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3,66

sur 308 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
4 novembre 2008, c'est l'effervescence aux Etats-Unis. La foule est en liesse, la population trépigne d'impatience de savoir si oui ou non son pays va marquer l'histoire à tout jamais...
C'est au beau milieu de cette ferveur que Laura, quarantenaire, a décidé de mettre fin à ses jours en ce jour si doux de novembre. Résignée, arrivée au bout de sa vie, lui semble-t-il, n'espérant plus rien de bon, elle en a fait le tour et pense qu'il est temps d'arrêter là. Elle l'a décidé, ce sera pour ce soir. Ni ses fils, éloignés physiquement mais surtout psychologiquement, ni son ex-mari avec qui elle n'entretient plus aucun lien et qui a l'a fichu à la porte du jour au lendemain, ni son boulot à mi-temps dans une petite cafétéria au coin de la rue, ne trouveront grâce à ses yeux...
Samuel, quant à lui, gringalet, sans force aucune, n'a pas émergé de chez lui depuis 5 jours, c'est à dire depuis que son fils, Paul, a mis fin à ses jours. Un coup dur pour ce peintre légèrement hippie, papa à mi-temps qui se partageait la garde avec son ex-femme, Claire. Face à un adolescent un brin rêveur, ou était-ce de la tristesse, souvent la tête dans les livres, Samuel n'a pas compris le geste si incongru et inattendu de son fiston. Aurait-il pu deviner son acte ? Aurait-il pu le regarder d'un peu plus près ? Lui consacrer plus de temps ? Pourra-t-il surmonter la perte de cet être si cher ? Autant de questions qui se bousculent et auxquelles il tentera d'y apporter un semblant de réponse...

Deux âmes perdues, deux écorchés vifs, deux destins brisés... Des douleurs, des non-dits, des ressentiments... Dans cette ville de Los Angeles, Philippe Besson entrecroise deux personnes que rien ne semble rapprocher... Et, pourtant... C'est le récit bouleversant et mélancolique de la triste réalité de la vie qui éclate comme une bulle de savon, la solitude qui semble s'être immiscée depuis des années, l'indifférence, la désolation, la tristesse qui s'imprègne et la souffrance continuelle... C'est le récit attendrissant de deux âmes face à leur destin... Alternant successivement Laura ou Samuel, l'on se doute que ces deux-là vont finir par se rencontrer... Et, l'on espère intimement que chacun sera d'une grande aide pour l'autre... L'on espère de tout coeur que cette belle journée de novembre se terminera sous de bons auspices... D'une écriture tendre, émouvante, compatissante et touchante, l'auteur nous offre ainsi une jolie rencontre sur front de mer...

Une bonne raison de se tuer... et d'autres encore...
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Laura s'assoit à la table de la cuisine. La vaisselle du petit-déjeuner a été lavée, essuyée, rangée dans ses placards. Une cuisine propre, ne pas laisser traîner des miettes d'une vie. Elle a un bloc-notes, une page blanche, encore. le stylo à la bouche, elle réfléchit à ce qu'elle va écrire. L'inspiration ne vient pas, dans ce moment-là. Que doit-elle écrire d'ailleurs ? Sa vie, ses manques, ses motivations. Dire qu'elle se sent seule, divorcée, les enfants partis qui ne reviennent que pour lui emprunter de l'argent. de toute façon, aucun mot ne saurait exprimer ce qu'elle ressent, excuser ce qu'elle s'apprête à faire. Alors, elle griffonne juste cette phrase « Je n'ai pas eu le choix, pardon. » Des mots, très forts, qui résonnent encore en moi... en moi... comme un écho... Je n'ai pas eu le choix. Et ce pardon, à la fin, si intime qu'il lui donne une force supplémentaire.

Samuel se lève aussi. La gueule en vrac, le salon sent autant le whisky que les restes de pizza d'il y a trois jours. D'ailleurs, les bouteilles vides jonchent sous le canapé, les cartons à pizza s'amoncellent en quinconce sur la table du salon. Il arrive à atteindre la porte, ouvrir, s'engouffrer dans la brise du levant. Dehors, le soleil commence à réchauffer le sable, un jeune en bermuda et tee-shirt jaune le regarde fixement. Il prend sa planche de surf, les vagues matinales sont les seules à lui donner un coup de fouet.

