Quelle déception que ce livre !
Il m'avait été proposé dans le cadre de mon abonnement Boobox, cette « box livresque » virtuelle qui a malheureusement dû cesser ses activités à la fin de l'été dernier. Comme j'aime bien lire de temps en temps (voire souvent, selon les périodes) une bonne romance M/M, celle-ci ne pouvait que m'attirer !
Je n'ai découvert que plus tard que j'ai reçu ainsi la version publiée en autoédition. Or, il semble que Juno Publishing a repris ce livre quelques mois plus tard, en lui apportant plusieurs modifications apparemment importantes : le titre est devenu « Un étalon à dompter » et même l'âge des protagonistes, 42 et 18 ans dans ma version, a été modifié : désormais 34 et 17 ans, selon ce que plusieurs commentaires mentionnent. de là à penser que bien d'autres choses ont été adaptées, le pas est vite franchi… et à vrai dire, je l'espère autant pour les lecteurs que pour l'autrice car, en l'état original d'autoédition, comme je disais d'emblée, ce livre n'est pas du tout convaincant !
Bien évidemment, mon commentaire ci-dessous porte sur l'autoédition de 2020 exclusivement, puisque c'est bien celle-là que j'ai lue.
Pourquoi lire ce livre maintenant ? À cause d'un challenge, bien sûr ! Une consigne me demandait ce mois-ci de lire un livre ayant une note entre 10 et 11/20 sur la plateforme Livraddict : « Étalon sauvage » a précisément 11/20 (contrairement à Babelio, qui lui accorde 3,93/5, soit 15,72/20 ! mais comme je disais : les commentaires semblent montrer que les Babelistes l'ont plutôt lu dans sa version révisée, ce qui conforte mon hypothèse de modifications assez importantes).
Et, franchement, il ne mérite pas davantage…
Cette version en autoédition présente de nombreux défauts.
Je note en premier lieu une tendance à répéter encore et encore l'âge des protagonistes et leur différence (24 ans quand même), mais alors l'autrice ne le répète pas 24 fois, mais 240 fois, voire 2.400 fois !! On avait pourtant très vite compris à quel point elle met en exergue cette grande différence d'âge : il était inutile d'en faire un leitmotiv, qui finit par lasser, agacer, et finalement complètement irriter !
Pire : l'autrice ne cesse de nous présenter Zach, le jeune de 18 ans, pas tout à fait majeur car ce serait seulement à 19 ans dans le Nebraska, lieu de l'intrigue ; bref, le jeune Zach serait en pleine excitation hormonale, tandis que Kay, le rancher qui va tomber amoureux de lui, se sentirait « vieux » (et, là aussi, elle ne cesse de le répéter) alors qu'il n'a quand même que 42 ans !
Dana Blue est-elle donc elle aussi une jeune fille à peine pubère, pour voir un vieux en un homme du début de la quarantaine ??! Je peux lui expliquer, moi, qu'un homme normalement constitué (et bien musclé et tout et tout, ça aussi elle le répète pourtant, grâce à son travail de rancher justement) dans la quarantaine est au sommet de sa forme à cet âge-là, dans tous les sens du terme, même au lit !
Certes, oui, elle parvient à nous présenter Kay comme un homme responsable et exigeant, alors que Zach a d'indéniables comportements de « gamin » pas toujours très mûr ; en revanche, je ne vois absolument pas en quoi le jeune homme serait « sauvage » (ou même « à dompter » selon le nouveau titre, à moins que cet aspect-là ait été retravaillé chez Juno ?). Certes, il bougonne un peu au début du livre, mais pour le reste, il se soumet assez facilement aux ordres de Kay, il n'y a jamais la moindre tentative de rébellion ou de mutinerie ; et même quand il passe à une offensive de nature plus sexuelle, ça reste gentil et même bon-enfant – bref, ça ne m'a pas convaincue une seule seconde !
