"Entre l'ennui et la vraie vie, ya la distance, et si c'est pas d'la poésie, je plaque tout, mes souvenirs d'enfance, je quitte ma maison…" Prendre le train ne me semble jamais fastidieux, mais le voyage en 'JIM' m'a souvent paru profondément ennuyeux. Les premiers textes m'accrochent, wagons qui parlent de l'âme perdue du train, ses fenêtres, son bar, sa convivialité, envolés. Je m'y sens bien moi, posée, comme un arbre sur Terre. Et je regarde tous ces menus détails qui bruissent et redonnent au train une gueule d'atmosphère : une voiture au loin désuète, des gens, les gares de campagne esseulées désoeuvrées, le café de la gare qui fume encore… (cf. 'Le réflexe de survie, Davodeau'). J'ai mon carnet, presque sur les genoux, je note, je voyage. L'érotisme est bien là, compartimenté, incarné dans cette rencontre improbable, rêvée, attendue sur un quai. Des bruits d'annonces, de locomotive, les bruits de l'extérieur, une fête foraine gare de Couéron. Seveso, la raffinerie que l'on traverse, ses loupiotes, son odeur de pétrole, les chantiers navals au loin, squelettes océaniques, salés, sûrement. Loin du Massif Central, mais rien n'y fait, je suis happé par le voyage, et la lecture de ces pages est contraignante. Des marais, l'eau qui déborde des rivières. Les bêtes qui regardent le regard creux. C'est cela, en train, il ne se passe presque rien, de petites choses, de petites gens autour desquels l'on brode. Des vies à réinventer. En train ! Et me revoilà plongée, au détour d'un mot, dans un souvenir de gare : le toit de Montparnasse, ce jardin sur les têtes, poumon insoupçonné au bout de l'escalier… JIM pourtant nous fait découvrir des écrivains,
Rosie Pinhas-Delpuech, des plumes à retrouver. Journaux et trains, indissociables. Venise-Auschwitz, improbable transfert. L'Histoire me barbe, et celle de la SNCF m'ennuie ; je lève la tête, et j'entends des bribes sur la Compagnie d'Orléans… Je dis vague.. ahh 'Rails' de Chauvel, un polar BD nouveau western, une petite bombe qui me saute à la mémoire. Alors oui bon nombre d'histoires 'jimesques' me rasent, et j'ai l'impression de passer à côté d'un doux voyage… Ouf une bouffée de
Cendrars… L'enthousiasme est rare, mon regard s'évade le long des voies, ferré par d'autres anecdotes, bien vivantes celles-là, palpables dans ma réalité. Tout s'inverse, et c'est le voyage que je passe qui me tient, le livre lui me fait fuir. Ses pages sont inégales, et l'on tarde à arriver enfin en gare. J-B Pouy éclaircit le paysage pour repartir du bon rail, et une lecture viendra encore qui saura m'enlever à mes errances photographiques. Mais jamais je ne me lasserai de ces voyages ferroviaires, même seule, sans jules ni Jim…