Deux chapitres de l'un, deux chapitres de l'autre. A tour de rôle, je me retrouve dans la peau de Laura, puis dans celle de Samuel. Tous deux ont une profonde tristesse en eux. Dans le genre on ne s'en remet pas. Laura a décidé de se suicider ce soir. C'est son choix, mais aussi son destin. Elle a toujours su qu'elle finirait comme ça. Pour certaines personnes le suicide est une évidence. Je le comprends, je le sais même, je le ressens. Samuel enterre son fils aujourd'hui. Il s'est suicidé dans l'enceinte de son école. Il m'est difficile d'imaginer une telle douleur. Pourtant… pourtant, je me suis souvent mis à sa place ; comme à celle de Laura.

Il y a des romans qui me parlent. Celui-ci est en moi. Il est douloureux, totalement triste. Il ne plaira pas à tout le monde. Pour moi, c'est le meilleur Besson que j'ai lu. Il est sublime. Mais il n'est pas fait pour tout le monde. Car certains discours, certains actes, tu n'as pas forcément envie de les entendre, de les lire, de les comprendre. le suicide est ancré dans l'âme de certaines personnes, et quoiqu'il se passe, quoiqu'il advienne dans la vie, dans la rue ou dans la vague, il y a toujours une bonne raison pour se tuer. Un putain de bouquin !
Lien : https://memoiresdebison.blog..
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Un titre brutal, tiré d'une citation de Cesare Pavese...

Un roman bouleversant, dont le lecteur ne peut se détacher, cherchant passionnément à savoir si les deux solitudes, les deux tristesses de cette histoire vont ou pas se reconnaître, se rencontrer, conjurer le sort. On pense aux " Heures souterraines" de Delphine de Vigan.

Laura, rejetée de son rôle parfait de femme au foyer, de mère dévouée, échouée, seule, inutile. Prête à disparaître, se diluer.

Samuel, peintre bohème à l'enfance fracassée, qui va devoir assister à la crémation de son fils unique, avec ce poids de son suicide sur le coeur.

Une journée particulière s'égrène, elle court vers l'ultime obscurité, elle précipite le lecteur dans l'angoisse, elle creuse les pensées de Laura et Samuel ,révèle leurs failles, leurs pensées les plus secrètes. L'auteur est si doué pour écrire l'introspection que nous devenons intimes des douleurs, de la fragilité, du chagrin de chacun. Il se glisse même parmi les personnages, dans ce café où travaille Laura, comme un témoin du destin.

Une journée de tension, de révélations, une journée définitive.

Et là , sur le front de mer californien de Newport Beach, sur un banc , pendant que les américains attendent fébrilement de savoir si Obama va être élu, se joue autre chose. Un moment intense, violent. Éphémère comme est la vie.

Un des plus beaux livres, selon moi, de Philippe Besson. D'une tristesse infinie, mais merveilleusement transcrite. A lire!



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Un coup de coeur selon mes critères, c'est un roman qui me noue le ventre et le coeur, qui laisse quelques larmes s'écouler de mes yeux, qui me laisse dans les bras des personnages.
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Une bonne raison de se tuer est un coup de coeur.
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Laura et Samuel, deux êtres accablés par la perte, perdus dans un présent qui ne leur ressemble plus et dans un avenir qu'ils n'imaginent plus, tour à tour se racontent à nous afin de comprendre ce qui les tue et ce lien invisible qui les unit.
A travers de courts chapitres, on entend Laura et puis Samuel. Des ressentis, des souvenirs, des questions, des émotions à la pelle, sur quelques heures à peine, j'ai ressenti une compassion et une douleur pour ces deux là. Des romans noirs et « désespérants » sur le thème du suicide, du sens à donner à sa vie, cela ne manque pas mais ici ce qui m'a le plus scotchée, c'est cette véracité et authenticité dans les tiroirs intérieurs de l'âme.
Laura et Samuel sont reliés par un fil, celui du deuil, l'éloignement des enfants devenus grands pour l'un et la mort pour l'autre.
Je n'ai ressenti aucune lourdeur dans ce roman malgré son côté noir, je l'ai trouvé tellement juste et percutant.
Le livre est fluide, m'atteignant direct, m'arrêtant sur certains passages qui résonneront encore longtemps chez moi.
Merci à Sabine (dont sa critique est passée récemment sur mon fil d'actualité) et à Babelio de permettre la découverte et le partage d'aussi beaux romans.
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Pour 2 livres achetés celui-ci m'était offert !!!
La bonne pioche ! et quelle chance que ce fut celui-ci.
Bien écrit, intéressant, tellement humain et vrai.
Je ne pense pas qu'il existe de plus grande douleur que celle de perdre un enfant, par suicide de surcroit, et je ne pense pas, non plus, qu'il y est plus grand désespoir que de vouloir se suicider .
Besson nous fait partager ces 2 cheminements parallèles, sans pathos, sans voyeurisme, mais avec un ton et une douceur merveilleuse.
Les descriptions de Los Angels sont également très justes.
C'est un très bon Besson.
Un superbe livre, à ne pas mettre entre toutes les mains, néanmoins.
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« Sombrer pour de bon, plonger dans un coma, que ce soit profond, très profond, un fond d'océan, un abysse depuis lequel on ne peut plus distinguer aucune lueur, une sorte de mort. »
 
