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3,85

sur 440 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"La main dans la main, à l'aventure et lentement, à travers l'Eden, ils cheminèrent seuls."
(J. Milton, "Le Paradis perdu")

Nostalgie baroque, quand tu nous tiens !
Les épreuves du roman "Là où les tigres sont chez eux" n'ont enchanté aucun éditeur. S'ils n'étaient pas perplexes devant le long pseudonyme archaïsant choisi par l'auteur (Roblès a vraiment quelque peu arrangé son nom, en hommage au premier éditeur/imprimeur de "Don Quichotte" de Cervantès), ils étaient ensuite déstabilisés par le pavé irrésumable de presque mille pages, dédié primairement à l'excentrique et aujourd'hui oublié jésuite Athanase Kircher (1601-1680).
Roblès a mis dix ans à écrire son roman, et il en a fallu dix autres avant que les éditions Zulma ne tentent l'aventure... pour le plus grand bonheur des lecteurs.

Un grand nombre de bons romans peuvent être qualifiés d'"irrésumables", sans pourtant être "illisibles", et c'est bien le cas de ces réjouissants "Tigres". Roblès nous propose un gracieux mélange de roman historique et de roman d'aventure, de fable philosophique et de roman psychologique, d'aphorismes, de folklore et de savoir encyclopédique, agrémenté encore par un zeste de cette étrange atmosphère typique pour les auteurs latinoaméricains. Afin que les feuillets de ce brouillon expérimental ne se dispersent pas aux quatre vents, il a fallu trouver une agrafe symbolique pour les retenir : le personnage de Kircher.

Ce "dernier homme de la Renaissance", ou "le Léonard baroque", qui englobe à lui seul tout le savoir de l'époque, mais dont les théories mégalomanes se révélaient systématiquement toutes fausses, rappelle l'émouvante et pathétique figure de Don Quichotte. Ses expériences - déchiffrage rapide des hiéroglyphes égyptiens, ballet exploratif sur un volcan en éruption, calculs des dimensions exactes de l'arche de Noé, machines volantes, miroirs ardents, orgues à chats, culture de toutes sortes d'organismes sur son propre corps - ne sont que des excursions dans les impasses du savoir, pour annoncer à ses successeurs : "Non, les amis, le chemin ne passe pas par là !". Sans le savoir, Kircher était doté de l'aptitude géniale à l'erreur, mais sa curiosité sans borne en fait, paradoxalement, une sorte de fondateur de la véritable science, et un précurseur des futurs Pasteurs et Champollions.
Mais l'aventure de la science moderne et les réflexions sur les chemins tortueux de la connaissance humaine ne sont qu'une des nombreuses dimensions du roman. le plus souvent, Roblès revient vers des questions philosophiques et métaphysiques que se pose son infatigable jésuite. Les destins des autres protagonistes font écho aux méditations de Kircher sur le sens de la vie, la place de l'homme dans le monde et la recherche des Paradis perdus.

Deux héros du roman sont directement liés à Kircher. Il s'agit d'Eléazard von Wogau, correspondant brésilien pour un journal français, qui prépare un article sur une curieuse biographie du jésuite, écrite prétendument par son élève et admirateur enthousiaste Caspar Schott. En même temps, son ex-femme Elaine, paléontologue de renom, prépare une expédition dans la jungle à la recherche de fossiles uniques. Expédition malheureuse, qui ne frôlera que trop près les Paradis perdus, quand sa seule chance de survie deviendra une tribu primitive de la forêt vierge, dont les rites confus sont encore liés à... Kircher !
Le destin des deux autres protagonistes - Moéma, la fille d'Eléazard, qui noie ses rêves naïfs sur le Brésil précolombien dans l'alcool et la drogue, et Nelson, petit truand handicapé qui tisse, dans la misère infinie des favelas, des projets fous sur l'assassinat du gouverneur de l'état de Maranho - sont liés à Kircher seulement par des allusions. D'autant plus amusante est la tâche du lecteur, de chercher des analogies entre les passages du journal de Schott et l'histoire qui se passe au Brésil actuel.

Le jeu de Roblès avec l'attention de son lecteur, concrètement les variations diverses sur le "texte dans le texte", fait un peu penser au "Manuscrit" de Potocki ou à la tradition de L'Oulipo. Il suffit de regarder, par exemple, "L'Idolâtre", le poème préféré de Kircher : la fin du roman révèle (ou pas !) que cette méditation spirituelle n'est pas vraiment ce qu'elle semble être, tout comme Kircher lui-même, et tout comme les élans vertueux des protagonistes principaux.
Avec ses jeux littéraires, ses illusions théâtrales et sa logique presque détective, ce livre "baroque" nous entraîne lentement dans le tourbillon des aventures les plus incroyables du corps et de l'esprit.
Le Brésil de Roblès, à la fois beau et cruel, n'est pas seulement une image hyperbolique du monde actuel, ce "trou noir qui s'effondre à l'intérieur de lui-même". C'est une métaphore qui se réfère à la citation de Goethe qui ouvre le roman, mais aussi à Borges, et à son image de la vérité comme un tigre : un être discret qui évite la lumière crue de toutes les idéologies univoques, capable de vivre seulement dans le clair-obscur ambigu de la jungle sauvage. Ce n'est que là où ces tigres peuvent être vraiment "chez eux". 4,5/5
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Un roman fleuve oui, mais intrépide. Ma première lecture de cet auteur, qui m'a totalement conquis, un savant mélange d'érudition, de biographie et d'aventures. Un livre palpitant, à la fois sombre comme les profondeurs de la forêt amazonienne et frais comme une Caïpi ; assorti d'une belle inventivité. C'est intelligent et franchement entraînant.
Oui vous avez compris, tout se passe au Brésil (tout ? sauf une partie de chapitre irréductible, qui nous projette dans l'Italie du 17ème siècle). Il crée des parallèles renversants entre Athanasius Kircher, ce savant/génie/imposteur, dont la vie est racontée, et les personnages de l'intrigue principale, correspondant de presse, jeune prof d'université, étudiante qui se cherche, enfant de la rue, gouverneur corrompu...
Sans artifices, tout en finesse et encore une fois intelligence, philosophique ?, appuyé sur une écriture de style, il déploie un vrai monde, dans lequel on prend plaisir à s'immerger. Les 800 pages (oui) passent à grande vitesse. Reste la sensation du voyage, de la découverte. de ces livres qui restent présents bien après leur lecture.

Merci !
J'ai hâte de lire son dernier, L'île du Point Némo

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Correspondant de presse installé au Brésil,Eléazard von Wogau est chargé d'étudier une biographie inédite d'Athanase Kircher, célèbre jésuite du XVIIè siècle, inventeur de génie et grand érudit aux savoirs multiples.Et tandis qu'Eléazard se plonge dans le passé de cet homme hors du commun, sa fille Moéma s'adonne à la drogue,son ex-femme Elaine s'enfonce dans la jungle pour une périlleuse expédition archéologique pendant que Nelson,gamin des favélas, rêve de vengeance...
Avec une maëstria inouïe,Blas de Roblès mêle différents récits, styles de narration et genres littéraires concoctant ainsi un livre d'aventures, un roman historique, sociologique, scientifique ou encyclopédique... qui traite de la quête des origines en parcourant époques, courants de pensée, sciences ou religions.Les lectures y sont diverses et variées mais également géniales; le lecteur s'immerge dans une oeuvre polymorphe époustouflante de démesure et d'érudition.Un vrai Chef-d'oeuvre
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Mais dans quel but Jean Marie Blas de Roblès a t'il écrit ce livre ? Ce n'est pas que je n'ai pas aimé puisque je suis allée au bout des 880 pages en poche. Mais pourquoi cet Athanase Kircher européen du XVIIème, à côté de ces personnages de la fin du XXème vivant au Brésil ?
Le lien c'est la biographie rédigée par le père Kaspar Schott sur laquelle travaille Eléazar von Wogau. Les personnages sont d'ailleurs reliés les uns aux autres ou le deviennent. Il y a sa femme dont il est séparé, Elaine scientifique qui part en mission dans la forêt amazonienne avec entre autres Mauro, fils de Moreira gouverneur corrompu et de son épouse Carlotta. Il y a aussi sa fille Moema toxicomane idéaliste, son amie et amante Thaïs qui font connaissance de Roetgen collègue de Mauro. Et puis Nelson jeune orphelin handicapé et l'Oncle Zé qui vivent dans une favela et dont on se demande longtemps quel est leur rapport avec les autres. Autour d'eux quelques autres personnages, Soledade gouvernante d'Eléazar, Loredana italienne dont il tombe amoureux, son ami Euclides, Hermann ancien nazi dans le bateau duquel l'expédition amazonienne a pris place... et l'on passe d'un groupe à l'autre. de la science, de la sorcellerie, de l'aventure, de la violence, il y a tout cela et plus encore dans ce roman.
Ce portrait du Brésil contemporain n'est guère flatteur mais je suppose qu'il est juste.

