L'écrivaine
Anne Berest, je l'ai découverte dans une émission tv littéraire. Et là, sa personnalité et son récit concernant son livre
La Carte Postale, m'ont déjà touchée. Aujourd'hui, je viens de terminer son livre. Qui vibre encore et encore.
Si le mot généalogie résonne en vous, si vous aimez les langues, la Mittel-Europa, si vous êtes intéressé par l'émigration juive à travers l'Europe (pas besoin d'être juif), si vous voulez tout simplement comprendre de l'intérieur ce que ont vécu des milliers, voire millions de familles depuis des siècles et précisément depuis le début du 20ème, lisez ce magnifique récit ! Il est basé sur les faits réels, personnels et reconstitués. Pas de pathos, une écriture factuelle mais sensible, des faits historiques, sociologiques, familiales. On pourrait dire : une saga familiale se déroulant avant, pendant et après la 2ème guerre mondiale. Ou bien, une quête d'identité.
Il est important de mentionner que
La carte postale, édité comme roman chez Grasset, est d'abord une biographie, très personnelle et intime, de la famille Rabinovitch, juifs askhenazes originaires de la Russie. C'est l'histoire de la famille d'
Anne Berest. Elle nous fait l'immense honneur de se livrer et de dévoiler petit à petit ce qu'elle découvre ; ses origines juives, les lieux, la langue, les traditions et la religion de ses ancêtres, en France et ailleurs.
Anne Berest a appliqué une forme narrative originale et efficace pour mener ce projet ambitieux; le récit est écrit au présent, parcouru par le dialogue entre la narratrice (
Anne Berest) et sa mère Lélia.. Une très bonne trouvaille à mon avis . C'est vivant, on les entend parler, on se croit à côté d'elles, avec l'odeur du tabac (seul inconvénient de ce livre…). Ensuite, des chapitres courts, le tout en 4 livres chronologiques. Et une fin surprenante…
Ces deux femmes obstinées et courageuses avancent dans leurs recherches… en reculant dans le temps. Et apprennent à mieux se connaître et à se faire confiance.
Dans le livre I on recule de 5 générations et on fait connaissance avec la vie de Nachman et Esther Rabinovitch, les arrière grand-parents. Ce Nachman, c'est un grand sage plein d'humour, avec ses proverbes jiddish hauts en couleur ;
« Yeder nar iz klug un komish far zikh» -Chaque imbécile (fou) pense qu'il est intelligent et rigolo.
En parlant de leur jeune fils, très différent de ses soeurs ; « Les sages disent qu'il faut éduquer un enfant en tenant compte de son caractère ».
Les Rabinovitch ont des caractères forts ! On les aime tous, les hommes, les femmes, les enfants.
Les générations suivantes avec Ephraim et Emma et leurs enfants Myriam, Noémie et Jacques (Itzhaak) sont donc les personnes centrales de l'histoire et mentionnées sur
la carte postale. Cette famille a beaucoup déménagé et vit en France, au coeur de la période nazie, et sera déportée, séparément, en 1942. Seule Myriam- la grand-maman de l'écrivaine - n'est pas déportée et aura donc permis une descendance à cette famille touchante.
Le livre II reprend les investigations menées par Anne et sa maman Lélia, fille de Myriam. Plein de rebondissements et découvertes, il est aussi émouvant, car Anne et Lélia dévoilent le fond de leur pensées, intuitions et de leurs âmes et relatant le vécu incroyable des membres de leur famille décédée. de ces hommes et femmes Rabinovitch, on découvre leurs forces et leurs faiblesses, leurs doutes et leurs fausses certitudes. Et le chemin et les conditions qui les ont conduits jusqu'à la mort à Auschwitz.
Le lecteur peut se poser la question : Pourquoi Ephraim n'a pas écouté les conseils de son père et son frère ? Qu'il fallait quitter la France, l'Europe, que le malheur allait arriver… Mais Ephraim et sa femme avaient déjà fui trois pays différents, depuis la Russie. Ils n'avaient plus l'énergie.
Notamment le court livre III est très intime et dévoile un échange entre Anne et sa soeur Claire concernant leurs prénoms et deuxième prénoms juifs, qui résonnent avec Noémie et Myriam.
Le livre IV, c'est le vécu de Myriam, la résistante et survivante ; une grand-mère hors du commun…
Pour moi,
La carte Postale est un bijoux de littérature, universel, utile et intime. Merci à
Anne Berest de le partager avec nous.
Aussi, si l'écriture de ce livre a permis à
Anne Berest de trouver sa place dans la vie, de resserrer les liens avec sa soeur et sa mère, elle nous montre également que nous pouvons suivre nos intuitions et qu'il n'est jamais trop tard pour s'interroger sur ses origines.