"Derrière nous se tient un ange. Il est né avec notre naissance. Il grandit et s'épuise avec nous".
Elle n'est d'aucune saison, d'aucune époque. Ce qui est dans l'air du temps passe avec l'air, passe avec le temps. Elle ne passe pas. Elle est présente à la lecture. Elle demeure en amont des lumières, près des sources du coeur. Elle a l'élégance des âmes errantes.
La lecture ne peut se commander. Personne ne peut en décider à votre place .Il en va de la lecture comme d'un amour ou du beau temps :personne ni vous n'y pouvez rien .On lit avec ce qu'on est .On lit ce qu'on est .Lire c'est s'apprendre soi-même à la maternelle du sang , c'est apprendre qui l'on est d'une connaissance inoubliable ,par soi seul inventée .L'enfance tourne avec les pages .
" Il y a plusieurs durées dans votre vie. Il y a plusieurs eaux mélangées dans le temps. L'enfance fait comme un courant profond dans la rivière du jour. Vous y revenez souvent, comme on revient chez soi après beaucoup d'absence."
L'enfant aux yeux gris cendre revient vers vous. Essoufflé par par ses jeux, il s'assoit à vos côtés. Il vous parle de son école. Comme d'un travail, il en parle. Il a raison, puisque le travail c'est d'être où l'on n'a pas choisi d'être, où l'on est contraint de demeurer - loin de soi et loin de tout.
(Dans La fleur de l'air)
Les preuves en miettes de l'existence de Dieu
Nous n'avons guère plus de prise sur notre vie que sur une poignée d'eau claire. Nous ne possédons que ce qui nous échappe et se nourrit de notre amour : un arbre dans le songe, un visage dans le silence, une lumière dans le ciel.
Il côtoie des notables, des hommes lourds, puissants. Il est admis à leur table, reçu dans leur parole. Il s'approche de ces gens au plus près, comme on se penche sur le vide, dans le risque se s'y perdre. Il passe là au plus près de la mort de son âme, de la fin d'une enfance. Il échappe au dernier instant, dans un fou rire, dans l'insolence. Il redevient à l'ultime seconde ce qu'il n'a pas cessé d'être : l'enfant insupportable, curieux de tout.
Alors on écrit. Alors on retourne au désert pour y trouver une source. C'est en écrivant que cela arrive. Un sentiment mêlé de tout, comme du feuillage avec la pluie. C'est une joie qui arrive et nous rend malheureux. Elle nous vient de ce chant qui s'élève de l'enfance, qui y retourne. C'est pour l'écouter que l'on écrit.
Les premières phrases : Elle est seule. C'est dans un hall de gare, à Lyon-Part-Dieu. Elle est parmi tous ces gens comme dans le retrait d'une chambre. Elle est seule au milieu du monde, comme la vierge dans les peintures de Fra Angelico : recueillie dans une sphère de lumière. Éblouie par l'éclat des jardins. Les solitaires aimantent le regard.
Il y a des choses plus durables que la mort, il y a des amours bien plus clairs que de vivre [p41]