Un roman très érudit que j'ai trouvé un peu étrange mais que j'ai aimé. A lire si vous ne l'avez pas déjà fait.
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Là où les tigres sont chez eux est un roman qui cartonne en librairie, même dans les milieux dits défavorisés. Pourquoi ? Jean-Marie Blas de Roblès va au-delà de la condition de ses personnages issus des milieux universitaires ou pauvres. Il a écrit un roman initiatique universel divertissant, passionné, passionnant, philosophique, agréable à lire et à la portée de tous.

[...]

Là où les tigres sont chez eux est un véritable coup de coeur. Longtemps resté dans ma liseuse, j'avais oublié son existence jusqu'à ce que je retombe sur le roman en librairie. La couverture m'a tout de suite parlé. Après une centaine de pages, j'ai su que j'avais déjà adopté le livre. Roman de longue haleine, j'ai su apprécier le roman pour ses qualités universitaires mais avant tout pour ses jeux littéraires en sachant rester simple. Jean-Marie Blas de Roblès a très bien intégré les codes contemporains des films et des romans d'aventures et nous a pondu un roman monde génial. La fin brutale laisse sous-entendre une nouvelle vie en devenir. Elle est en cohésion avec le destin de chaque personnage qui aura vécu quelque chose à 100 km de ce qu'ils auront déjà vécu.
Lien : http://biblio.anassete.org/2..
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Un roman magnifique, qui nous entraîne au Brésil sans le côté artificiellement chamarré de certains auteurs y compris sud-américains (García Marquez, Jorge Amado…) au rythme d'une prose superbe, poétique sans mièvrerie, sans afféterie, bref, sans que ce soit chiant ! Certaines descriptions sont proprement saisissantes (l'auteur est moins bon dans les dialogues). L'intrigue, multiple, est très bien maîtrisée, à part la fin, un peu abrupte.
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Le Brésil, des personnages très différents les uns des autres, une atmosphére qui colle à la peau et des aventures immobiles ou á la Indiana jones en passant par le drame social et en plus la bio d'un grand homme d'église et scientifique... avant la science: savoureux. Je n'ai pas compris qu'il n'ait pas eu le Goncourt.
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Un livre riche en personnages atypiques dans lequel l'auteur nous balade entre le 17e siècle et le présent. Au fil des chapitres, nous passons de la vie du Jésuite Athanase Kircher, savant de l'époque baroque, à la survie d'une équipe de scientifiques à la recherche de fossiles en pleine jungle, d'un correspondant de presse qui étudie la biographie d'Athanase Kircher pendant que sa fille s'adonne à la drogue et mène une vie de « bâtons de chaises » et ce n'est qu'un aperçu des multiples personnages et des lieux divers que nous font découvrir ce roman plein d'aventures.
Un chef d'oeuvre !
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“Ce n'est pas impunément qu'on erre sous les palmiers, et les idées changent nécessairement dans un pays où les éléphants et les tigres sont chez eux.” Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) “Les Affinités électives

