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Gilberte Lambrichs (Traducteur)
EAN : 9782070383900
253 pages
Gallimard (13/06/1991)
4.15/5   133 notes
Résumé :
Dans le Kunsthistorisches Museum, à Vienne, Atzbacher, le narrateur, a rendez-vous avec Reger, le vieux critique musical. Atzbacher est arrivé une heure à l'avance pour observer Reger, déjà installé dans la salle Bordone, assis sur la banquette qu'il occupe chaque matin depuis dix ans, face à « L'Homme à la barbe blanche » du Tintoret. Pendant une heure, le narrateur se rappelle les citations de Reger ou des conversations portant sur lui. Dans un deuxième temps, qui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Komödie

Thomas Bernhard, victime permanente des verdicts ratés. On l'a décrit pessimiste (il l'est), sinistre (il ne l'est pas), haïsseur de la Terre entière et en particulier de l'Autriche ; Il aime peut-être trop l'amour pour aimer les choses terrestres.
En 1984, sa compagne ("La Tante", de trente-cinq ans son ainée) vient de mourir. Il écrit Maitres anciens, qu'il sous-titre "Comédie". Mais Bernhard n'est pas un écrivain. Il déteste la littérature. Il ne se dit pas romancier, metteur en scène, faiseur de théâtre, ni même narrateur. Il écrit. Quand on lui demande ce qu'il est, il dit qu'il écrit, voilà ce que disait Bernhard.
Poseur de bombes, personne n'échappe à son ire sardonique. Ni le Greco, ni Beethoven, ni Klimt, ni Stifter. On se les gâche tous quoi qu'il arrive. On les kitschifie, quand ils ne sont pas kitsch par eux-même, et c'est notre faute.

Seulement, Bernhard, même quand il est narrateur, n'est que passif. Dans Maîtres anciens, c'est un monologue de Reger, dans la salle Bordonne du Musée des Arts anciens de Vienne. Qui observe L'Homme à la barbe blanche du Tintoret. le personnage, veuf depuis peu (ja) tire à boulets rouges sur tout l'art de ces maîtres anciens. Atzbacher (le narrateur, très peu nommé) relate l'enfer personnel de Reger, qui exprime son obsession pour son fauteuil de la salle Bordonne du Musée des Arts anciens de Vienne, et pour ce qu'il déteste chez le Tintoret, chez les amateurs d'art, les artistes, et globalement chez tous les habitants de ce monde.

Malgré ce qu'on pourrait bien imaginer, ou mal lire, Reger / Bernhard propose des solutions. Sur l'intelligence de l'observation. Ne pas regarder les tableaux de trop près, ne pas lire trop fort, ne pas écouter trop profondément, ne pas aimer trop fort, au risque de tout se gâcher.
C'est tout un art. L'admiration étant le propre de l'imbécile, la frontière est ténue entre le critique d'art moribond et l'amant abstrayant.

C'est donc purement un objet livresque intellectuel. Mais cérébral. Mais sensoriel. Donc jamais quoi que ce soit de tangible. Ce serait du gâchis. D'où la Comédie. le rire point dans l'exagération, dans l'extrêmisme de Eger, dans le dynamitage de toutes les institutions.
Il se trouve que tantôt nous sommes des artistes de la parole, tantôt des artistes du silence, et nous perfectionnons cet art au plus haut point, c'est ce qu'a dit Eger.

Quant au style de Bernhard, ça ne ressemble à rien d'autre. C'est un flux ininterrompu et répétitif de désamorçages d'intrigues, d'idées esthétiques et de paradigmes possibles, tout en n'apportant aucune réponse définitive. A la rigueur, on peut rapprocher Bernhard de la tradition très autrichienne des écrivains qui méprisent leur pays (la Cacanie - comme le caca, oui - de Musil ; la Ronde obscène de Schnitzler ; le Monde d'hier de Zweig).

Thomas Bernhard est un écrivain à points d'ancrage. On voit apparaitre des motifs en permanence, et quand vient une idée, elle est prolongée, enfoncée dans la gorge jusqu'à la nausée, puis annihilée, explosée.

