (qui ne se reconnaîtra évidemment pas, « le propre du bourgeois étant de ne jamais se reconnaître comme tel ») et que Bégaudeau met face à ses contradictions, ses hypocrisies, son mépris et sa vacuité. Bon, autant dire que l'ouvrage ne fera pas plaisir à pas mal de monde, d'autant que l'auteur dispose d'une plume incisive qui met le doigt pile là où ça fait mal et qui ne ménage absolument pas son lectorat. Certains (beaucoup) trouveront les assertions de l'auteur scandaleuses, extrémistes, voire même dangereuses. Je les ai pour ma part trouvées très pertinentes, aussi ai-je pris un grand plaisir à lire cet essai qui propose une analyse de classe (l'influence de Marx est incontestable) qu'on peut, à mon sens, difficilement réfuter au vu des récents événements. Mais qu'entend-il exactement par « bourgeois » ? La bourgeoisie, pour Bégaudeau, est la combinaison de deux facteurs : l'occupation d'une certaine position sociale (qui s'évalue avant tout au patrimoine financier, mais pas seulement) ET l'adoption d'un système de pensée qui vise à légitimer idéologiquement cette position. Une définition relativement simple qui ne constitue pas le propos central de l'essai (il ne s'agit pas de démontrer qu'il existe bien une « classe bourgeoise ») qui choisit plutôt de l'interroger sur la bêtise de cette bourgeoisie, sur sa piètre défense du système en place et sur la médiocrité de sa pensée, particulièrement bien illustrée par les termes creux et les éléments de langage vidés de leur substance qu'elle utilise à tout bout de champ et qu'on retrouve partout dans les grands médias (le terme « progressisme » en est un merveilleux exemple).

« Tu n'as pas compris la tribune de Ruffin sur la haine que les classes populaires vouent à Macron. (…) Tu ne peux envisager une seconde être haïssable puisque tu es cool. Réaliseras-tu un jour que c'est justement ce cool qui est haïssable ? Qu'au delà de la violence sociale, c'est le coulis de framboise qui l'enrobe qui est obscène ? (…) C'est les 20000 euros d'indemnités pour qu'un ouvrier avale un plan social. C'est ta façon d'appeler plan de sauvegarde de l'emploi une vague de licenciements, d'appeler restructuration une compression de personnel, et modernisation d'un service public sa privatisation. » Tout au long de ces 200 pages, Bégaudeau épingle cette bourgeoisie bien pensante se revendiquant parfois de gauche (il oppose la bourgeoisie « cool » typique de Macron et ses suiveurs à celle de la « bourgeoisie hard », plus volontiers de droite qu'il juge plus dure mais au moins plus honnête sur la vision qu'elle défend de la société). Outre la bêtise de cette bourgeoisie, l'auteur expose aussi sa peur viscérale du pauvre et de la menace que celui-ci représente dès lors qu'il remet en cause « l'ordre social ». L'essai dénonce ainsi aussi bien les attaques de la bourgeoisie contre la fonction publique (« Un prof, qu'il prépare ou non son cours, sera payé pareil. Un guichetier de la Poste, qu'il soit aimable ou non sera payé pareil. Tu as bien noté cet état de fait, et il t'exaspère. Y mettre fin te démange depuis des lustres. »), que le discours sur l'assistanat (« Tu aimes le pauvre aussi aliéné qu'un salarié et moins protégé. Tu l'aimes sur un vélo Deliveroo, rallié à ta propagande sur le working poor préférable au chômage), que la fierté affichée par beaucoup d'avoir héroïquement fait leur « devoir de citoyen » en votant Macron au second tour (« Ce n'est pas si compliqué que ça. Case a la mort, cas b la vie, reste à cocher. Pratiquée par toi la politique est un jeu d'enfant. Elle est simple comme bonjour. Elle soulage l'électeur de l'angoisse du choix, comme l'indique, sous couvert de malice, le titre d'un de tes organes de presse : faites ce que vous voulez mais votez Macron. Ainsi va ta démocratie : elle laisse le choix à la stricte condition qu'on opte pour le seul possible »).