Non pas un roman ou un essai, mais un magnifique conte baroque avec des clins d'oeil d'érudit. le troubadour, Jean-Marie Blas de Roblès, narre deux histoires, servies par une prose légère d'érudit souvent poétique. Ces destinées, ces vies parallèles et croisées, placées sous l'égide de l'épigraphe de Goethe posant, en quelques mots, la question du déracinement, des repères, de l'intégration, des différences. Clin d'oeil, notre troubadour a choisi pour illustrer cette pensée du XIXème siècle d'une part la vie d'une série de personnages du Sertão dans le Nordeste brésilien du XXème et d'autre part la vie et l'oeuvre du jésuite Anasthase Kircher (1602–1680) en Europe au XVIIème siècle. Les chapitres se répondent avec l'utilisation de l'esperluette permettant de situer les moments où nous sommes au XVIIème de ceux où nous nous perdons dans le Mato Grosso.

Au Brésil, Eleazard von wogau, et son perroquet Heidegger, correspondant de presse inutile dans cette ville abandonnée d'Alcantara (clin d'oeil) proche de São Luís do Maranhão, (Clin d'oeil, ce fut la seule ville du Brésil créée par des Français au XVIIème !) étudie une biographie de Kircher probablement écrite par Caspar Schott (1608-1666), fidèle compagnon du Père jésuite. Biographie ou hagiographie de ce génie polymorphe aux confins De La Renaissance et du Baroque, en fait est une belle figure de jésuite scientifique ? Mais ce Père jésuite n'utilise-t-il pas son génie pour défendre des positions officielles que sa science lui en montre les apories. On peut s'étonner de voir un génie scientifique déclamer : “L'Ennemi, hurla Kircher, le Tentateur ! L'Ange déchu ! L'Ignominieux ! Repentez-vous, pécheurs pour échapper à ses griffes & aux tourments que vous réserve en enfer l'armée de ses démons ! Voici venir Beydelus, Anamelech, Furfu & Eurynome ! Baalberith, conservateur des archives du mal ! Abaddon, ange exterminateur ! Tobhème, cuisinière de Satan ! Philotanus, que son nom même désigne à notre opprobre ! Et puis encore Lilith, Nergal & Valafar ! Moloch, Murmur, Scox, Empuze & Focalor ! Sidragasum, qui fait danser les femmes impudiques ! Bélial, ô séducteur crapuleux, Zapam, Xezbeth, Nysrak & Haborym ! Hors d'ici, Asmodée ! Et toi, Xaphan, retourne à tes chaudières ! Ombres & Stryges, fées, furoles & ondines, disparaissez de notre vue. ”
Eléazard s'entretenant de Kircher avec un compagnon, le Dr Euclide : “Et qui aurait pu s'aviser d'être athée à son époque ? Tu crois réellement que c'était possible, ou seulement pensable, même pour un laïque ? Non par crainte de l'Inquisition, mais par manque de structure mentale, par incapacité intellectuelle d'imaginer un mode sans Dieu. N'oublie pas qu'il a fallu encore près de trois cents ans pour que Nietzsche parvienne à exprimer ce reniement.”
Clin d'oeil, anachronisme d'érudit, en effet il existe un vrai Euclide da Cunha (1866-1909) qui a joué un grand rôle dans le Sertão.

la critique est un peu longue, puis-je vous recommander de la finir sur le site
www.quidhodieagisti.fr

Clin d'oeil final vous aurez noté que Tiger und Elefanten n'existent pas au Brésil.
Lien : http://quidhodieagisti.kazeo..
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Je ne voudrais effrayer personne - parce que la connaissance du latin n'est en rien indispensable pour lire et apprécier ce roman fleuve et les nombreux méandres de sa construction - mais quand la situation devient un peu graveleuse quelques fois dans leur moitié de roman, les personnages Kircher et Schott passent au latin, par pudeur.
En tant que parfait cuistre anatolefrancien, je dis fraîcheur, je dis plaisir, je dis joie, je dis merci.
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