AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,1

sur 165 notes
5
3 avis
4
1 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Fréquentant de temps en temps les salles de théâtre, j'avais rencontré les oeuvres de Thomas Bernhard, notamment une lecture d'"Extinction" par Serge Merlin, et je fus saisi par son ton très acerbe et sa faculté de parler de l'essentiel de manière simple et précise. Il a donc fait de la littérature mais tout en ne voulant pas en faire. Ce petit roman, est une sorte de récit autobiographique évoquant son amitié avec Paul Wittgenstein, cette amitié n'ayant, vous l'aurez compris, rien à voir avec celles de Facebook ou Babelio. Elle repose sur des personnalités très proches, les deux personnages ayant cette capacité à dévoiler les hypocrisies de leur temps, et de la société autrichienne en particulier. Thomas Bernhard ne nous dresse pas un éloge de son ami disparu, mais cherche les raisons qui cimentèrent cette amitié. Plus que le portrait de Paul Wittgenstein, on assiste plutôt à celui de l'auteur, avec sa belle misanthropie, son esprit critique et son amour de la culture. Un homme qui écrivait pour tenter de changer le monde. Ce ne fut qu'une voix dans la cacophonie ambiante, mais son écho dure encore, j'espère qu'il se prolongera encore longtemps.
Commenter  J’apprécie          160
Après avoir lu Un enfant, voici le second ouvrage de Thomas Bernhard que je dévore passionnément.
Avidement serait plus approprié.
Pourquoi ?
D'abord pour l'écriture. Elle est d'une richesse simplissime. Oui, commenterez-vous, expression complètement paradoxale, ne veut rien dire, que de la décoration et de la surface. Non, réponds-je, pas du tout. Thomas Bernhard écrit des choses simples, des sentiments, des amitiés, des tristesses, des peurs, de la colère (et il en a de sacrément violente et argumentée), de la douleur physique, des angoisses, dans un phrasé construit de manière musicale ou architecturale, et qui débouche sur une impression pour le lecteur grandiose.
J'aime tout particulièrement la construction de la phrase chez Thomas Bernhard. Il place les adverbes ou les propositions (je n'ai pas les termes techniques modernes) souvent en milieu de phrase là où habituellement on les place à la fin. Cela crée des ruptures qui permettent au lecteur de réfléchir, de se réfléchir, de se refléter et en conséquence, de se renvoyer, à condition évidemment qu'il participe de lui-même à cette réalisation, les émotions énoncées, ressenties, vécues par l'auteur.
Nous sommes donc très loin, très loin, de ces petits romans descriptifs, narratifs, très en vogue actuellement, du genre "j'ai fait ceci, j'ai dit cela, j'ai eu... et l'émotion est plaquée"... et moi lecteur ? plaqué ? aussi ?
Ensuite, l'histoire de cette amitié, largement autobiographique est évidemment magnifique, car elle n'est en rien banale. Thomas B. souligne régulièrement les affinités qu'il vivait avec son ami Paul et les oppositions. Or c'est bien cela qui a forgé cette amitié. Reconnaître et respecter les contraires, les disputes qui en résultent. En cela, l'oeuvre de Thomas est d'une sincérité et d'une honnêteté rares.
Et enfin, Thomas se révèle. Car quoiqu'on en dise, cet opuscule est très largement autobiographique. Et que s'en prennent plein leur figure, les médecins (que Thomas hait et quand on connaît sa vie et sa maladie, et l'époque, on peut le comprendre), les politiques, les prétentieux littéraires qui fréquentent les hauts lieux littéraires à Vienne, du coup les Viennois aussi sont dans le collimateur, puis presque tous les Autrichiens.
C'est dans ce livre que Thomas Bernhard raconte le véritable - selon lui- du scandale provoqué lors d'une remise de prix littéraire dont il était le lauréat. Mais il se moque de ces ministres, politiques, qui lisent la fiche préparée par un fonctionnaire de service (je mets l'extrait dans les citations).
Enfin, Thomas Bernhard aborde la mort qui l'attend, qui viendra vite, il le sait, il la sent. Et ces pages sont d'une absolue sincérité et de fait d'une abyssale tristesse, bouleversante. Il dit qu'il ne peut plus voir son ami si cher car si près de la mort, et que cela il ne le peut pas. Et il pose sa culpabilité, son non-courage face à la mort. Lui qui y a été confronté toute sa vie.
Ce livre emmène loin, très loin, dans ce que nous avons à affronter et à éprouver au cours de notre passage.
Je terminerai par ceci : je l'ai lu au cours d'une journée, à 2500 m d'altitude, dans un petit vallon alpin, accompagnée par des abeilles butinant les pensées sauvages me côtoyant et la lumière de ce livre m'a accompagnée bien au-delà.