4 novembre 2008, l'Amérique s'apprête à élire un nouveau président. Les citoyens se ruent aux urnes, au terme de cette journée, les américains auront-ils élu un Afro-Américain à la tête des États-Unis? Suspendus à leur téléviseur, le pays est dans l'attente. le souffle retenu, en apnée...
 
Laura n'est pas allée voter ce jour-là. Elle retient aussi son souffle, pour d'autres motifs, car au terme de cette journée, c'est sa vie qu'elle va foutre en l'air. N'en a rien à cirer des élections présidentielles et de son soi-disant devoir démocratique. L'Amérique est malade, à quoi bon...
 
4 novembre 2008.
 
Un mari, deux beaux enfants, elle vivait dans les quartiers huppés de Los Angeles, l'American dream, le drapeau qui flotte au vent, triple entrée de garage avec voitures de luxe. Mais ce qu'elle aimait, de ce temps-là, c'était le sentiment d'indispensabilité, les heures surchargées dont il ne reste qu'une cruelle langueur, l'écroulement des jours, l'écoulement insupportable du temps. Laura marche sur des sables mouvants, déséquilibrée par l'audace assassine des remous sournois, ceux qui vous entraînent vers le fond des mers noires. Pour toute consolation, il ne reste que la récurrence des gestes quotidiens, rassurants, les actes répétitifs, banals en somme. Se réveiller chaque jour à la même heure, aller travailler au Joey's Cafe, les yeux dans le vide, rougis, mais y être quand même. Les rêves se sont envolés, écroulés, les illusions avec, que reste-t-il d'espoir que toute cette douleur cesse enfin? Lâcher prise, parce qu'il le faut inévitablement, qu'importe l'issue.    
 
L'Amérique s'apprête à élire un nouveau président, mais Laura n'en a vraiment rien à foutre. Elle est plongée dans cette même solitude amère dans laquelle nous enlise la société contemporaine.  
 
Faut-il une bonne raison pour se tuer? Non, juste l'épanchement fade des jours. « La solitude sentimentale, la fragilité sociale, le défaut d'avenir, le désarroi face au temps qui passe, l'inaptitude à trouver sa place, l'engourdissement général, une infirmité, une imbécillité... »
 
« Je n'ai pas eu le choix, pardon. »
 
4 novembre 2008.
 
Aujourd'hui, Samuel enterre son fils Paul, 17 ans. Il vient de se suicider et son père n'avait perçu aucun signe avant-coureur. Il est plongé dans la torpeur - comment peut-il en être autrement... ? - la culpabilité, l'épuisement, l'abattement, les nuits sans repos… Une envie de fuir le réel. Comme Laura, lui manquent les heures surchargées dont il ne reste qu'une cruelle langueur, l'écroulement des jours, l'écoulement insupportable du temps. Souvenirs douloureux de Paul sur sa planche de surf, affrontant la vague, cherchant l'équilibre. Bordel de vie, la vie qui perd pieds, le chagrin sous la vague, plus d'air, une écume de maux, un naufrage de l'âme. Ne même plus voir la ligne d'horizon. Et sombrer...  
 