En parlant de scènes explicites : par rapport à ce que j'ai déjà pu lire ailleurs, elles sont extrêmement décevantes ! On sent certes l'attirance physique qui naît peu à peu entre les deux hommes (malgré leur différence d'âge blablabla), mais il n'y a pas vraiment de tension érotique, et quand ils finissent par avoir enfin un rapport (à plus de 50% du livre si mes souvenirs sont bons), c'est du vite fait en 2-3 lignes… On a tout à coup l'impression que
Dana Blue s'est sentie obligée de détailler un peu les choses pour pimenter son récit, mais qu'elle ne sait pas trop comment faire, et au final c'est trop court, plat, et en même temps ça paraît tellement brutal qu'on se demande comment une relation qui, personnellement, ne me satisferait pas le moins du monde, peut conduire à un grand amour qui transcende toutes leurs différences ? Car, oui, vous l'avez compris : les quelques scènes suivantes, si elles sont un peu plus élaborées, n'ont toujours pas fait naître cette excitation que l'on attend en lisant de tels passages, j'avais juste envie de tourner vite ces pages insipides…
Avec ça, pour un livre qui se veut une romance M/M, j'ai quand même halluciné face à certains clichés ! Je cite l'un ou l'autre exemple, pour mieux expliciter mon propos. Aux 28% de l'ebook, dans la bouche de l'épouse d'un des cowboys que Kay emploie sur son ranch : « Je suis une femme, je peux repérer les gays comme des poissons dans la mer ! » Non mais sérieusement ?!? Depuis quand les femmes seraient des radars à gays automatiques, juste parce que ce sont des femmes ?... et je ne parle même pas des poissons dans la mer…
Ou, tout aussi choquant, aux 31% de l'ebook : « C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il devait être le seul homme sur terre à posséder une fiole d'huile aromatisée dans son armoire. En même temps, il était gay, alors c'était normal, diraient ses amis. » Vraiment ? Rassurez-vous,
Dana Blue : mon homme, qui est on ne peut plus hétéro (ou alors il me cache très bien son jeu, à moi sa compagne depuis plus de 20 ans, et mère de ses trois enfants), a aussi de l'huile aromatisée dans son armoire, et il adore les massages !! Oups, va-t-il m'annoncer demain qu'il me quitte parce qu'il est gay ? Au secours quoi !!
Et pour combler le tout, j'ai trouvé de nombreuses phrases mal tournées, écrites d'une façon un peu trop « basique », avec parfois même des mots pas traduits du tout. Je cite, par exemple, aux 62% de l'ebook : « Zach sentit un frisson d'excitement le parcourir. » sauf que excitement n'existe pas en français !
… jusqu'à ce que je me rende compte que
Dana Blue est canadienne et même québécoise, donc a priori francophone. Seraient-ce alors des québécismes ?... ce n'est pas impossible, mais alors elle doit apprendre (comme moi avec mes belgicismes) à les utiliser à bon escient : oui elle a raison d'être fière des particularités de sa langue « locale », pour ça je la soutiens à 100% et même davantage, mais encore faut-il les utiliser de façon dosée et maîtrisée, pas à tout-va au point que son texte ressemble à une mauvaise traduction d'un anglais de bazar !
Peut-être aurais-je été moins sévère sur ce point de la langue, si seulement il n'était pas aggravé par la présence de nombreuses fautes d'orthographe, en veux-tu en voilà, et là aussi ce sont des basiques, comme par exemple : « Ne me dit (sic) pas que je vais enfin le voir ! » Face à une faute pareille (qui, hélas, n'est pas la seule du genre !), on rend les armes, et on comprend que décidément, ce livre ne valait pas son investissement, du tout.
Enfin, vous le savez : même si j'ai été (fort) déçue par un livre, je n'aime pas n'en laisser qu'un souvenir négatif. L'impression générale qui me reste de ce livre est une certaine ingénuité de l'autrice, une vision très « innocente » de l'homosexualité, qu'elle essaie de compenser par des scènes un peu trop dures, et dès lors pas réalistes… même si elle n'hésite pas à relever que ce n'est pas simple de sortir du placard, dans certains États américains ! Et ça, même si c'est maladroit, ça mérite d'être souligné, car c'est hélas encore trop vrai – et pas seulement là-bas…
Par ailleurs, sa présentation de la vie d'un rancher est tout à fait réussie. Ah ! peut-être est-elle là aussi pleine de clichés, mais je serais bien incapable de le dire, moi qui n'y connais rien ! En tout cas, le décor et le contexte sont bien plantés ; on n'est peut-être pas en complète immersion, mais on parvient très bien à visualiser, se représenter le milieu dans lequel nos protagonistes évoluent, et on se prend à rêver à ces étendues encore tellement sauvages ! J'ai même un peu regretté que certaines scènes, clairement liées à cet univers, ne soient pas davantage exploitées : comme par exemple l'épisode final du rodéo (je n'en dirai pas plus car je suis déjà à la limite du spoil), qui est tout à fait convaincant, et qui aurait mérité d'être mieux annoncé – car là, il tombe un peu comme un cheveu dans la soupe, mais c'est un moindre mal, puisqu'il clôture les choses en beauté.
J'espère sincèrement, comme je disais plus haut, que les modifications vraisemblables apportées par la nouvelle édition chez Juno Publishing auront remédié à ces différents problèmes, car malgré tout il y a un beau potentiel dans cette histoire. Mais je n'aurai pas l'occasion de le découvrir, car mon appréciation globale reste quand même la déception, et je n'ai guère envie de retenter l'expérience, même revue et corrigée.