On devine aisément la réaction que ce type de phrase peut susciter chez une partie de la population : Bégaudeau est un facho (il n'appelle pas à voter contre le Pen), un lâche (il ne va même pas voter), un extrémiste (il avoue sa sympathie pour le travail de François Ruffin ou d'Étienne Chouard). Sauf que non. Chaque accusation est réfutée de manière nette et précise par l'auteur qui s'amuse même des tentatives de ses « opposants » pour l'épingler, le faire rentrer dans une case, discréditer son discours : « Je n'égrènerai pas les dix bonnes ou mauvaises raisons de dédaigner ton appel chaque jour plus comminatoire à contrer le pire. Ni ne rappellerai-je l'évidence que la classe sociale perpétrée par le macronisme et ses versions antérieures est la première pourvoyeuse du FN, moyennant quoi tu me demandes en réalité de contrer un effet en soutenant sa cause. » L'auteur expose à mon sens très bien en quoi la bourgeoisie et le système libéral ont tout intérêt à apparaître comme les seuls véritables remparts contre le fascisme. Car si le capitalisme leur permet de préserver leurs intérêts, le système reste tout de même difficilement défendable (il est inique, destructeur pour la planète, sans compter le fait qu'il entraîne la paupérisation de la majeure partie de la population). Pour pouvoir le défendre, il faut donc un ennemi, et depuis quarante ans, le FN représente l'adversaire idéal : puisque le capitalisme n'est pas défendable par lui-même, il faut donc le défendre par la négative: « ok tout n'est pas parfait, mais vous voyez bien que c'est le système le moins pire ». Or, si le fascisme est évidemment à combattre sous toutes ses formes, ce n'est pas lui qui, depuis des décennies, pille les ressources de la planète, précarise les classes populaires, et détruit les services publics. A force d'être obnubilé par « le pire à venir », on en oublie celui qui est déjà là, bien réel.

A ceux qui l'accusent de faire le jeu des fascistes, Bégaudeau rappelle que c'est justement la bourgeoisie qui tente depuis des années d'évacuer la question sociale des débats pour lui préférer la question culturelle et identitaire, qui fait évidemment le jeu du FN (ce qui, comme on l'a vu, l'arrange au final plutôt bien). Il serait trop long d'évoquer en détail toutes les idées développées ici par l'auteur qui propose une analyse sans concession à laquelle beaucoup ne souscriront pas mais qui a au moins le mérite de faire réfléchir. Si j'ai pour ma part beaucoup de respect pour l'auteur et ses idées, je mentionnerais malgré tout quelques bémols à cette lecture qui m'a parfois un peu gênée, non pas sur le fonds mais sur la forme. J'ai par exemple eu un peu de mal avec la construction (ou plutôt l'absence de construction) de l'ouvrage. L'auteur aborde en effet une multitude de thèmes qui défilent au fil de sa plume sans aucun temps mort et, parfois, sans vraiment de rapport. On saute ainsi plusieurs fois du coq à l'âne, certains sujets n'étant abordés que le temps d'une ou deux phrases quand on aurait aimé voir Bégaudeau les aborder de manière plus approfondie. J'ai également eu un peu de mal avec les quelques phases d'introspection au cours desquelles l'auteur effectue sa propre auto-critique et questionne ses origines sociales, son parcours, ses habitudes, et surtout les raisons qui font que, bien qu'ayant accédé à un patrimoine bourgeois, il n'en a jamais adopté le mode de pensée. Ces passages permettent à l'auteur de se situer socialement et de répondre par avance aux critiques qui lui seront faites (il critique la bourgeoisie alors que lui-même dispose d'un patrimoine financier qui, de facto, l'exclut des classes populaires), mais cette auto-analyse traîne parfois un peu trop en longueur et a, à mon humble avis, moins d'intérêt que le reste de l'essai (même s'il est vrai qu'elle ne constitue qu'une toute petite partie de l'ouvrage).