« L'océan, c'est autre chose. C'est la turbulence, c'est aussi l'interminable, l'inintelligible, l'inattaquable. Une pureté qui gronde. »
 
L'Amérique s'apprête à élire un nouveau président, mais Samuel n'en a vraiment rien à foutre. Il est plongé dans cette même solitude amère dans laquelle nous enlise la société contemporaine...  
 
Faut-il une bonne raison pour se tuer? Non, « ça ne peut être seulement qu'une accumulation, un moment d'épuisement, une pulsion, un abattement insurmontable, ne plus trouver la force de continuer... »    
 
« Je n'ai pas eu le choix, pardon. »
 
Ce roman de Philippe Besson est une claque en plein visage, de ces gifles qui laissent des traces éternelles. C'est une rare et riche introspection de l'âme humaine submergée par le vide et la mélancolie, l'isolement. le triste portrait d'une société égoïste, celui d'une Amérique malade qui a perdu ses repères, une structure sociale dans laquelle les armes à feu sont devenues le plus important symbole de liberté individuelle. L'Amérique se fiche de Laura et Samuel, aujourd'hui on est le 4 novembre 2008 et elle s'apprête à élire un nouveau président...
 
« Un jour, il n'y aura plus de reproches, de regrets, de repentirs, il n'y aura que de la douceur. Plus de visions atroces, de corps suspendu, de cercueil consumé, d'urne, seulement des images radieuses. Des aquarelles. »
Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
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j'ai adoré !!! On m'avait conseillé plusieurs fois Philippe Besson, et j'ai bien compris pourquoi. Une histoire forte en émotions mais sans pathos ni apitoiement, des personnages consistants sans être stéréotypés, une maîtrise du temps et de la progression du roman, même si certaines choses et quelques grandes lignes sont assez prévisibles. L'écriture est simple et fluide, très agréable. Les personnages sont humains, paradoxaux, ordinaires jusque dans leur tragédie intime. Vraiment, je me suis régalée de chaque chapitre, ce roman est une peinture formidable de l'âme humaine face au chagrin indicible, en même temps qu'une fable sur le fil ténu qui fait (ou pas) bifurquer les destins.
Lien : http://ploufsurterre.canalbl..
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Une femme, un homme, une journée à Los Angeles.
Pas n'importe quelle journée, le 04 novembre 2008, celle de l'élection d'Obama aux Etats-Unis.
Bon nombre d'américains place bien des espoirs dans cette journée.
Pour Laura Parker, ce jour est bien particulier… Elle a décidée de se donner la mort. Quant à Samuel Jones, le moment est horrible, c'est le jour des obsèques de son fils… Cette femme et cet homme ne voteront pas !
Une suite de courts chapitres rend compte successivement de l'emploi du temps de l'une puis de l'autre. Ils ne se connaissent pas mais, ils vivent, ressentent de manière similaire ou proche divers moments, divers événements. Deux vies en parallèle qui se répondent, qui s'accordent dans la douleur.
Vont-ils à un moment se croiser ? se retrouver ? L'un sauvera-t-il l'autre ? Sans doute, sinon, quel intérêt aurait ce roman ! C'est ce qui m'a tenu tout au long de ma lecture. Besson va-t-il oser an happy end ? Pourquoi pas ? J'aimerais… mais j'en doute …
Quelle facilité dans son écriture à partager le mal-être, le doute, quelle fluidité dans l'enchaînement et l'articulation entre ces deux itinéraires chaotiques, ces lignes de vies brisées, quelle pudeur pour entrer dans l'intimité de Laura, de Samuel et dévoiler l'insaisissable pour faire apparaître les failles qui rendent l'un et l'autre si fragiles.
J'ai fait durer le dernier chapitre de ce récit. Je ne voulais pas savoir…
Je partage largement l'avis de François Busnel qui disait à propos de Philippe Besson : « Sans doute l'un des meilleurs romanciers français surgis au cours de ces dernières années ».
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La Feuille Volante n° 1135
Une bonne raison de se tuerPhilippe Besson – Juillard.

