Par compassion pour les pieds de Martin, je me décide à prendre ici une daou, une daou de l'Afrique orientale, le plus atroce de tous les moyens de transport. Justement il s'en rencontre, me dit-on, une prêle à partir sur l'heure; je conclus le marché. A la nuit tombante, nous descendons sur la plage, mais pour avoir le plaisir de trouver notre daou encore à sec sur le sable ; ni rames, ni voiles, ni mariniers! Personne n'étant là pour nous donner l'explication du « prête » de tantôt, j'eus à renfoncer ma colère : à minuit, du moins, la marée aurait la bonté de remettre la barque à flot! — Mais à minuit on vient nous dire que la brise ne se lèvera pas avant trois heures. A trois heures je m'élance de ma couchette : partons-nous, enfin?
Le 13 décembre 1882, je m'embarquais pour l'Orient sur le Navarino, vapeur de cette entreprenante compagnie anglo-italienne dont la générosité m'octroyait un passage gratuit. Je quittai le navire à Suez et me permis une pointe rapide sur le Caire. J'assistai au diner d'adieu offert par les membres de la Société de géographie au général Stone, qui retournait dans son pays; le lieutenant Weissmann, en route pour l'Europe, retrempait dans le délicieux climat d'Egypte ses forces épuisées par la brillante campagne où il avait traversé de l'ouest à l'est le continent africain ; Schweinfurth, le célèbre explorateur, me témoigna le plus bienveillant intérêt.
Le sort si souvent réservé aux explorations africaines ermina brusquement celle-ci au moment où Rebmann franhissait le seuil de la nouvelle région. Le chef du Malchamé e dépouilla sans merci; la retraite devenait inévitable. Nul e s'étonnera de voir le courageux pionnier affecté jusu'aux larmes par ce cruel désappointement : son énergie t sa santé succombèrent ensemble, et à grand'peine il reagna la côte.