Vu la période difficile, angoissante pour tous , ( j'habite dans le Grand Est Région très touchée ...) je publierai de temps en temps une ou deux critiques ...
Portrait haut en couleur d'une communauté discrète, dure au mal, travailleuse et solidaire ces mémoires de l'auteur ( écrites à l'âge de 80 ans , en 2005, ) sont un hommage vibrant, à la mémoire et au parcours des siens, de son père surtout, torturé, pourchassé, emprisonné, réfugié en France, au début des années 20, ayant perdu presque toute sa parentèle lors du génocide arménien de 1915 .
Son père, une âme simple, peuplée de fantômes , ne parlant pas français , ne sachant ni lire ni écrire , « une épine dans le coeur », icône vénérée, travailleuse et économe, silencieuse et lointaine pour l'enfant Vartan.
Il contait en arménien des histoires de chasse, des contes traditionnels semblables aux contes des mille et une nuits, des anecdotes avec ou contre les turcs .
Il ne parlait jamais des horreurs qu'il avait vécues .
Il n’en a pas moins gardé sa joie de vivre et sa capacité d’émerveillement sorti des geôles turques ....
Sa mère : petite silhouette noire et silencieuse , présence discrète , dotée d'une énergie hors pair , tendre, claudicante, cette Mayrig , petit bijou inattendu , à la fois ferme , d'autant plus précieux , une image sentimentale mythifiée par son fils .....
Elle lui a inculqué le sens de l’effort et la valeur du travail.
Souffrant des jambes, elle est sans doute décédée à coup sûr , de la prise de trop de cachets contre la douleur...
Vartan , l'auteur a trois patries : la France, l'Arménie, et la Marine .
Adulte , il embrasse une carrière de marin.
Parvenu au coeur du pèlerinage sur les terres enchantées de son enfance de 1925 , année de sa naissance jusqu'en 2005, Vartan Barbarian pose un regard attendri, lucide et tendre sur les us et coutumes de cette Terre d'asile: la France.
Roman d'apprentissage , qui retrace aussi sa réussite : officier de marine et inventeur , hymne à l'amour filial , cet ouvrage truculent est pétri de naïveté, simplicité, lucidité, de bienveillance , d'espérance , d'humanisme , d'optimisme invétéré .
Il nous donne une magnifique leçon de vie ..
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« Commence alors cette noire période que non seulement mon père n’oubliera jamais, mais qui le marquera pour toujours .
Trois ans et trois mois pour accomplir sa « descente aux enfers » .
Trois ans et trois mois de séjour dans « La maison des morts ».
Trois ans et trois mois pour achever ce « voyage au bout de la nuit. »
Il a connu l’inimaginable, au point de perdre les mots pour le dire, la force de le raconter, l’envie de se souvenir.
Parfois, cependant, ce passé d’horreurs et de fantômes grinçants remontait à la surface.... »
« Je n’ai hérité d’aucune terre.La terre est mon héritage, pourtant.
Terre qui s’est dérobée sous nos pas.
Terre gorgée du sang des miens —-tombés les yeux ouverts, victimes innocentes de l’éternelle haine et de la folie des hommes——-
Terre d’Arménie, qui a vu—-dans l’indifférence des nations ——l’extermination de tout un peuple . »
« Léonce l’intellectuel , et Kévork, le cocher, deux figures opposées dans la galerie de tableaux de ce petit peuple haut en couleur qui composait l’univers familier, débonnaire et paisible de mon enfance. Ils participaient si fortement à la vie quotidienne qu’ils se sont glissés, furtivement et tendrement , à côté de mes parents , se rangeant en douceur parmi les membres de la famille . »
« L’amour est aveugle, mais l’amitié ferme les yeux . »
« La volonté n’est que l’enfant du désir, et la mère du pouvoir. »