Novembre à Los Angeles est un peu frais et l'Amérique s'apprête à voter pour Obama. Laura Parker, 45 ans, divorcée, se réveille, solitaire et lointaine, dans cette ville étonnamment calme. Sa tête est vide, ses enfants sont loin et cette journée ne sera pas pour elle semblable aux autres. Samuel Jones, divorcé, est un peintre vaguement hippie, un homme un peu marginal. Il émerge lui aussi, mais son réveil plein de souvenirs ressemble à un retour de cuite, aujourd'hui il va enterrer son fils de 17 ans, Paul, qui s'est suicidé.  Il est un père désormais orphelin même s'il n'y a pas de mot pour exprimer cela. Laura et Samuel sont deux quidams qui, à ce moment du récit, ils ne valent pas mieux l'un que l'autre, lui à cause de son deuil et elle parce qu'elle a décidé de mettre fin à sa vie qui n'a été qu'un échec. L'auteur nous décrit leur dernière journée, presque banale, évoque leur histoire personnelle où la tristesse ordinaire domine et avec elle la certitude de ne pas être à sa place, la culpabilisation, les souvenirs, les questions et l'envie pour Laura de mettre un terme à ce qui est devenu avec le temps un poids insupportable.

L'histoire fictive de ces deux personnages ne me paraît pas si éloignée de la réalité et nous avons tous un avis que la question, forcément forgé en fonction de notre caractère, de notre personnalité ou des événements qui ont jalonné notre parcours. C'est un vaste sujet que celui de la vie que l'auteur choisit de traiter à travers ces deux personnes qui ont en commun un mal-être qu'ils combattent comme ils peuvent : Samuel qui n'a jamais eu de chance et qui vient de perdre son fils unique et Laura qui jette sur son itinéraire personnel un regard désabusé. Tous les deux survivent comme ils le peuvent dans une vie au quotidien, accrochés à leurs souvenirs et à leurs regrets. Tous les deux ont une bonne raison de se tuer, sûrement différente de celle qui a projeté Paul dans la mort. L'auteur évoque leur vie qui se déroule indépendamment l'une de l'autre, ils ne se connaissent pas, finiront par se croiser par hasard mais cette rencontre sera presque muette, impersonnelle et je sais gré à l'auteur d'avoir évité l'épilogue facile auquel peu ou prou le lecteur s'attend, surtout sur fond de liesse populaire électorale, pensez-donc, un noir à la « Maison Blanche », ça ne s'était jamais vu !

Philippe Besson choisit de nous parler de la vie en évitant de nous dire, comme une abondante littérature nous le rappelle à l'envi, qu'elle est belle et qu'elle vaut la peine d'être vécue. Cela, on l'entend tous les jours, comme si elle était un long fleuve tranquille, comme si elle ne nous réservait pas plus d'épreuves que de joies. C'est un poncif, mais face à elle, il y a différentes manières de réagir. Samuel entame sa résilience qui sera longue et douloureuse. Son art l'y aidera peut-être mais il y a fort à parier que ses tableaux en seront les témoins et que « cette belle lumière » qu'il est venu chercher sur la côte ouest prendra des teintes grises et sombres. Laura a une attitude inverse et tente, par le travail et un semblant de lutte quotidienne, d'exorciser ses souvenirs d'avant, quand elle était mariée et avait une famille. Tous les deux sont assaillis par la culpabilisation de n'avoir peut-être pas fait ce qu'il fallait au moment où il le fallait, par les remords , par la malchance qui s'attache à leurs pas depuis le début aussi, mais si la mort de son fils bouleverse Samuel, c'est la décision de Laura pour elle-même qui la perturbe parce qu'on la sent épuisée, entre hésitations et déterminations. Je note que l'auteur n'a pas résisté à s'insinuer dans son propre roman par un clin d'oeil malicieux. Est-ce pour lui la marque d'un solipsisme inévitable ou une manière de donner sa propre réponse à cette question ? Allez savoir !