Thomas Bernhard répète à l'envie les mêmes motifs, c'est cela qu'a dit Gepeoh ce jour-là, assis dans son canapé de la rue R******. La philosophie, l'art et l'autrichien est dégoûtant, c'est un pays apathique, pire que tous les pires pays d'Europe, un pays catholico-national-socialiste en décrépitude, a dit Eger dans le fauteuil de la salle Bordonne du Musée des Arts anciens de Vienne, a écrit Artzbacher, arrêtant Eger dans son flux de parole, c'est cela qu'a écrit Bernhard, veuf, installé tristement dans sa ferme de haute-Autriche, or il n'est pas un temps à être lyrique, a relaté Gepeoh depuis son canapé, tout en ignorant que ce flux inexistant en la forme n'est probablement qu'un amusement de plus pour l'humour si singulier et trompeur de Bernhard.

Il n'y a rien, strictement rien qui nous sauvera. La musique, l'amour, la mesure. le jeu peut-être. La comédie. C'est cela qu'a voulu dire Bernhard. Pas négativiste. Désespéré. Dans l'attente de sa mort, la mort d'un tubard.
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Thomas Bernhard et son légendaire cynisme. Je ne sais pas si ce choix était le plus judicieux pour passer le cap de la Saint-Sylvestre mais il est certain qu'il en valait le détour. Pour vous resituer le contexte, ce récit rapporte le long monologue d'un critique d'art, Reger, du point de vue de son interlocuteur, Atzbacher, le narrateur. Assis devant le tableau de L'homme à la barbe blanche du Tintoret, Reger déverse sans discontinuer son aigreur et sa déception des grands maîtres du Musée d'art ancien de Vienne, où se déroule la rencontre, mais aussi d'un grand nombre de penseurs, écrivains, philosophes, etc. Il s'épanche aussi sur le gardien de musée et sa famille, les professeurs d'histoire de l'art, le musée, sa propre femme, les hôtels où il aime se rendre, les toilettes de Vienne, son appartement, et tout ce qui fait son quotidien. Il s'exprime dans un incessant va-et-vient de répétitions et de rabâchements qui ennuiera probablement certains lecteurs mais qui pour ma part, m'a invité à poursuivre la lecture, à creuser encore et encore la rancune du protagoniste.

J'ai lu ce roman en trois temps qui n'ont rien à voir avec sa structure. La première phase a été pour moi jubilatoire : cette mauvaise foi ridicule et assumée de Reger envers tous les grands philosophes que je n'ai pas lu, cette déconstruction des grands penseurs européens sur lesquels je n'ai finalement aucun avis, est tellement saugrenue qu'elle m'a bien fait rire. Ensuite, les vacances de Noël et l'effervescence familiale aidant j'ai eu beaucoup de mal à reprendre ma lecture. Je n'ai pas pu y consacrer les longues plages horaires et la concentration que le style de l'auteur nécessite, j'ai partiellement décroché. J'ai repris le livre début janvier, plus au calme, j'ai pu retrouver le fil de la narration et comprendre l'origine du cynisme de Reger qui s'avère ne pas être gratuit. Une tristesse et un désespoir sans fond ont laissé place à la jubilation première. Ce texte est magnifique et sans réponse. Mais était-ce bien nécessaire de débuter 2016 par tant de vanité avouée ?
Lien : https://synchroniciteetseren..
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On fait connaissance du protagoniste à travers le gardien du Musée des arts anciens qui narre à sa place, qui utilise ses mots pour raconter son histoire et ses perceptions. Ce qui a pour effet de se sentir en face d'un être, d'un état, tout à fait impersonnel.

« Mes parents ont empêché tout ce qui était moi et faisait partie de moi. Dans un mécanisme d'oppression constante, ils ont manqué me tuer à force de protection. Il fallait que mes parents fussent morts pour que je pusse vivre, quand mes parents sont morts, j'ai revécu. »

Un personnage central (une société ?) bourru, sclérosé et qui ne voit que les morceaux manquants.

Pas étonnants que ce dernier, cet homme devenu vieux avant le temps, se fige pendant des heures devant le portrait statique "un homme à la barbe blanche" du peintre Titien. Pour moi c'est clair comme eau de fontaine, il s'agit de son propre miroir. Un homme empli de colère et de violence aveugle contre lui-même.
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Une diatribe, un pamphlet. le style répétitif et le propos qui tourne en rond - je n'ai pas accroché. « Un comique né de l'exagération, une exagération qui fait surgir les vérités qui ne sont pas bonnes à dire, font ici la joie du lecteur » - dixit la quatrième de couverture. Oui, mais qu'est-ce que c'est long…

Tout y passe, les toilettes de Vienne, le Prater, Mahler, Heidegger, les maîtres anciens et les maîtres modernes, le Jugendstil, l'Etat, l'Eglise, le gouvernement, le parlement, la femme de ménage, les soi-disant classes inférieures, l'Autrichien, l'Allemand. Cependant Schopenhauer et Novalis trouvent grâce à ses yeux.

