Ce qu'on dit appartient aux autres. Ce qu'on tait est un bien éternel.
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L'homme contemporain harcelé par des injonctions de toutes sortes et qui, à force d'être à l'écoute de son époque, n'est plus à l'écoute de lui-même.
La pub… le pire avatar de la sublimation marchande.
"Chaque douleur qu'un corps ou une âme subissait était la fin d'un cycle et le début d'un autre"
Ce soir là, enveloppé dans ses bilbiothèques comme dans un bon vieux manteau, il avait envie d'encourager les premiers pas timorés de sa compagne sur les sentiers, battus pour lui, mais en friche pour tant d'autres. Il devait chasser en elle l'idée que la vie intellectuelle était un puzzle infini dont il lui manquerait toujours un pièce. La débarrasser de l'idée de "comprendre" pour se donner une chance de ressentir. Etre à l'écoute d'elle-même et non des injonctions contradictoires des meneurs d'opinion, aussi bien les sincères que les imposteurs. Lui démontrer que celui qui confesse n'avoir ni l'outil ni la matière a déjà tant de convictions, de vécu, d'intuitions, qu'il suffirait d'un simple déclic pour combiner entre elles ses propres expériences, et connaître une épiphanie, une de ces illuminations qui frappent si fort qu'elles éclairent à jamais le chemin qui reste à parcourir.
Après plusieurs semaines de soins palliatifs à l'hôpital de Villejuif, sa femme venait de mourir dans ses bras. il raconta l'événement comme s'il s'agissait d'une adolescence inversée, à cette époque de la vie où tout est une "première fois" : la première cigarette, la première lettre d'amour, le premier baiser. Dans cette chambre aseptisée, sa femme et lui venaient de vivre une douce et belle série de dernières fois, le dernier rire à deux, le dernier verre d'alcool, le dernier baiser. Il lui avait lu in extenso le roman d'un auteur qu'elle appréciait : le tout dernier livre de sa longue vie d'ardente lectrice. (p.15)
Il lui suffisait de lire « Saint Pierre juste vapeur et son buisson de cresson 45€ » pour lui donner envie de rôtir en broche le cuisinier, avec une pomme dans la bouche.
Aujourd'hui tu téléphones pour avoir toutes les femmes que tu veux, et ça peut durer comme ça tant qu'il y aura des hommes avec des sous en poche, et des femmes toutes prêtes à les en soulager. Mais demande-toi ce que tu perds à ne plus chasser, à ne plus séduire. Un jour, tu n'auras plus les sens acérés, tu ne sauras plus repérer les signes, tu ne prendras plus le risque qu'une femme lise en toi, et tu vas perdre ta belle désinvolture.
Son propre souci d'économie verbale abrégeait parfois sa faculté d'écoute.
Désormais, quand elle subissait tout le jour des mains partout sur elle, tolérait des sexes dans tous ses orifices, elle n’éprouvait plus l’urgent besoin, le soir, de se reapproprier son corps, mais de le précipiter dans les bras de Lehaleur. Ce salaud-là ressemblait à s’ y méprendre au compagnon d’une vie.
Durant ses années de mariage, Yves ne s'était jamais posé de questions sur la fidélité, la longévité du couple ou l'érosion du désir. A bord d'une coquille de noix où ne tenaient que deux passagers, il avait mis le cap sur le grand large et s'était imaginé faire le tour du monde contre vents et marées.
Aujourd'hui, débarqué de son rêve, il ne reprendrait plus la mer avant longtemps.