Il m'a semblé que l'auteur nous invitait aussi à réfléchir sur l'amour, la famille, la vie qu'on donne (ou qu'on impose) aux enfants qui vont naître de l'union d'un homme et d'une femme. Cette vie va couronner ou conforter leur amour, assurer une descendance ou n'être qu'un accident. ; On peut toujours y aller de ses projets, de ses serments, mais les choses changent et parfois la trahison et d'adultère s'insinuent dans les couples et les font éclater. On a certes le droit de refaire sa vie avec quelqu'un d'autre au nom d'une erreur parce que notre liberté nous en fait les propriétaires, mais nous appartient-elle vraiment ? Ce sont les enfants qui paient ce genre de bouleversements, ils en sont durablement ébranlés et leur vie future reste marquée par cette épreuve pour laquelle ils ne sont pas préparés, au point parfois de la reproduire eux-mêmes. Paul a dû être à ce point ravagé par la séparation de ses parents qu'il a voulu briser sa solitude et qu'un échec sentimental lui a paru insurmontable. Samuel et Laura ont connu ce conflit conjugal et ne voient leurs enfants qu'au titre du « droit de visite », c'est à dire en pointillés et cet éclatement, cette vie entre deux foyers, contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire en parlant des « familles recomposées », n'est pas vraiment pour eux un facteur d'équilibre, pas plus d'ailleurs que pour leurs parents restés seuls parce qu'ils ont été abandonnés par leur conjoint. Est-ce là, une bonne raison de se tuer ? Qu'on ne compte pas sur moi pour répondre à cette question mais l'état de déréliction qui résulte de ces situations conduit parfois à l'autodestruction à petit feu par l'alcool ou la drogue, ou au suicide parce que la vie est soudain devenue insupportable, parce que c'est une délivrance et qu'on n'a plus la patience d'attendre, qu'on a le sentiment de ne plus servir à rien ni à personne, qu'on n'a plus le courage de résister...

Je l'ai déjà dit dans cette chronique, mais j'associe souvent Philippe Besson au peintre américain Edward Hopper, comme si aux mots de l'un répondaient les couleurs silencieuses de l'autre ; comme si les personnages qu'ils nous donnent à voir, chacun à leur manière, avaient en commun cette vacuité, cette solitude, cette attente désespérée d'on se sait trop quoi, cette interrogation silencieuse coincée entre un passé trop lourd et un avenir trop incertain, des hommes et des femmes accablés par le chagrin, la détresse ou la souffrance, l'incompréhension, les remords et qui ne parviennent pas à se convaincre que cette vie peut être belle, comme si leurs deux talents donnaient à voir des êtres perdus dans cette société humaine dont on nous dit qu'elle est caractérisée par la vitesse, la communication, l'entraide... Chacun dans leur style ils expriment, pour l'avoir sans doute vécu douloureusement eux-mêmes, ces drames intimes et anonymes du quotidien qui se déroulent dans l'indifférence générale, ces certitudes d'être inutiles pour soi-mêmes et pour les autres, de n'être rien qu'une vie qui ne vaut rien, qu'une somme de jours qu'on peut interrompre parce que cela passera inaperçus et que ce sera une délivrance.

La musique des mots de Besson est à la fois fluide et triste mais elle me parle et j'y suis sensible.  J'ai lu ce roman passionnant et fort bien écrit avec passion et ces courts chapitres montrent bien cette écume des jours et tressent cette ambiance familière d'un quotidien dérisoire et déprimant qui vous broie et vous détruit à petit feu, loin des clichés illusoires d'une vie idéale qui n'existe pas.

© Hervé GAUTIER – Mai 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Avec un titre pareil, j'étais un peu refroidi en imaginant déjà ce que je pourrais y trouver. Sans parler de cette couverture que je trouve affreuse. Tout ça ne me donnait pas trop envie, mais bon, comme en général j'aime bien les romans de Philippe Besson...j'ai décidé de lire son dernier roman paru en janvier dernier...et rapidement mes réserves ont vite disparues...

Le roman se déroule sur une journée pour ces deux personnes au bord du gouffre. Deux solitudes qui vont finir par se rencontrer. Philippe Besson évite le côté larmoyant et pleurnichard, malgré quelques scènes clichées que l'on pardonnera facilement. Il ne cède pas non plus à une fin facile et attendue.

Si ses deux précédents romans m'avaient laissé un peu sur ma faim, Philippe Besson revient avec force. Cette fois-ci, il prend son temps avec ses personnages. Raconter le mal être, souligner les fêlures avec délicatesse et sensibilité, l'écrivain en a fait “sa marque de fabrique”. Ce fut un réel plaisir de retrouver cette écriture si fluide et évidente.

Philippe Besson a ce talent de mettre en mots nos pensées les plus intimes, les détails du quotidien à priori sans importance mais qui sont de véritables révélateurs de nos attitudes et de nos actes.

Au final un roman à ranger, selon moi, parmi les meilleurs de cet auteur (avec Son frère, Un instant d'abandon ou encore Un homme accidentel).
Lien : http://fromtheavenue.blogspo..
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