François Bégaudeau signe avec son « Histoire de ta bêtise » un essai qui risque de faire grincer des dents pas mal de monde et que j'ai pour ma part trouvé très pertinent. L'auteur y expose sans prendre de gants la pauvreté intellectuelle de la classe bourgeoise et la faiblesse de ses arguments pour défendre le système capitaliste en place. Pour ce faire, il questionne aussi bien les éléments de langage utilisés par cette classe que sa volonté incessante de réduire l'équation politique à deux choix : le libéralisme ou le fascisme. A lire !
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Diatribe revigorante rédigée en 2018 après la première élection d'Emmanuel Macron, dont il est accessoirement la cible, car visant principalement son électorat, et à coup sûr la part de la population qui correspond à son actuel petit socle de "popularité", "minorité audible" dont le concert des voix hier largement dominant à désormais affaire avec un tas de casseroles, "dispositifs sonores" que les préfets interdisent en manif pour ne pas amplifier ce que le ministre de l'Intérieur qualifie de "terrorisme intellectuel".

Pour autant, il ne suffit pas de ne pas ou plus appartenir à ce socle pour se croire épargné par Bégaudeau. "La structure, c'est toi. Je passe par la case Macron en tant qu'il te cristallise."
La critique est structurelle et se construit comme un libelle, une adresse à la deuxième personne du singulier destinée au bourgeois "dont le propre est de ne pas se reconnaître comme tel." Beaucoup se reconnaitront, et chacun reconnaitra sans doute aussi une part de soi-même, l'auteur assumant la sienne et tendant la main à l'objet de son ressentiment... s'il se reconnaît dans le portrait qui est fait de lui.

"Je te demande un bond auquel je suis inapte. Penser contre soi est une gageure."

Pas facile, car Bégaudeau y va au lance-flamme, ce qui est très réjouissant cependant. La critique fait mal non seulement parce qu'elle est finement argumentée et solidement charpentée, mais précisément parce qu'elle ne vise pas un ectoplasme sociologique ou strictement une position économique, mais un ensemble, celui que se caractérise avant tout par ce qu'il croit mériter. "Ta clé de voûte c'est le mérite. [...] Poignarder le mérite ce serait t'interdire d'être fier de toi. N'y comptons pas."
Et le bourgeois (qui s'ignore) croit par dessus tout mériter d'être aimé, car il a tout : l'aisance, le bon goût, la bonne conscience, le bon droit...

Bégaudeau le dégringole de son échafaudage de certitudes sans contenu. "Je t'ai trouvé bête. Je t'écoutais, et je pensais : comme c'est bête."
Ben oui. Par exemple, c'est bête de penser que les extrêmes se rejoindraient. (Non seulement ça ignore l'histoire, mais ça suppose quoi, que la pensée serait un cercle ?!) "Ce que j'appelle bêtise est une modalité de la pensée magique."

"Ton mot d'ordre, ton mot visant à la préservation de l'ordre est : tout sauf les classes. Tout sauf cette découpe-là du réel. Tout le reste tu peux le digérer." Et pourtant, ce serait une excuse valable : "L'analyse de classe est ton salut [...] Ton milieu t'a façonné sans te consulter."
Bégaudeau fait du Bourdieu à la hache, le style tranchant, mais pas au détriment de la subtilité et de l'intelligence. A travers son habitus de fils de fonctionnaire, d'artiste, il expose un autre monde possible, où la valeur n'est pas pécuniaire, où "moins ça rapport et plus ça a de prix".

Personne n'est donc définitivement prisonnier de la pensée bourgeoise, non plus que systématiquement épargné de ses contagions. Mais si le bourgeois ne se reconnaît pas (ce qui est vraisemblable et constitue une limite de l'entreprise), l'auteur et son lecteur complice en éprouve un surplus de joie à avoir raison. "Joie de saisir, joie de capter. Gai savoir."



