Citations sur Accès direct à la plage (32)
Je pensais que les vacances me videraient la tête. Mais non, les vacances, ça ne vide qu'une chose : le porte-monnaie.
Avec Stefan on est allé à l'ouest. Plusieurs fois. Voir les rues. Les vitrines.Ils ne se rendent pas compte. Ils ne se rendent vraiment pas compte.
Cette année, oncle Otto et tante Geneviève m'ont invitée en vacances. Ils ont même payé le voyage en train. Des vacances près de la mer, en Bretagne. La dernière marche vers les États-Unis.Et Ils n'arrêtent pas de se plaindre. Que la maison est un peu trop petite, qu'elle est un peu trop humide, que le terrain n'est pas comme sur la photo du catalogue, que le supermarché est un peu trop loin. Ils ne se rendent pas compte.
Je viens de prendre le plus grand virage de ma vie. Une épingle à cheveux.
Un jour, je devrais essayer de tout raconter.
M'enfermer dans une chambre et raconter les journées sur la plage.
Les enfants, c'est comme ça. Comme les ballons d'hélium dans les cathédrales. On les lâche, ils s'envolent mais restent quand même à portée de vue, on leur fait des signes, on leur rend visite, ils sont en haut, ils sont loin, encore coincés sous nos arcs gothiques. Et un jour, on ne comprend pas pourquoi exactement, ils ne sont plus dans notre sphère.
Je me souviens que j'avais toujours eu envie de faire partie du Club Mickey. C'est curieux, non? Des années plus tard, je ne l'ai toujours pas digéré, le Club Mickey. Il se transforme et renaît sans cesse. Il est devenu maintenant le club de ceux qui avancent sans la vie et laissent derrière eux des traces, des mots, des souvenirs. Des enfants, un livre, un amour ineffaçable.
Mon père va au lit vers onze heures. Il s'endort très vite. Encore plus vite depuis que j'ai retrouvé les cachets dans la table de nuit. J'en écrase deux et je les verse incognito dans son café. Du coup, il dit que depuis qu'il est en vacances, il dort comme un loir. Qu'il a retrouvé ses nuits de bébé. C'est touchant, non? Après, il suffit de descendre l'escalier à pas de loup. D'écouter sa respiration régulière dans la chambre du bas, de reprendre l'escalier jusqu'au garage. Et de sortir discrètement.
Des années que je rêve de faire ça.
Et puis deux semaines à la mer. Avant, c'était pire. C'était un mois à la mer. Un mois à s'étaler sur des serviettes qui sentent le moisi et qui s'envolent au moindre coup de vent. Sans compter ce que ça nous coûte. Avec ce qu'on dépense en location, on aurait déjà pu acheter un quart du terrain pour la maison. Mais non. Faut aller à la mer. Faut regarder les vagues. Faut acheter des glaces à l'eau. Faut acheter de la crème solaire.
Je me reconstruis.
Je sais très bien le faire.
Me reconstruire.
Pierre par pierre, joint par joint, carreau par carreau.
J'aurais dû être maçonne.
Je pourrais passer des heures comme ça, accoudée au parapet, à regarder l'océan qui recule et qui avance.
Le toubib avait raison.
L'océan calme.
Vous le regardez, il est immuable.
Et vous sentez l'immensité du monde, vous sentez que vous n'êtes qu'une poussière dans l'univers et que, en fin de compte, tout ça n'a pas beaucoup d'importance.