« Peindre ne serait-ce qu'un menton remarquable ou un genou effectivement réussi, aucun de ces soi-disant maîtres anciens n'y est arrivé non plus. Le Greco n'a jamais su peindre ne serait-ce qu'une seule main, les mains du Greco ont toujours l'air de lavettes sales et mouillées [ ] Et en plus, c'est déprimant de ne jamais voir ici, dans ce Musée d'art ancien, qu'un art qu'il faut bien qualifier d'art étatique, d'art étatique habsbourgeois-catholique, ennemi de l'esprit ». P215

Moi j'ai une petite pensée pour Alain Soral.
Sur un réseau germanophone, Maîtres anciens bénéficie d'une très bonne note. Pour ma part, je suis passé à côté.
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Je viens de terminer la lecture de “Maîtres anciens” de Thomas Bernhard et j'ai été fasciné sinon envoûté par ce roman et par la figure de son héros, Reger. Voilà un étrange personnage, un critique d'art octogénaire, qui se rend tous les deux jours au Musée d'art ancien de Vienne pour y observer, des heures durant, toujours sur la même banquette, le tableau “L'homme à la barbe blanche” de Tintoret. Encore un personnage atrabilaire, logorrhéique et désespérément solitaire, comme seul Thomas Bernhard en a le secret; il déverse sa haine sur la société et l'Etat autrichiens. Celui-ci se rend compte, mais un peu tard, alors que son épouse vient de mourir, qu'il n'y a pas que l'art dans la vie mais également l'amour.
Lien : http://schabrieres.wordpress..
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critiques presse (1)
Du9
07 avril 2015
Maîtres anciens est d’une richesse inépuisable.
Lire la critique sur le site : Du9
Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
« Je marche donc dans la ville et je pense que je ne supporte plus cette ville et que non seulement je ne supporte plus cette ville, que je ne supporte plus le monde entier et, par conséquent, l’humanité entière, car le monde et l’humanité entière sont devenus entre-temps si horribles qu’ils ne seront bientôt plus supportables, du moins pour un homme comme moi. Pour un homme de raison tout comme pour un homme de sentiment comme moi, le monde et l’humanité ne seront bientôt plus supportables, sachez-le, Atzbacher. Je ne trouve, dans ce monde et parmi ces hommes, plus rien qui ait quelque valeur pour moi, a-t-il dit, dans ce monde tout est stupide et dans cette humanité tout est aussi stupide. Ce monde et l’humanité ont atteint aujourd’hui un degré de stupidité qu’un homme comme moi ne peut pas tolérer, a-t-il dit, un tel homme ne doit plus faire partie de la vie d’un tel monde, un homme tel que moi ne doit plus faire partie de l’existence d’une telle humanité, a dit Reger. Tout, dans ce monde et dans cette humanité, est ravalé au niveau le plus bas, a dit Reger, tout, dans ce monde et dans cette humanité, a atteint un tel degré de danger et d’ignoble brutalité qu’il m’est déjà presque impossible de me maintenir ne serait-ce qu’un seul jour, et puis encore un autre, dans ce monde et dans cette humanité. Un tel degré d’ignoble stupidité, même les penseurs les plus clairvoyants de l’histoire ne l’ont pas cru possible, a dit Reger, et pour ce qui est de nos poètes fameux du monde et de l’humanité, eh bien, ce qu’ils ont prédit et prophétisé au monde et à l’humanité, en fait d’abomination et de décadence, n’est rien comparé à la situation actuelle. Dostoïevski lui-même, l’un de nos plus grands voyants, il n’a décrit l’avenir que sous l’aspect d’une idylle ridicule, tout comme Diderot n’a décrit qu’un avenir ridiculement idyllique, l’enfer atroce de Dostoïevski est tellement anodin comparé à celui dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui qu’on en a des sueurs froides rien que d’y penser, les enfers prédits et prophétisés par Diderot, pareillement. L’un, de son point de vue russe tourné vers l’Orient, a aussi peu prévu et prédit et prophétisé cet enfer absolu que son pendant, penseur et écrivain tourné vers l’Occident, Diderot. Le monde et l’humanité sont parvenus à un état infernal auquel le monde et l’humanité n’étaient encore jamais parvenus au cours de l’histoire, voilà la vérité, voilà ce qu’a dit Reger. En