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Je n'avais pas beaucoup aimé « entre les murs » : un livre, certes, édifiant, mais qui prenait le parti d'édulcorer en grande partie une réalité beaucoup plus hard, du moins telle j'avais pu l'expérimenter sur le terrain. Je lui en voulais d'avoir versé dans le consensus et d'avoir voulu faire croire qu'il était encore possible de faire quelque chose avec un peu de bonne volonté alors qu'il était évident pour moi que la situation était déjà verrouillée.
Je suis ravie de constater (p 89-90-91) qu'il a changé de cap et qu'il fait son autocritique.
Pour le reste, je ne me suis pas du tout sentie concernée par le "tu", mais je l'ai lu d'une traite avec amusement : il dit, à peu de choses près, ( par ex. il est faux de dire que Zemmour est raciste) tout ce que je pense depuis longtemps sur la bien-pensance de la bourgeoisie dite de gauche, ou de droite et sur un système qui n'a éthique que la loi du marché même s'il cherche par tous les moyens à nous le faire oublier.
Je prends cet écrit pour ce qu'il est : un pamphlet qui vise une certaine élite qui se gargarise de sa bonne conscience et veut à tout prix nous faire croire que les classes sociales n'existent plus. Il dénonce avec virulence un capitalisme qui a une capacité non négligeable — et parfois même phénoménale —, à résoudre ses contradictions en récupérant, recyclant, édulcorant, mais dont on commence, enfin, à voir les limites puisqu'il mène le monde à la catastrophe en passant par la case déshumanisation (ou effacement de l'humain au profit de la marchandise).
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Tout le long, la question est: Est-ce que que vous vous reconnaissez dans la description d'une certaine classe de personne dans ce livre? C'est un livre qui peut paraitre énervant. Mais pour de bonnes raisons. Au contraire de nombreux ouvrages ou essais orienté gauchiste qui jouent sur la corde de l'indignation, ce pamphlet de Begaudeau met mal a l'aise, énerve, interroge ou remet en question. Ce qui est une chose rare.
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François Bégaudeau force la gauche «éclairée» à se regarder dans le miroir. Je parle de la gauche libérale qui ne pense plus qu'à défendre sa position sociale et économique et qui est obsédée par la performance et le mérite. Cette gauche a accepté totalement les règles du capitalisme pur et dur, et s'est repliée sur la défense du multiculturalisme, une cause certes louable mais qui n'exige pas une profonde remise en question de ses privilèges.

Si ce livre avait été publié par un Américain, on pourrait le voir comme une attaque d'un partisan de Bernie Sanders contre le camp de Hillary Clinton.
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Le sens aigu de l'observation de François Begaudeau, associé à sa large culture, lui permet de repérer tant des phénomènes de réflexes de classe plus ou moins camouflés que des manifestations beaucoup plus anecdotiques mais très parlantes, le tout sur un ton sarcastique, méprisant même, ce qui est souvent, il faut le dire, drôle et même jubilatoire à lire.

Cela donne un aspect très exhaustif et cohérent au livre, qui parfois sacrifie la nuance à la satire, tout devant entrer dans le cadre de l'analyse marxiste. C'est cependant un grossissement du trait que l'on concède bien volontiers à l'auteur puisque le style pamphlétaire de ce livre le requiert.

Là où j'ai toujours trouvé insupportable de voir les bourgeois s'accaparer à la fois l'ordre et le cool, confisquer la force en même temps que la bonne pensée, être à la fois les méchants de Michel Fugain tout en se faisant passer pour les gentils, Bégaudeau démasque sévèrement l'imposture et l'expose au grand jour.

Car c'est bien cela qui est détestable chez le bourgeois moderne : c'est le gant velour qui masque la main de fer. Quitte à exercer l'oppression sur les prolétaires, autant qu'elle ne soit pas hypocrite ni masquée, mais plutôt assumée, comme c'était le cas au XXème siècle. Les oppositions sociales étaient alors claires. L'on préfère le petit chef qui ne se cache pas d'être détestable plutôt que le manager faussement sympathique qui poignarde dans le dos. Cette double attitude est, comme l'écrit avec justesse Bégaudeau, une deuxième balle dans la nuque.

