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Citations sur L'homme qui s'envola (45)

L’argent, Walker s’en foutait. Il en avait plus qu’assez. La vraie richesse, le seul bien qui ne s’achetait pas, c’était le temps. Il savait où passait chaque seconde de ce précieux combustible et cherchait constamment des façons d’en tirer un meilleur rendement. Il avait pris des cours de lecture rapide, aménagé une salle de gym dans son sous-sol, appris à voler afin d’optimiser ses déplacements. Il avait banni les cravates de sa garde-robe, se rasait dans sa voiture et portait des mocassins pour ne pas avoir à lacer ses chaussures. Un fiscaliste préparait sa déclaration de revenus ; un gestionnaire de patrimoine administrait sa fortune ; un régisseur coordonnait les allées et venues des jardiniers, du chauffagiste et du ramoneur avec en tout et pour tout deux consignes : ne pas lésiner et le déranger le moins possible.
Peine perdue. Chaque minute qu’il parvenait à dégager était aussitôt dévorée par son entourage. La nature ayant horreur du vide, Libby lui collait désormais quatre rendez-vous par jour au lieu de trois. Ses enfants avaient pris la déplorable habitude de le défier à des quiz en ligne. Le plus crétin d’entre eux, dont raffolait Joey, consistait à deviner les réponses de la majorité de la population à des questions aussi capitales que : « Que trouve-t-on dans une boîte à gants ? » ou « Quelle partie du corps se lave-t-on en premier sous la douche ? » Cette glorification de l’opinion du plus grand nombre constituait aux yeux de Walker une preuve supplémentaire qu’il n’était pas comme tout le monde : même en se triturant les méninges, il lui manquait toujours un aliment qui se mange avec du pain ou un prénom de garçon se terminant par L.
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Le standing des Walker leur créait aussi des obligations. Sarah recevait deux fois par an la bonne société d’Albuquerque. Ces raouts donnaient lieu à des préparations frénétiques qui mobilisaient une dizaine de corps de métiers. Un bataillon de petites mains récuraient les sols, lavaient les carreaux, taillaient les haies, décoraient la façade. Le traiteur s’installait la veille. Non content d’annexer la cuisine, il défigurait le parc avec ses tentes et s’entêtait à quêter l’approbation du maître de maison sur le choix des vins. Le soir venu, Walker déambulait un verre à la main dans son jardin en louvoyant entre les groupes comme s’il traversait un champ de mines. Il évitait soigneusement les cadres de Wills, les voisins qui jacassaient sur l’évolution du marché immobilier et, par-dessus tout, les fâcheux susceptibles de lui demander une faveur. Il aurait aimé discuter cinéma, intelligence artificielle ou conquête spatiale, mais c’était à croire que personne ne partageait ses hobbies.
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Walker ne comprenait pas cette logique : si chaque génération s’effaçait au profit de la suivante, quand s’épanouissait-on ?
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Walker détestait sa vie.
Son temps lui échappait. Entre Sarah, les enfants, la boîte, il n’avait pas une minute à lui.
Il n’en avait pas toujours été ainsi. Il avait connu durant ses premières années chez Wills l’ivresse du bâtisseur. Il contentait des clients, faisait vivre des fournisseurs, embauchait des jeunes ; bref, il créait la richesse que les banquiers de Wall Street ne savent que brasser. Il avait l’impression d’employer au mieux ses talents. Sous la houlette bienveillante de Raymond, il développait ses compétences, apprenait de ses erreurs, entraînait dans son sillage des lieutenants avides de ses oracles. Quand lui venait une idée, il la mettait aussitôt en pratique et n’attendait jamais longtemps pour en mesurer les résultats.
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Walker inclina en douceur le manche vers la droite. Le turboprop décrivit une large courbe au-dessus du désert pour se caler docilement dans l’axe de la piste. On apercevait au loin les quartiers nord de la ville et, par-delà les faubourgs,
les flancs tapissés de conifères du massif des Sandia. Un troupeau d’antilopes longeait paresseusement la route de l’aéroport, indifférent au maigre trafic.
Walker réduisit manuellement les gaz. Il n’était pas un grand adepte du pilotage automatique. Savoir qu’il pouvait l’enclencher à tout moment le rassurait, mais il n’y recourait qu’en cas de nécessité, pour somnoler quelques instants ou
rejoindre un passager dans la cabine. La radio grésilla.
— DC 142, la piste est à vous.
— Merci, Derek, répondit Walker.
C’était l’avantage des petits aérodromes, on y connaissait tout le monde et tout le monde vous connaissait. Les redevances étaient dérisoires, les formalités réduites au minimum. On garait sa voiture et cinq minutes après, on était dans les airs.
Il poussa le manche pour descendre à cinquante pieds. La piste était dégagée.
(...)
Passer sa licence de pilote avait transformé la vie de Walker. Fini les tournées harassantes avec ses chefs des ventes, les étapes dans des motels aux couvre-lits à fleurs, les petits déjeuners dans des cafétérias empestant le graillon. Il pouvait
désormais rendre visite à quatre ou cinq clients dans la journée et être rentré pour le dîner. L’avion se justifiait aussi sur le plan économique. Il raccourcissait le cycle de vente et flattait les prospects, qui remerciaient Walker « d’avoir fait l’effort de se déplacer », au seul motif qu’il avait dédaigné les compagnies régulières. Pas plus tard que cet après-midi, il avait engrangé un important contrat ; l’acheteur, un cybermarchand de Phoenix, avait justifié sa décision par « la disponibilité exemplaire des équipes de Wills »
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