fait, c’est positivement idyllique, tout ce que ces grands penseurs et ces grands écrivains ont prophétisé, a dit Reger, tous tant qu’ils sont, bien qu’ils aient estimé avoir décrit l’enfer, n’ont tout de même écrit qu’une idylle positivement idyllique, voilà ce qu’a dit Reger. Tout ce qu’on trouve aujourd’hui est rempli de grossièreté et rempli de méchanceté, de mensonge et de trahison, a dit Reger, jamais l’humanité n’a été aussi impudente et perfide qu’aujourd’hui. Où que nous regardions, où que nous allions, nous ne voyons que méchanceté et bassesse et trahison et mensonge et hypocrisie et jamais rien que l’abjection absolue, peu importe ce que nous regardons, peu importe où nous allons, nous sommes confrontés à la méchanceté et au mensonge et à l’hypocrisie. Que voyons-nous d’autre que mensonge et méchanceté, qu’hypocrisie et trahison, qu’abjection la plus abjecte lorsque nous sortons ici dans la rue, lorsque nous nous hasardons à sortir dans la rue, a dit Reger. Nous sortons dans la rue et nous entrons dans l’abjection, a-t-il dit, dans l’abjection et dans l’impudence, dans l’hypocrisie et dans la méchanceté. »
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En fin de compte, il est bien mieux de ne lire que trois pages d’un livre de quatre cents pages mille fois plus à fond que le lecteur normal qui lit la totalité du livre, sans lire une seule page à fond, dit-il. Il est mieux de lire douze lignes d’un livre avec une intensité maximale et ainsi de les pénétrer totalement, comme on peut le dire, que de lire le livre entier comme le lecteur normal qui à la fin connaît aussi peu du livre qu’il a lu que le passager d’un avion un paysage qu’il survole. Il ne perçoit même pas les contours. C’est ainsi que tous les gens lisent tout aujourd’hui, en survolant, ils lisent tout et ne connaissent rien. Je rentre dans un livre et m’y installe de tout mon corps, rendez-vous compte, dans une ou deux pages d’un ouvrage philosophique, comme si j’étais en train d’entrer dans un paysage, une nature, un État, un fragment de la Terre si vous voulez, afin de pénétrer totalement et pas à moitié ce fragment, afin de l’explorer et, une fois celui-ci exploré, d’en déduire la totalité avec toute la profondeur dont je dispose.
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Mieux vaut lire douze lignes d'un livre avec la plus grande intensité, donc de les pénétrer entièrement, comme on peut le dire, que de lire tout le livre, comme le lecteur ordinaire qui, à la fin, connaît aussi peu le livre qu'il a lu que le passager d'avion le paysage qu'il survole. (P31)
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Il n'y a rien à admirer , rien, rien du tout. Parce que le respect et l'estime sont trop difficiles pour les gens, ils admirent, cela leur coûte moins cher . L'admiration est plus facile que le respect, que l'estime, l'admiration est le propre de l'imbécile . Seul l'imbécile admire, l'intelligent n'admire pas, il respecte, estime, comprend, voilà.
p 101
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Nous haïssons les gens et nous voulons tout de même vivre avec eux, parce que c’est seulement avec les gens et parmi eux que nous avons une chance de continuer à vivre et de ne pas devenir fous.
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Vidéo de Thomas Bernhard
Le 17 mars 2021 a disparu le comédien Jacques Frantz.
Sa voix de basse, puissante, vibrante et expressive, était particulièrement appréciée dans l'art du doublage. C'est tout naturellement que, en 2007, il a rejoint les grandes voix de « La Bibliothèque des voix » pour immortaliser dans un livre audio l'ancien acteur shakespearien désabusé dans la pièce de Thomas Bernhard « Simplement compliqué ».
Nous partageons cet extrait pour lui rendre un dernier hommage et adressons nos pensées émues à sa famille.
- - - Le texte imprimé de « Simplement compliqué » de Thomas Bernhard a paru chez L'Arche Éditeur, en 1988. Direction artistique : Michelle Muller.
+ Lire la suite
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Romans, contes, nouvelles (879)
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