Voilà donc, au fond, ce que l'on reproche au bourgeois. Pas tant de dominer, puisqu'il faut bien que quelqu'un domine, mais plutôt de se soustraire au jugement moral qui doit forcément aller de pair. Toute situation de supériorité doit avoir un revers de la médaille, un revers moral, ou plus exactement : immoral.
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Pour son dernier titre, François Bégaudeau, reconnu pour son Entre les murs, délivre un pamphlet direct contre les bourgeois. Pamphlet qui m'a d'abord laissé perplexe dans un premier temps car la critique allait de pair avec le règlement de compte personnel. Derrière ce pamphlet, l'auteur cite des témoignages de son quotidien, de ses interactions avec les bourgeois de son entourage, de son opposition avec un relent de confrontation arrogante qui explose dans cette diatribe adressée à cette classe sociale.
Le "tu" employé dans ce pamphlet n'est pas anodin et s'adresse aussi bien au lecteur inconnu qui se reconnaîtra qu'aux bourgeois déjà connus avec lesquelles Bégaudeau semble vouloir finir sa rhétorique déjà entamée dans un café. J'ai trouvé ça un peu mesquin au départ, foncièrement arrogant mais peu à peu cette diatribe s'est transformée en lecture jubilatoire. La manière qu'a Bégaudeau de descendre le bourgeois est assez savoureuse. J'ai particulièrement aimé son regard sur la bienveillance hypocrite dont fait preuve le bourgeois, son ambiguïté envers une idéologie contrastée , moralisatrice mais pas dépourvue d'intérêt. C'est savoureux et l'emploi continuel d'un discours direct renforce cette partition cinglante.
Bien que savoureux, ce pamphlet , malgré tout, possède aussi une aura de défouloir assez radical comme si au final le bourgeois n'avait d'autre vérité que sa classe sociale. le constat est plutôt amer, presque alarmant mais Bégaudeau ne fait pas dans la nuance. C'est à la fois la force et la faiblesse de ce pamphlet.

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Curieuse de découvrir cet essai du réalisateur d'Entre les murs, j'ai savouré cet essai qui tient à la fois des moralistes du grand siècle et de Flaubert.
Attaqué, déstabilisé, le lecteur - le bourgeois - l'est dès la première phrase :
Souvent pendant la campagne je t'ai trouvé bête.
Usant de cette deuxième personne dans tout son ouvrage, François Begaudeau observe son lecteur comme un entomologiste, et le force à analyser, décrypter ses actes, attitudes et paroles à l'aune des déterminismes sociaux. C'est aussi dérangeant que stimulant. Les reproches fusent.
Selon ton habitude, tu te détournes de ce qui est au profit de ce qui pourrait être, tu spécules au lieu d'observer. Ce pli spéculatif entre pour beaucoup dans cette manière de vacuité que j'ai l'outrecuidance d'appeler bêtise.*
Ce que j'appelle ta bêtise ne vient pas d'une carence de ton cerveau au moins aussi bien fait que le mien, mais de ta manie héritée d'en limiter l'usage.
*Tu es nombreux
Vilain petit bourgeois honteux
Amusé, le lecteur l'est souvent, comme lorsqu'il se reconnaît dans sa volonté de faire barrage à Marine le Pen en 2017 :
Tu veux qu'on s'engage, par la présente pizza végétarienne cuite au feu de bois dans cet italien rue des Martyrs, à voter contre le pire.
Certes François Begaudeau malmène son lecteur, dans la tradition polémiste, mais pas seulement ! Il lui procure beaucoup d'amusement par ses saillies très spirituelles, par son jeu constant sur nos paradoxes qu'il exhibe. En me reconnaissant dans ce "tu", à l'issue de cette lecture, je suis toujours bourgeoise, mais peut-être un peu moins bête.
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C'est un pamphlet. Certes. Et c'est aussi une description d'un certain esprit du temps, d'un cadre de pensée qui s'impose à beaucoup des lecteurs de Bégaudeau. On peut donc lui reconnaitre ce courage là. Et l'accueil critique a été frais, signe que la critique est mordante.
Finalement, il nous aiguille aussi sur ce qui en chacun de nous, nous amène à nous comporter, à voir le monde en petit bourgeois intellectuel. Il me semble que c'est un livre utile en ce moment. A chacun ensuite de réfléchir pour envisager une nuance au propos de l'auteur, qui est loin d'en être dénué.
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Ce qui est frappant avec cet auteur, au-delà d'avoir une langue incisive, un talent formel assez dingue et une précision hors pairs, c'est qu'il est juste.

J'ai tellement peu à redire sur ce qu'il écrit, c'est effrayant. Je suis vraiment d'accord avec à peu près tout ce qu'il dit. J'ai la vision de la bourgeoisie assez semblable. Surtout celle qui ne s'assume pas comme il la dépeint si bien.

Les bourgeois sont un fléau, le système capitaliste doit être détruit.
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