Maxime Bellego – L'humain est-il malade de son travail? Et si c'était plutôt le monde du travail qui était devenu malade? Dans un essai court et accessible intitulé "
Le travail est malade, il nous fait souffrir",
Maxime Bellego, psychologue clinicien, interroge les réactions de l'humain face à des situations de travail pathogènes parce que pathologiques.
L'auteur s'appuie largement sur ses propres observations pour étayer son propos. Ainsi, nombreux sont les exemples qu'il tire de son passage chez Orange, concomitant à une vague de suicides sans précédent. Certains exemples sont plus récents, tirés entre autres – on pense à la notion de conflit de valeurs – du vécu du personnel soignant en temps de pandémie de coronavirus.
Mais c'est bien avec l'humain que tout commence dans "
Le travail est malade, il nous fait souffrir". En une ample première partie, l'auteur explique ainsi de façon imagée le mécanisme du harcèlement, dans ce qu'il peut avoir d'insidieux. Cela, en utilisant l'image d'une lionne qui s'attaque à un troupeau de buffles, prenant son temps pour repérer les éléments les plus vulnérables plutôt que d'attaquer frontalement.
Transposant ce mode de fonctionnement chez les humains, l'auteur déconstruit en détail les phrases à double sens et le jeu du secret qui peuvent présider à une relation interpersonnelle toxique au travail.
Ce harcèlement, et l'auteur le démontre, peut aussi provenir des circonstances, ou d'un environnement favorable à des comportements déviants. Cela, sur la base des expériences de Milgram (celle qu'on voit dans "I comme Icare" d'Henri Verneuil) et de Zimbardo, consistant à recréer une (fausse) prison sur le campus, avec prisonniers et gardiens: ces deux expériences démontrent le mal insoupçonné que l'humain peut faire à ses semblables s'il est placé dans certaines conditions. Celles-ci peuvent être celles d'une entreprise...
L'auteur fait la synthèse des facteurs à risque de l'entreprise dans un tableau important synthétisant six aspects: intensité et temps de travail, exigences émotionnelles, autonomie, rapports sociaux au travail, conflits de valeurs et insécurité de la situation de travail. Ces aspects sont ensuite illustrés – et le lecteur, pour peu qu'il soit employé, ne manquera pas de s'interroger sur son propre rapport à son environnement professionnel.
Qu'on se rassure: si le travail est malade, la souffrance engendrée chez l'employé constitue un signal normal. Chacun réagit à sa manière, et l'auteur rappelle le parcours des personnes qu'il a côtoyées et qui sont sorties d'un environnement professionnel toxique. Cela, tout en soulignant que si le collaborateur prend soin de lui, l'entreprise elle aussi doit soigner sa propre maladie le cas échéant, avec les bons traitements.
Ce qu'il faut, en effet, ce n'est pas forcément un Chief Happiness Officer (une fonction sur laquelle l'auteur exprime quelques réserves), une machine à café toute neuve ou des moments de convivialité froidement programmés. Et si l'on commençait par donner des conditions de travail réalistes et acceptables au personnel? Processus, objectifs, proximité du management: les leviers d'action ne manquent pas! Et l'auteur, au-delà du seul diagnostic, ne manque pas de donner quelques pistes pour que le travail aille progressivement mieux.
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