Commenter  J’apprécie          143
Il existe à l'ouest de Vienne une colline nommée « la colline du Wilhelminenberg » et sur cette colline s'élève un établissement dont un pavillon est consacré aux maladies pulmonaires et un autre aux maladies mentales. Thomas Bernhard séjournait fréquemment au pavillon Hermann alors que son ami Paul Wittgenstein était un habitué du pavillon Ludwig destiné à soigner les malades mentaux. Paul Wittgenstein était issu d'une des plus riches familles de Vienne et le neveu du célèbre philosophe Ludwig Wittgenstein. Homme excessivement cultivé, mélomane et grand voyageur, Paul souffrait d'une sensibilité excessive qui le rendait extrêmement vulnérable et affectait gravement son comportement à un point tel que sa famille devait le faire interner régulièrement. Il avait tendance à dilapider la fortune familiale en donnant de grosses sommes d'argent à de parfaits inconnus qu'il désirait soulager de leur pauvreté. Thomas Bernhard fait sa rencontre chez une amie commune, passionnée de musique comme eux. Ce sera le début d'une amitié qui durera jusqu'à la mort de Paul, misérable, malade, devenu l'ombre de lui-même, vivotant dans un appartement sordide et d'une saleté repoussante.

Thomas Bernhard raconte dans ce livre ses années d'amitié avec Paul, leurs nombreuses affinités artistiques et intellectuelles et leur fréquents séjours dans des cafés viennois où leur principale occupation était le dénigrement de tout ce qu'ils voyaient et de tous les gens qui avaient le malheur de se trouver dans leur champ de vison. Les deux hommes s'entendaient donc comme les deux doigts de la main et cette amitié fut pour Thomas Bernhard une planche de salut qui le sauva du désespoir et de la dépression profonde où il se débattait, alternant entre crises de panique et apathie morbide. Cependant, il trahira son ami et l'abandonnera quelques temps avant la mort de celui-ci, ne pouvant supporter la présence à ses côtés de cet homme déchu, ce mort-vivant dont la vie ne voulait plus et qui traînait sa profonde misère dans le rues de Vienne, lui qui avait vécu une vie si brillante et choyée.

Bien entendu, l'auteur en profite pour fustiger son pays l'Autriche qu'il déteste profondément et il raconte aussi l'absurdité de la cérémonie de remise des prix littéraires qui lui furent décernés. Il narre aussi de quelle façon le Burgtheater a coulé sa pièce de théâtre « Chasseurs » en engageant des acteurs médiocres qui le détestaient et jouaient contre lui.

Un livre d'une sincérité foudroyante comme toujours avec cet écrivain tourmenté aux prises avec une maladie pulmonaire très grave et un psychisme pour le moins perturbé. Un autre chef-d'oeuvre lu avec avidité, un univers unique, une amitié touchante et le portrait d'un original torturé par sa richesse, hanté par la misère du monde, détesté par sa famille et banni par elle, le plongeant dans la misère et le vouant à une déchéance sordide.

Il faut lire le passage décrivant l'activité des écureuils dans le parc… (page 21 de l'édition Gallimard).

« Jusqu'à quarante ans. Je me suis laissé chier sur la tête dans tous ces Hôtels de Ville, dans toutes ces salles des fêtes, car une remise de prix n'est rien d'autre qu'une cérémonie au cours de laquelle on vous chie sur la tête. Accepter un prix, cela ne veut rien dire d'autre que se laisser chier sur la tête parce qu'on est payé pour ça. Jai toujours ressenti ces remises de prix comme la pire humiliation qu'on puisse imaginer, et pas comme un honneur. Car un prix est toujours décerné par des gens incompétents qui veulent vous chier sur la tête, et qui vous chient copieusement sur la tête quand on accepte leur prix en mains propres. »
Commenter  J’apprécie          110


Lecteurs (477) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *}